Les attaques palestiniennes au couteau se multiplient à Jérusalem, sans
que les autorités israéliennes parviennent à les contrecarrer. Ministre
israélien de l'Intérieur et vice-Premier ministre, Silvan Shalom était
de passage à Paris, où il a rencontré Laurent Fabius et Bernard
Cazeneuve pour évoquer la situation en Israël et dans les Territoires
palestiniens. Lors d'un entretien réalisé en présence de quelques
médias, dont Le Point, le ministre israélien, appartenant au Likoud
(droite nationaliste, parti de Benjamin Netanyahu), livre une vision
sans concession sur les motivations qui poussent de jeunes Palestiniens à
poignarder des Israéliens. (Propos recueillis par Armin Arefi)
L'initiative française d'une présence internationale sur l'esplanade des Mosquées vous a, semble-t-il, irrité. Pourquoi ?
Nous sommes totalement opposés à l'initiative visant à amener de
nouveaux inspecteurs au mont du Temple. Nous sommes ceux qui assurent le
statu quo là-bas, et offrons un accès total à tous des sites sacrés sur
la terre promise. On peut imaginer ce qui arrivera si la sécurité est
confiée aux Palestiniens, prenez l'exemple du tombeau de Joseph, dont
ils sont en charge, qui a été brûlé à deux reprises durant la dernière
semaine. Cela ressemblerait à une récompense donnée aux terroristes pour
leur violence. Cela équivaudrait à décider d'arrêter toute caricature
dans les médias français après l'attaque terroriste contre Charlie
Hebdo. Vous ne le toléreriez pas. Nous ne l'acceptons pas non plus.
Que venez-vous faire en France ?
Je dois rencontrer le ministre français des Affaires étrangères (Laurent
Fabius) et celui de l'Intérieur (Bernard Cazeneuve). Nous essayons de
réduire nos divergences avec le gouvernement français, d'autant que nous
sommes très reconnaissants des efforts de la France pour empêcher
l'Iran de devenir une puissance nucléaire. Votre pays a été beaucoup
plus réaliste que beaucoup d'autres en Europe. La France a regardé vers
le futur et n'a pas seulement pensé au présent.
Qu'est-ce qui a, selon vous, provoqué cette nouvelle vague de violences palestiniennes ?
L'incitation [à la haine] joue un rôle-clé auprès de ces jeunes qui
prennent des couteaux et poignardent des juifs. Ces incitations sont
légion, à l'école, à la télévision, à la radio et dans les discours des
dirigeants palestiniens. Et, comme l'accès depuis Jérusalem-Est [vers
Israël] est aisé – contrairement aux Territoires [palestiniens] et à la
Cisjordanie, puisqu'il n'y a pas de checkpoint ni de routes bloquées –,
les terroristes peuvent facilement atteindre n'importe quel point en
Israël et perpétrer des attaques. Nous souhaiterions que Mahmoud Abbas
ait le courage de faire face à son peuple et de lui demander de mettre
un terme [à la violence]. Je crois que, s'il le fait, cela ramènera plus
de paix et de calme. Jamais les Palestiniens n'atteindront leur
objectif avec la violence. Ils doivent le comprendre. Il ne peut être
atteint qu'à travers les négociations.
Ne pensez-vous pas vous aussi souffler sur les braises en
autorisant certains ministres de votre cabinet à multiplier les visites
sur l'esplanade des Mosquées ?
Je tiens à vous rappeler que la plupart des rabbins, dont le rabbin en
chef d'Israël, sont contre l'idée d'aller sur le mont du Temple pour des
raisons religieuses. Mais certains ministres, qui sont religieux,
possèdent leurs propres rabbins. Une nouvelle génération de rabbins qui
ne sont pas ultra-orthodoxes et qui donnent la permission de s'y rendre.
Mais cela ne concerne que quelques ministres. Et le Premier ministre a
décidé il y a deux semaines, en signe d'apaisement, qu'aucun ministre ni
député ne serait désormais autorisé à visiter le mont du Temple. Cela
étant, tout le monde a le droit d'y monter. Beaucoup de touristes s'y
rendent d'ailleurs chaque jour. Et, parmi les non-musulmans qui y
accèdent, il n'y a qu'un quart de juifs. Sauf qu'ils n'ont pas le droit
de prier, ce qui fâche beaucoup d'Israéliens. Tout le monde sait que le
mont du Temple fait référence au temple qui s'y trouvait. Et il était
juif. Le premier construit par le roi Salomon et détruit par les
Babyloniens. Et le second détruit par les Romains.
Ces attaques spontanées représentent-elles pour vous une nouvelle forme de menaces à laquelle vous devez vous adapter ?
La véritable menace à laquelle nous devons faire face est l'Iran. Pas
Daesh [acronyme arabe de l'organisation État islamique, NDLR], ni le
Hamas, ni cette nouvelle forme de violence. Bien sûr, ce n'est pas une
situation dans laquelle nous souhaitons vivre. Mais on peut y faire
face. Cela ne remet pas en question notre existence. L'Iran, c'est autre
chose.
