vendredi 1 août 2014

Israël/Palestine : les espoirs réduits en cendres

Au moins 62 Palestiniens ont été tués et 350 blessés vendredi lors des opérations militaires israéliennes qui ont suivi la disparition d’un soldat israélien probablement capturé dans la bande de Gaza, près de Rafah (sud), ont annoncé les secours locaux. Quatre autres ont été tués à Khan Younès, un peu plus au nord. Plus de 1 500 Palestiniens, très majoritairement des civils, ont été tués en 25 jours de conflit, selon cette source.
La journée devait pourtant être la première d’une trêve censée durer 72 heures. Elle devait permettre à la population de se réapprovisionner et d’enterrer ses morts. Elle n’aura pas tenu deux heures. Elle a volé en éclats vendredi quelques heures seulement après son entrée en vigueur, pulvérisée par un nouveau bain de sang et le probable enlèvement d’un soldat israélien par l’ennemi. Les chances d’une trêve durable semblent désormais plus éloignées que jamais : la capture d’un soldat israélien est le casus belli par excellence pour Israël. Et du côté palestinien, au moins 27 personnes ont été tuées par des tirs d’artillerie israéliens près de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, ont indiqué les secours locaux.

Israël et le Hamas se sont renvoyé la responsabilité du nouvel échec de cette trêve, la première pourtant que les deux camps avaient acceptée depuis le début des hostilités le 8 juillet. Selon l’armée israélienne, des soldats engagés dans la destruction d’un tunnel du Hamas près de Rafah ont été attaqués par des "terroristes" sortis de terre. Un kamikaze s’est fait sauter, a rapporté le porte-parole de l’armée, Peter Lerner, ajoutant que les premiers éléments "indiquent qu’un soldat, un sous-lieutenant de 23 ans, a été enlevé" dans l’affrontement.

Dans la foulée et une grande partie de la journée, le secteur de Rafah a été soumis à d’intenses bombardements qui ont tué au moins 62 personnes, en blessant quelque 350. L’armée israélienne avait prévenu les habitants qu’ils devaient rester chez eux en appelant leurs portables, selon un mode opératoire éprouvé. "L’armée poursuit des éléments terroristes à Rafah", disait le message, laissant entendre des opérations au sol, peut-être pour tenter de retrouver le soldat sans doute enlevé.

La capture d’un de ses soldats est une ligne rouge pour Israël. Le rapt en juin 2006 du soldat franco-israélien Gilad Shalit avait déclenché cinq mois d’opérations militaires dans la bande de Gaza. Le soldat Shalit avait été libéré en octobre 2011 en échange d’un millier de prisonniers palestiniens.

Les États-Unis avaient, ces derniers jours, adopté un ton inhabituellement ferme vis-à-vis de leur allié israélien devant le nombre de victimes civiles à Gaza. Vendredi matin, quelques heures après l’échec du cessez-le-feu, ils ont désigné un seul responsable : le Hamas. Alors qu’Israël et le Hamas se renvoyaient la responsabilité de la rupture de la trêve, annoncée jeudi soir par le secrétaire d’État américain John Kerry, la Maison-Blanche a dénoncé une violation "barbare" de l’accord par le mouvement islamiste palestinien.
Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon "exige la libération immédiate et sans conditions du soldat (israélien) capturé" à Gaza, a indiqué vendredi son porte-parole Stéphane Dujarric. La rupture du cessez-le-feu à Gaza "remet en question la crédibilité des assurances données par le Hamas aux Nations unies", ajoute le communiqué de l’ONU lu par M. Dujarric.

Interrogé sur le fait que la trêve était terminée, le porte-parole de l’armée israélienne a répondu par l’affirmative peu avant 14 heures locales. Pour le porte-parole du Hamas à Gaza, Fawzi Barhum, "c’est l’occupation (Israël) qui a violé le cessez-le-feu". "La résistance palestinienne a agi au nom de son droit à l’autodéfense pour arrêter les massacres de notre peuple", a-t-il ajouté. Selon un responsable du Hamas au Caire, son organisation n’a pas mené d’opération après le début du cessez-le-feu.

Des négociations étaient censées s’engager vendredi au Caire pour que le cessez-le-feu puisse durer plus longtemps que les précédentes trêves, unilatérales, dans un conflit dévastateur qui, en 25 jours, a coûté la vie à environ 1 500 Palestiniens, en grande majorité civils, ainsi qu’à 63 soldats et 3 civils côté israélien.

L’Égypte a informé les responsables palestiniens qu’elle repoussait les négociations après qu’Israël l’eut informée de la capture d’un de ses soldats, a indiqué un responsable du Djihad islamique, organisation qui devait prendre part à cet effort de négociation.

Dans un communiqué, le coordinateur spécial pour le Moyen-Orient à l’ONU Robert Serry s’est dit "profondément inquiet des conséquences graves sur le terrain qui pourraient résulter" de l’enlèvement s’il est confirmé.

Avant même d’entrer en vigueur, le cessez-le-feu avait été précédé pendant deux heures par des bombardements intenses et des tirs de roquette, ont constaté les journalistes de l’AFP dans la ville de Gaza. Dans le secteur de Khan Younès (sud), quatorze Palestiniens ont été tués dans la nuit, selon les secours. L’armée israélienne avait annoncé la mort de cinq soldats tués jeudi soir par des tirs d’obus palestiniens du côté israélien de la frontière.

La guerre déclenchée le 8 juillet par des frappes aériennes israéliennes vise à faire cesser les tirs de roquette du Hamas et de ses alliés du Jihad islamique et les attaques menées en Israël par des commandos infiltrés par des tunnels. Depuis le début des opérations, le Hamas a tiré au moins 2 968 roquettes sur Israël, selon l’armée israélienne. Le 17 juillet, l’opération Bordure protectrice est passée à sa phase terrestre, l’armée pénétrant dans l’enclave palestinienne dont elle s’était unilatéralement retirée en 2005.

La population de Gaza, prise au piège des bombardements, est "au bord de la rupture", selon l’Agence onusienne pour l’aide aux réfugiés palestiniens (UNRWA), qui accueille 230 000 réfugiés dans des conditions de précarité extrêmes dans 85 centres à Gaza. Le cessez-le-feu était donc "très important pour donner aux civils innocents un répit dont ils ont bien besoin face à la violence", acheminer l’aide humanitaire, enterrer les morts et reconstituer des stocks, avait indiqué le secrétaire d’État américain John Kerry en annonçant la trêve lors d’un déplacement à New Delhi.

Cette guerre est au moins aussi meurtrière que Plomb Durci (2008-2009), qui était déjà censée mettre un terme aux tirs de roquette du Hamas. Les pertes de l’armée israélienne, elles, sont les plus lourdes depuis la guerre contre le Hezbollah en 2006.

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