Devant des électeurs enthousiastes tirant des feux d'artifices à un
meeting au Caire, Ahmed Mortada Mansour multiplie les promesses
populistes à l'avant-veille des élections législatives qui débutent
dimanche.
"Je ne crois pas aux programmes électoraux, mais je sais ce dont vous
avez besoin: je vais vous construire un hôpital moderne, de première
classe, et une école pour vos enfants", tonne le candidat de 34 ans,
sous les applaudissements nourris d'environ 200 personnes dans un
quartier pauvre de sa circonscription, dans l'ouest de la capitale.
Vêtus de tee-shirts à l'effigie du candidat, des enfants se précipitent
pour embrasser M. Mansour, membre du parti de centre droit "Les
Egyptiens libres", qui soutient ouvertement le président Abdel Fattah
al-Sissi.
Pour les observateurs, les législatives, sans surprise, vont installer à
l'Assemblée nationale une majorité fidèle à M. Sissi, l'ex-chef de
l'armée qui a destitué en 2013 le président islamiste élu Mohamed Morsi
et fait réprimer violemment toute opposition.
Fondé par le multimilliardaire copte Naguib Sawiris, le parti "Les
Egyptiens libres" présente 231 candidats au scrutin qui se déroulera du
18 octobre au 2 décembre à travers le pays.
- Parti de milliardaires -
Et les cadres du parti l'avouent sans complexe: la plupart des candidats
sont des anciens membres du Parti national démocrate (PND), la
formation dissoute de l'ex-président Hosni Moubarak renversé en 2011 par
une révolte populaire après 30 années d'un pouvoir autoritaire et
corrompu au plus haut niveau.
"Nous nous sommes assurés que ces candidats n'étaient pas impliqués dans
des affaires de corruption", jure Mohamed Farid, un jeune responsable
du parti.
Depuis la destitution de M. Morsi, plus de 15.000 personnes, des
islamistes mais aussi des figures laïques et libérales de la révolte de
2011 croupissent en prison dont le président renversé.
Mais, dans le même temps, les caciques du régime Moubarak,
l'ex-président et ses fils en tête, ont été blanchis par la justice ou
remis en liberté après des peines relativement légères.
Outre M. Sawiris, à la tête d'un empire multinational dans les
télécommunications, le bâtiment et les médias entre autres, le parti
compte parmi ses donateurs des hommes d'affaires influents, tel que
Raouf Ghabbour, qui dirige un puissant groupe de concessions
automobiles.
Sans surprise donc, la formation veut se concentrer sur la
libéralisation de l'économie, mise à mal par les crises politiques à
répétition qui ont chassé touristes et investisseurs étrangers depuis
2011.
"Notre conviction est qu'une économie de marché libre et un secteur
privé vibrant, soutenus par une volonté politique, vont éradiquer la
pauvreté en Egypte", martèle M. Farid, alors que 26% de la population
vit sous le seuil de pauvreté.
Il explique que son parti est favorable à une baisse drastique des
coûteuses subventions publiques, qui permettent de vendre à bas prix le
carburant et le pain, mais engloutissent plus de 30% du budget de
l'Etat.
- 'Pas fâcher le régime' -
En tout état de cause, pour les experts, les 596 députés du Parlement ne
risquent guère de s'opposer à M. Sissi en matière de droits de l'Homme.
"Sawiris, le big boss, a ses propres calculs pour faire avancer ses
affaires. Il ne va pas fâcher le régime. Il est libéral, dans les
limites du contexte égyptien", ironise le professeur de sciences
politiques à l'Université du Caire, Hazem Hosni.
De fait, le régime Sissi a éradiqué toute opposition. Dans les mois qui
ont suivi la destitution de M. Morsi, policiers et soldats ont tué plus
de 1.400 de ses partisans. Et des centaines, dont M. Morsi, ont été
condamnés à mort dans des procès de masse expéditifs.
Et la répression s'est élargie aux mouvements de la jeunesse laïque et de gauche.
"Les droits de l'Homme, les réformes politiques, il n'y aura pas
beaucoup d'appétit pour discuter de ces sujets" au Parlement, estime
ainsi H.A. Hellyer, un expert au Brooking Center for Middle East Policy.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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