Dans les heurts quotidiens avec les soldats israéliens, les jeunes
Palestiniens venus des camps de réfugiés, jadis créés pour être
temporaires mais devenus de vraies villes dans les villes, forment le
gros des troupes de lanceurs de pierres.
Dans la chronique palestinienne, tout commence ou explose toujours dans
les camps. Il y a eu les emblématiques Sabra et Chatila à Beyrouth, le
camp de Jénine, assiégé durant une dizaine de jours par l'armée
israélienne en 2002 au plus fort de la deuxième Intifada; ou celui de
Balata, à Naplouse, d'où venaient plusieurs des kamikazes qui ont semé
la terreur en Israël de 2000 à 2005.
Plus de deux millions de Palestiniens de Cisjordanie occupée et de la
bande de Gaza sont enregistrés auprès de l'UNRWA, l'agence de l'ONU en
charge des réfugiés, soit près de la moitié de la population des
Territoires occupés.
Mahmoud Fannoun dirige le Front populaire de libération de la Palestine,
la gauche historique palestinienne, à Bethléem et reçoit les
condoléances pour la mort d'un jeune militant du mouvement dans des
heurts, dans le camp de Dheicheh, bastion historique du FPLP dans la
ville de la Nativité. "La lutte est toujours née dans les camps, en
Jordanie, au Liban, en Syrie et en Palestine, car ce sont les réfugiés
qui portent dans leur chair la cause palestinienne", dit cet ancien
parlementaire.
- 'Déjà tout perdu en 1948' -
"Nous, dans les camps, on n'a pas de belles maisons, de gros business,
ou quoi que ce soit d'autre à perdre", explique Hamad, 65 ans. "Ma
maison et mes terres, je les ai perdues en 1948. Elles sont à dix
minutes de voiture de Bethléem, mais l'Autorité palestinienne nous a dit
en signant les accords d'Oslo en 1993 de les oublier", poursuit, amer,
ce père et grand-père dans le camp de Aïda à Bethléem qui abrite 6.000
réfugiés.
En signant ces accords qui devait préfigurer un Etat de Palestine à
l'horizon 2000, les Palestiniens ont entériné l'idée d'un Etat à
l'intérieur des frontières du conflit de 1967, c'est-à-dire aux côtés
d'Israël, auquel reviendrait les terres conquises en 1948 lors de la
création de l'Etat hébreu.
Mohammed, qui à 21 ans cumule un petit boulot dans une station-service
proche de son camp d'Aïda et ses études, est né après ces accords.
Aujourd'hui, le jeune homme aux cheveux coiffés en brosse et recouverts
de gel dit n'avoir "rien à perdre". "On a grandi dans les écoles de
l'ONU. Dans nos maisons, l'électricité coupe tout le temps, on ne trouve
pas de travail. Aller à Jérusalem, on n'en rêve même pas, on voit le
mur (barrière de séparation israélienne) partout. Et dans toutes nos
familles il y a des martyrs, des blessés ou des prisonniers",
résume-t-il.
Les "martyrs", il y a en eu une demi-douzaine dans les camps de réfugiés
ces dernières semaines, dont trois dans le camp de Chouafat à
Jérusalem-Est, où vivent 18.000 personnes. Les blessures, souvent par
balles, et les arrestations se comptent par dizaines.
- Tirs en l'air -
Dans les camps de Bethléem ou de Ramallah, des détonations retentissent
lors des funérailles. Canons pointés vers le ciel, des hommes armés,
postés en hauteur mais jamais visibles, ont tiré en l'air, comme un
avertissement sans frais contre ce qu'il adviendrait si les camps
prenaient les armes.
"Le matin, je sors de chez moi et je ne sais pas si je vais rentrer. Je
peux être arrêté ou tué à tout moment par un soldat ou un colon"
israélien, renchérit Hicham, 51 ans, lui aussi descendant de réfugiés,
qui observe de loin les heurts au pied du mur qui enferme Bethléem.
Lui et ses cinq frères ont fait plusieurs séjours dans les prisons
israéliennes. Aujourd'hui, c'est son fils qui est détenu et, dit-il,
"hier, l'administration pénitentiaire a décidé d'annuler notre permis de
visite".
"Mes deux autres fils sont parmi les lanceurs de pierres, mais comment
leur dire de ne pas y aller?", lâche celui qui jetait les mêmes
projectiles sur d'autres soldats il y a près de 30 ans quand éclatait la
première Intifada.
Les promesses de paix et les initiatives diplomatiques de l'Autorité
palestinienne le font sourire, puis l'énervent franchement. "En 22 ans,
Oslo nous a ramenés des milliers d'années en arrière", dit-il. "Ces gens
qui parlent de paix, regardez les: ils portent de jolis costumes avec
de belles cravates, vous trouvez qu'ils nous ressemblent ?"
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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