Près de sept millions de Syriens ont besoin d’aide humanitaire, a
indiqué jeudi devant le Conseil de sécurité la responsable des
opérations humanitaires de l’ONU Valerie Amos, qui s’est plaint des
obstacles mis par Damas à la distribution de l’aide.
"Les derniers chiffres montrent que 6,8 millions de personnes ont
besoin d’aide, 4,25 millions ont été déplacées dans le pays et 1,3
million supplémentaires ont trouvé refuge dans les pays voisins", a
déclaré Mme Amos.
La Syrie compte 20,8 millions d’habitants.
Mme Amos a réaffirmé qu’en raison de l’insécurité, des restrictions
et du financement encore insuffisant, les agences de l’ONU étaient
"proches du point de rupture" et pourraient être amenées rapidement à
suspendre "certaines opérations humanitaires essentielles".
De son côté, le Haut-commissaire de l’ONU aux réfugiés António
Guterres, s’adressant au Conseil par vidéo-conférence, a estimé que le
chiffre de réfugiés pourrait passer à 3,5 millions à la fin de l’année.
"Ces chiffres sont terrifiants et la situation risque de devenir tout
simplement insoutenable", a-t-il commenté en appelant à la solidarité
internationale en faveur des pays d’accueil comme le Liban et la
Jordanie.
Mme Amos a souligné que depuis janvier "les obstacles bureaucratiques
ont augmenté" de la part des autorités syriennes. Ainsi, la liste des
ONG autorisées à opérer en Syrie est passée de 110 à 29, 21 visas sont
en attente et une demande d’importation de 22 véhicules blindés n’a
toujours pas été acceptée.
L’ONU vient aussi d’être informée que "tout camion devra obtenir un
permis signé par deux ministres pour passer les points de contrôle
gouvernementaux". Or, a souligné Mme Amos, "un convoi allant de Damas et
Alep (nord) passe par 50 points de contrôle, la moitié gérés par le
gouvernement". "Nous ne pouvons pas fonctionner comme cela", a-t-elle
conclu, invitant le Conseil à envisager "d’autres manières de livrer
l’aide, y compris par des opérations transfrontalières’".
Du coté des zones contrôlées par l’opposition, "où les besoins sont
les plus présents", la fourniture d’aide à la région d’Alep en passant
par la frontière turque a "nettement diminué depuis deux mois".
Malgré ces difficultés, a-t-elle souligné, près de deux millions de
personnes ont pu être secourues par le Programme alimentaire mondial en
mars, et l’UNICEF et ses partenaires ont pu fournir de l’eau potable à 5
millions de personnes.
Le financement fait aussi des progrès, la moitié d’un appel de fonds
de 1,5 milliard de dollars ayant été couverte grâce notamment au Koweït,
qui vient de débourser 300 millions de dollars. Mme Amos a invité les
Etats membres qui ont promis des fonds lors des conférences de donateurs
"à les verser d’urgence".
**
Assad pour la guerre et contre la négociation avec l’opposition
Le président syrien Bashar al-Assad a adopté une posture extrêmement
ferme en affichant sa détermination à poursuivre la guerre jusqu’à la
victoire et en fermant quasiment la porte à toute solution négociée avec
l’opposition.
"C’est un discours très provocateur, il est encore plus déterminé
qu’avant", affirme à l’AFP Rim Allaf, expert de la Syrie à Chatham House
de Londres, en référence à l’interview de Assad mercredi à la chaîne
officielle Al-Ikhbariya.
"Il dit à la communauté internationale ’nous allons continuer à faire
tout ce que nous devons faire pour rester au pouvoir alors que vous
(les Occidentaux) ne faites que créer des problèmes dans la région’",
ajoute-t-elle. "Il tâte le pouls de cette opinion internationale pour
voir comment elle réagira".
Profitant de l’aubaine que lui a offert la semaine dernière le Front
Al-Nosra, le plus médiatisé des groupes armés, en prêtant allégeance au
chef d’Al-Qaïda Ayman al-Zawahiri, le président syrien s’en est pris à
l’Occident qui selon lui aide naïvement cette organisation et a estimé
que l’alliance sur le terrain avec le groupe jihadiste disqualifiait
l’opposition armée.
"L’Occident ne sait pas que ce terrorisme se retournera contre lui",
a-t-il dit. Ils "combattent Al-Qaïda au Mali et le soutiennent en Syrie.
C’est la politique de deux poids deux mesures", a-t-il souligné en
référence à l’intervention française dans le pays africain.
Enfonçant le clou, Assad a souligné qu’"il n’y a pas de terroriste
modéré", rejetant toute distinction entre les rebelles de l’Armée
syrienne libre (ASL) et les groupuscules jihadistes, dont Al-Nosra.
En réalité, selon les experts, si le Front Al-Nosra est
l’organisation la plus connue, elle n’est pas la plus importante et les
formations islamistes sont bien plus nombreuses, sans parler de l’ASL
qui est de loin le groupe armé prépondérant.
Assad "a parlé avec beaucoup d’assurance. Je pense qu’avant cette
interview il avait obtenu l’appui de ses alliés, les Russes et les
Iraniens. Il est confiant qu’il pourra compter sur tous ses soutiens,
tout en sachant que les Etats-Unis et autres ne sont pas encore certains
de ce qu’ils doivent faire", selon Mme Allaf.
Le secrétaire d’Etat américain John Kerry a réaffirmé que "les jours
d’Assad étaient comptés". "Je suis convaincu qu’il partira (...)
l’objectif essentiel est de créer une transition pacifique qui
maintienne les institutions de l’Etat".
Or le président syrien s’est montré inflexible envers ses adversaires
en liant son sort à celui de la Syrie. "Nous n’avons pas d’autres
options que la victoire, car si nous ne sommes pas victorieux, ce sera
la fin de la Syrie", a-t-il dit.
Il a en outre laissé entendre qu’il pourrait se représenter à la
présidentielle à l’issue de son mandat en 2014 et s’en est pris à
l’opposition, essentiellement basée à l’étranger, doutant de son
patriotisme et rejetant tout dialogue avec ceux qui ont "encaissé de
l’argent pour vendre la patrie".
Pour l’expert Yezid Sayigh, spécialiste de la Syrie au Carnegie
Middle East Center, derrière les mots durs, il a tenu à rassurer son
peuple et à remonter le moral de ses troupes.
"Le message de son interview est de souligner qu’il a l’intention de
rester président (...) jusqu’à la prochaine présidentielle", dit-il. "Il
s’agit d’un message pour donner confiance aux Syriens".
En outre, "le régime veut convaincre le peuple qu’il est peut être
plus représentatif des différentes composantes de la société syrienne
que l’opposition", estime Peter Harling, d’International Crisis Group
(ICG).
D’après cet analyste, au cours des deux ans de conflit, "la
rhétorique du régime n’a pas changé, c’est la réalité qui est venue
rattraper cette rhétorique", Damas ayant soutenu dès le départ que la
révolte était l’oeuvre de salafistes. Assad a affirmé dans
l’interview qu’Al-Qaïda "dominait" la rébellion.
(18-04-2013)
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