Le général Wosta Rasoul, à la tête du secteur 4, autour de Kirkouk,
commande 23 000 peshmergas, ces combattants kurdes "qui affrontent la
mort". Ce dur à cuire peine à décrire ce qu'il a découvert lors de
l'offensive lancée à l'ouest de la ville il y a environ un mois. Et qui a
permis de libérer 35 petits villages. "Nous n'avons pas fait un seul
prisonnier. Les djihadistes préfèrent se faire sauter plutôt que de se
rendre. Mon principal souci était alors qu'ils ne tuent pas mes hommes
en se suicidant !" Dans cette zone libérée d'environ 400 kilomètres
carrés, les peshmergas n'ont retrouvé que 1 200 villageois, totalement
terrorisés, affamés. Ceux qui avaient tenté de fuir l'organisation de
l'État islamique étaient systématiquement massacrés, y compris les
femmes et les enfants. Si les vidéos de propagande de Daesh montrent des
décapitations, sur le terrain, les djihadistes sont aussi capables de
démembrer leurs victimes…
"J'ai moi-même emmené deux familles au bazar de Kirkouk pour qu'elles
puissent s'alimenter et j'en ai profité pour acheter des chaussures aux
gamins qui marchaient pieds nus", raconte le général Wosta Rasoul, 48
ans. Comme la plupart des officiers peshmergas, il ne porte ni
décoration ni même d'insigne indiquant son grade.
Dans la zone libérée, notre interprète est un Américain d'origine kurde.
Pistolet à la ceinture, il nous conduit sur la ligne de front, à une
vingtaine de kilomètres à peine à l'ouest de Kirkouk. Dans un
baraquement de fortune, des combattants kurdes pataugent dans la boue,
armés seulement de kalachnikovs. L'ennemi n'est qu'à quelques centaines
de mètres. "Actuellement, le front est plutôt calme. Les djihadistes
nous paraissent assez démoralisés. Mais ne vous baladez tout de même pas
trop sur le talus, ils ont des snipers", lâche l'officier traducteur.
Le véritable objectif des peshmergas est de prendre ensuite la ville de
Hawija, à 250 kilomètres au nord de Bagdad, où l'organisation État
islamique s'est solidement retranchée.
"En face, nous n'avons que des déçus de Saddam Hussein et des voyous"
Cette libération des villages à l'ouest de Kirkouk a mobilisé 3 500
peshmergas au sol, appuyés par les avions de la coalition
internationale. Mais comment les combattants kurdes, qui ne possèdent
souvent que des kalachnikovs, peuvent-ils attaquer Daesh, bénéficiant
d'un armement lourd ? "Nous, nous sommes légitimes. Nous sommes des
patriotes. Nous défendons notre territoire, nos populations. En face,
nous n'avons que des déçus de Saddam Hussein, et des voyous, des
barbares, venant parfois de vos banlieues ! Face à eux, nous nous
sentons invincibles", nous avait lâché, avec une pointe d'ironie, un
officier général des forces armées rencontré à Erbil, la capitale du
Kurdistan irakien.
Les survivants de la trentaine de petits villages ont été évacués vers
des régions moins sensibles. L'officier américano-kurde nous conduit
ensuite dans le bourg abandonné de Bihuter, où ne vagabondent plus que
des chiens faméliques. Toutes les habitations ont été systématiquement
dynamitées par les djihadistes. Plus un mur ne tient debout. C'est la
désolation. "Tous ces villages étaient habités par des Arabes. Mais ils
nous ont accueillis, nous les Kurdes, comme des libérateurs", assure le
général Wosta Rasoul. En juin 2014, devant l'avancée de l'organisation
État islamique, les forces gouvernementales irakiennes ont abandonné
précipitamment Kirkouk, 1,2 million d'habitants, suivant le même
scénario qu'à Mossoul. Les peshmergas sont arrivés immédiatement pour
prendre la défense de cette ville, extérieure à la région autonome du
Kurdistan irakien.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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