Au bout de trois semaines, les affrontements quotidiens entre jeunes
lanceurs de pierres palestiniens et soldats israéliens au checkpoint de
Bet El près de Ramallah, en Cisjordanie occupée, font désormais partie
du décor pour les clients attablés aux cafés voisins.
A quelques dizaines de mètres à peine des barrages où des pneus se
consument et où des jeunes courent sous le gaz lacrymogène et les balles
en caoutchouc, les magasins sont ouverts et les clients font leurs
achats.
Dans un café, parmi d'autres Palestiniens attablés, Zeid Ayoubi fume un
narguilé, la pipe à eau traditionnelle du Moyen-Orient, sans guère
prêter attention aux pierres et aux détritus qui jonchent l'artère
bordant la terrasse où il est installé. Un peu plus loin, des bennes
métalliques à ordures coupent l'avenue: c'est une des barricades
improvisées par les jeunes pour empêcher les jeeps de l'armée
israélienne de progresser plus avant dans la ville, siège de l'Autorité
palestinienne.
"Ce qui différencie cette intifada" des soulèvements de 1987 et de 2000,
explique cet avocat à l'AFP, "c'est qu'elle est un évènement ordinaire
dans la vie des Palestiniens. Maintenant, plus rien ne nous atteint:
vous le voyez, les heurts se passent à quelques mètres et nous, on est
là, à fumer le narguilé".
Au même moment, un camion de livraison vient déposer les ingrédients
pour les chawarma, ces sandwiches de viande qui sont la spécialité
locale, et les pizzas inscrites sur la carte.
Quand les Palestiniens ne viennent pas aux restaurants, ce sont les
restaurants qui viennent à eux: une vingtaine d'établissements ont
envoyé des sandwiches aux jeunes lanceurs de pierres à travers la
Cisjordanie occupée, leur livrant leur repas sur les lieux mêmes des
heurts où ils restent pour certains plusieurs heures d'affilée, affirme
un militant à l'AFP. Les restaurants, eux, se font discrets et
n'évoquent pas le sujet, de peur d'en subir les conséquences de la part
d'Israël.
- 'C'est pas maintenant qu'on va avoir peur' -
Quant aux projets en cours, pas question de les abandonner. Amer Abou
Rayan, architecte, qui vient rejoindre son ami Zeid Ayoubi, l'assure:
"Au travail, nous n'avons jamais arrêté de recevoir des demandes de
plans et de construction, pas un seul jour depuis le début de cette
intifada".
Les heurts se déroulent non loin de commerces fréquentés mais aussi à
quelques centaines de mètres à peine de la résidence du président
Mahmud Abbas. C'est au bout de sa rue que se trouve le coeur de tous
les heurts, une station-service où, tour à tour, les soldats israéliens
tirent appuyés sur des pompes à essence, où des jeunes s'alignent pour
lancer des pierres, où les journalistes parfois installent leurs
caméras.
Abdallah Moubarak, 23 ans, y travaille. Il était dans la pièce en verre
où il attend les clients quand les parois de celle-ci ont volé en éclats
sous les tirs et les pierres. Mais il en faut plus pour
l'impressionner, lui comme ses clients, assure-t-il.
L'un d'eux, Abed Bazar, vient justement de faire le plein. "On est
habitué et on n'a pas peur. Pourquoi on aurait peur de toutes façons?
Après tout ce qu'on a subi, c'est pas maintenant qu'on va avoir peur",
lance-t-il à l'AFP.
Juste à côté, Moustafa Ghousheh tient un petit magasin. Depuis deux
semaines, il a dû changer trois fois sa vitrine, fracassée par des
balles israéliennes. Mais ça ne l'empêche pas d'ouvrir tous les jours et
de regarnir ses rayonnages régulièrement. "Quand les affrontements
deviennent vraiment très violents, je ferme", concède-t-il.
En face de son magasin, de l'autre côté de la route menant au checkpoint
où se concentrent les affrontements, des silhouettes sont visibles. Sur
les collines qui surplombent jeunes et soldats, tous les jours, grappes
de jeunes ou familles avec femmes et enfants viennent jeter un oeil
curieux.
Portables en main, ils filment les heurts, prennent un "selfie" qu'ils
posteront pour se rappeler cette "intifada" ou viennent juste voir que
le décor est toujours le même.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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