Les fosses communes avaient déjà été creusées. L'exécution des 69
prisonniers de Daesh était prévue pour le lendemain à l'aube. Vendredi
23 octobre, à 2 heures du matin, des hélicoptères Black Hawk, équipés de
rotors silencieux, larguent aux abords d'une ferme transformée en
prison au lieu-dit Al-Hiwa, au sud de Kirkouk, quelques dizaines de
combattants des forces spéciales kurdes et 30 commandos américains
appartenant à la Delta Force.
Dès les premiers échanges de tirs avec les djihadistes, le combat paraît
incertain. Les Américains en observent le déroulement derrière une
butte de terre. Ils sont officiellement là pour conseiller les
combattants peshmergas. Mais lorsqu'ils voient que ceux-ci sont en
difficulté, ils interviennent. Dans l'assaut, un sergent-chef de la
Delta Force est mortellement touché. Joshua Wheeler, 39 ans, est le
premier mort américain du nouvel engagement de son pays dans la guerre
contre les djihadistes de l'État islamique, en Irak, comme en Syrie.
Sur le terrain, en dépit de cette perte américaine et de celle d'un
nombre non communiqué de peshmergas, l'opération est un succès.
Soixante-neuf prisonniers sont libérés, alors qu'ils étaient promis à
une mort programmée. Parmi eux, six anciens combattants djihadistes,
considérés comme des traîtres par leurs chefs. Tous sont embarqués dans
des hélicoptères vers la ville kurde d'Erbil, tandis que des F15 de l'US
Air Force achèvent le travail des commandos en rasant la ferme-prison.
Quelle que soit la réussite de cette opération, l'histoire retiendra que
ce 23 octobre marque une nouvelle phase de la guerre menée contre
Daesh. Celle d'un engagement américain qui ne se borne pas seulement à
des raids aériens, mais s'accompagne aussi parfois d'une participation
aux combats sur le terrain.
Leadership russe
Il y a moins d'un an, Barack Obama, dans un centre d'entraînement des
marines à Tampa, en Floride, avait déclaré : « Les forces américaines
déployées en Irak n'ont pas et n'auront pas de mission de combat. » Une
promesse qui, comme jadis au Vietnam, lorsque Johnson avait envoyé des «
conseillers militaires » pour assister l'effort du gouvernement de
Saïgon, n'a pas tenu longtemps. C'est en effet en 2014 que les
États-Unis, voyant que Bagdad était sur le point de tomber aux mains de
l'État islamique, avaient envoyé 3 500 « conseillers » dont la mission
était exclusivement de redonner du tonus à une armée irakienne, pourtant
bien armée, mais qui accumulait les revers par manque de combativité.
Au lendemain de l'opération commando contre la ferme-prison, le
secrétaire d'État à la Défense a déclaré « [qu'il s'attendait] à ce que
les troupes américaines s'engagent dans un plus grand nombre
d'opérations s'il se présentait des occasions – comme à Al-Hiwa – de
porter des coups sévères aux islamistes ». Même si officiellement la
doctrine Obama « no boots on the ground » (« pas de bottes sur le
terrain ») n'est pas abandonnée, elle semble donc dépassée sur le
terrain. La première raison est que l'armée irakienne, en dépit des
efforts des formateurs américains, ne semble toujours pas en mesure de
reconquérir le terrain perdu devant Daesh. Et si les peshmergas kurdes,
alliés de la coalition, semblent être plus combatifs, il leur arrive,
comme l'a montré l'engagement d'Al-Hiwa, d'être surclassés par les
djihadistes.
L'autre raison, moins militaire et plus politique, du changement de pied
américain, c'est que les Russes, depuis qu'ils ont commencé leurs
bombardements massifs en Syrie, contre Daesh et contre d'autres, sont en
passe de prendre, pour les pays de la région, une position de
leadership qui indispose les Américains. Dernier camouflet en date pour
Washington, le Premier ministre irakien Abadi, après avoir accepté une
structure commune de renseignement avec les Russes, les Iraniens et les
Syriens de Bashar el-Assad, résiste de plus en plus mollement aux
pressions de membres de son cabinet pour faire officiellement appel à
Poutine afin qu'il l'aide militairement dans sa guerre contre les
islamistes.
**
Des commandos américains et Kurdes libèrent des otages de Daesh
C'est un véritable pied de nez infligé à l'organisation État islamique
(EI). Spécialisée dans les films d'exécutions morbides d'otages pour
servir sa propagande et attirer de nouvelles recrues, l'EI est
aujourd'hui prise à son propre piège. À leur tour, ses adversaires en
Irak – les États-Unis et les Kurdes – ont immortalisé par l'image le
récent revers qu'ils ont infligé à l'organisation djihadiste en libérant
70 de ses otages dans le nord de l'Irak. Dimanche, le gouvernement
autonome du Kurdistan irakien, allié de la coalition internationale
anti-EI, a diffusé une vidéo censée illustrer l'opération militaire
américano-kurde qui a permis jeudi de sauver les captifs de l'EI dans
une prison située près de Hawija, dans le nord du pays.
Captées avec une caméra fixée sur un casque, les images montrent ce qui
semble être des commandos Delta, unité d'élite américaine spécialisée
notamment dans les opérations de libération d'otages et
d'antiterrorisme, et des forces kurdes en action. La scène est filmée à
l'intérieur d'un bâtiment, probablement la prison dont s'était emparée
l'EI près de Hawija. Elle témoigne d'une opération rapide et millimétrée
au cours de laquelle des prisonniers non identifiés sont alignés,
fouillés et libérés, avec des coups de feu permanents en fond sonore.
Selon les forces kurdes, 48 Kurdes et 27 Américains ont participé à ce
raid qui a permis la libération de « 69 otages » et coûté la vie à plus
de 20 djihadistes. D'après l'administration américaine, ces prisonniers
devaient être exécutés le même jour et leurs tombes avaient déjà été
creusées. L'opération a aussi coûté la vie à un soldat d'élite
américain, le sergent-chef Joshua Wheeler, 39 ans, décoré à de multiples
reprises. Il s'agit du premier décès d'un soldat américain au combat en
Irak depuis le retrait fin 2011 des troupes américaines.
La participation directe de forces américaines à des combats tranche
avec le mode d'action habituel des troupes actuellement stationnées en
Irak (quelque 3 500 hommes), normalement cantonnées à un rôle de conseil
et d'assistance aux forces locales (armée irakienne et forces kurdes)
contre l'EI. À en croire le Pentagone, les commandos américains ne
devaient initialement pas intervenir directement dans l'assaut de la
prison, mais seraient finalement entrés dans le combat pour prêter
main-forte aux Kurdes, pris sous le feu des djihadistes.
En dépit du décès d'un de ses soldats, le secrétaire à la Défense Ashton
Carter a laissé entendre que d'autres militaires américains pourraient
participer à des opérations terrestres contre l'EI en Irak.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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