Pourtant, dans un rapport, le général Eizenkot, chef d'état-major
de l'armée israélienne, n'affirme-t-il pas que l'Iran n'est pas une
menace majeure pour Israël, au contraire du Hamas ou du Hezbollah ? De
plus, la dernière vague d'attaques palestiniennes semble, pour leur
grande majorité, ne pas être coordonnée avec le Hamas ou toute autre
organisation, comme l'a avoué Benjamin Netanyahu. Comment comptez-vous
alors y faire face ?
Nous tentons de mettre fin à cette violence avec la mise en place de
nouveaux checkpoints et en bloquant de nouvelles voies d'accès pour les
populations de Jérusalem-Est. En tant que ministre de l'Intérieur, j'ai
aussi été autorisé par le cabinet de sécurité à retirer la citoyenneté
ou le permis de résidence à des terroristes. Par ailleurs, nous avons
découvert quelque chose d'intéressant : 70 % de ces terroristes
possèdent au moins un parent originaire de Cisjordanie ou de Gaza, qui
est donc palestinien à part entière. Ainsi, lorsque ces jeunes rendent
visite à leurs familles, peut-être sont-ils incités [à la violence] par
leur grand-mère, leur grand-père, leurs oncles, leurs cousins. Peut-être
est-ce plus facile également de les recruter. Peut-être des pressions
ont-elles été exercées sur leurs familles afin de convaincre ces jeunes
de s'attaquer à des Israéliens.
Ne pensez-vous pas que le geste d'un enfant de 13 ans qui attaque
un juif au couteau, tout en étant certain d'être abattu juste après, ne
traduit pas davantage son désespoir face au manque de perspectives ?
Je vous l'ai dit. Tout cela repose sur l'incitation [à la haine].
Uniquement cela. Nous n'avons rien fait à ce jeune de 13 ans. Il est
toujours à l'école. Je crois même qu'il n'a jamais vu de juif de sa vie.
Mais ils affirment avoir toujours vécu sous occupation israélienne...
Quel genre d'occupation un jeune de 13 ans ressent-il ? Jérusalem est
libre. On y jouit d'une liberté de mouvement et d'expression, bref, de
liberté. C'est à vous de vous demander comment un jeune de 13 ans peut
prendre un couteau et poignarder quelqu'un. À moins qu'il ne l'ait
entendu à la maison, à l'école, à la télévision, à la radio ou dans les
discours des leaders palestiniens. Il n'y a pas d'autre raison. Nous ne
lui avons rien fait.
Vingt ans après les accords d'Oslo, les négociations sont dans
l'impasse et la constitution d'un État palestinien semble irréalisable
sur le terrain. Que comptez-vous faire ?
Nous avons essayé de reprendre les négociations de paix avec les
Palestiniens. En tant que négociateur en chef du gouvernement israélien,
j'ai rencontré à plusieurs reprises mon homologue palestinien Saeb
Erekat, dans des capitales arabes et ailleurs, et nous avons tenté de
trouver des moyens de renouer le dialogue. Nous leur avons donné
quelques idées sur ce qu'il était nécessaire de faire pour y arriver, et
nous attendons leur réponse. À vrai dire, l'atmosphère actuelle n'est
pas très bonne pour que nous puissions parler tous les deux directement.
Nous essayons de le faire à travers des médiateurs américains et
européens. Mais nous pouvons y arriver. Nous voulons améliorer la vie
des Palestiniens. Nous le faisons également à Gaza, où nous fournissons
des efforts pour la reconstruction [de l'enclave] avec les Qataris, ce
qui rend furieux Mahmoud Abbas. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a
dit qu'il était prêt à reprendre les négociations sans condition, en
Jordanie. Abbas n'a pas voulu. Et, comme le disent les Américains, il
faut être deux pour danser le tango.
Ne faudrait-il pas, au contraire, sortir des négociations
bilatérales stériles et les rendre multipartites, sur le modèle des
négociations réussies sur le nucléaire iranien, par exemple ?
L'Iran n'est pas le bon exemple. Je le répète, il faut être deux pour
danser le tango. Et nous avons besoin que les Palestiniens soient
d'accord.
L'ancien président israélien Shimon Peres affirmait que Mahmoud
Abbas, qui a renoncé à la violence, restait pour Israël le meilleur
partenaire pour la paix. Ne craignez-vous pas de manquer une occasion
unique, à l'heure où Daesh frappe aux portes de la Palestine ?
Nous avons entendu, à plusieurs reprises, que Mahmoud Abbas était le
meilleur partenaire avec lequel nous puissions réussir. Je l'ai
rencontré à plusieurs reprises et je peux vous assurer que c'est un
homme agréable avec lequel vous pouvez parler. Le fait que tout le monde
nous dise qu'Abbas est le meilleur pour réussir pourrait nous pousser à
ne conclure aucun accord avec lui. Car, si ses successeurs sont plus
durs que lui, cela signifiera qu'ils utiliseront contre nous les
territoires que nous aurons donnés à Abbas pour tirer des missiles et
des roquettes contre Israël. Ce serait stupide de notre part. Nous
aimerions vraiment résoudre le conflit. Mais comment être sûr que les
générations futures n'auront pas d'autres revendications ?
(23-10-2015)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire