En quelques secondes, les Palestiniens qui lançaient des pierres ont vu
quatre d'entre eux sortir leurs armes et leur tirer dessus. Malgré leurs
visages masqués par le keffieh, ces quatre-là n'étaient pas de leur
bord.
"Moustaaribine!" Le mot détesté se propage alors parmi la centaine de
Palestiniens qui, depuis des heures, jettent des cailloux sur les
soldats israéliens au poste de contrôle de Bet El, à l'entrée de
Ramallah.
Il sème la panique et s'amplifie à mesure qu'il progresse à travers les
rangs des lanceurs de pierres et atteint les centaines d'autres
manifestants restés en retrait.
"Moustaaribine" signifie littéralement "ceux qui se déguisent en
Arabes". Il désigne ces hommes des services de sécurité israéliens
infiltrés dans les rassemblements pour mettre la main sur les
agitateurs. Ils sont juifs, Arabes israéliens, Druzes ou bédouins,
parlent arabe comme les Palestiniens et leur ressemblent physiquement.
Les "moustaaribine" de Bet El étaient là depuis une demi-heure au moins,
ont constaté les journalistes de l'AFP qui ont capturé les évènements
en images vidéo et photo.
Impossible de reconnaître l'ennemi en son sein: dans les heurts qui
secouent la Cisjordanie et Jérusalem-Est occupées, tout le monde a le
visage masqué, recouvert du traditionnel foulard à carreaux palestinien
ou d'un tee-shirt noué.
Arrivés avec leur sac à dos, en baskets et tee-shirts aux couleurs
vives, en maillots du Barça ou de l'équipe de France de foot, ils se
sont fondus parmi les étudiants qui avaient appelé à une "journée de
colère". L'un d'eux avait laissé dépasser une écharpe verte du mouvement
islamiste Hamas de la poche de son jeans.
Répondant à l'appel lancé avec une rare unanimité par les syndicats
étudiants, les manifestants étaient partis de l'université de Bir Zeit,
avec un mot d'ordre: "Bir Zeit a été un bastion de l'intifada, elle doit
de nouveau mener le mouvement".
Les heurts ont éclaté aussitôt arrivés à Bet El, devenu l'un des lieux quotidiens de l'escalade récente des violences.
- Un trou à l'arrière du crâne -
Les "moustaaribine" ont rejoint la première ligne, celle faisant face à
quelques dizaines de mètres aux soldats postés avec leur jeeps et leurs
blindés. Comme les autres, ils ont lancé des pierres, se sont
recroquevillés derrière une benne à ordures servant de barricade de
fortune contre les balles en caoutchouc qui se mêlent aux tirs de gaz
lacrymogènes et aux projectiles assourdissants.
Soudain, ils ont resserré les rangs et sorti les pistolets de leurs
ceintures pour arrêter des meneurs. Tout va alors très vite, les
manifestants ont compris. Les pierres tombent sur les "moustaaribine".
Quatre d'entre eux pointent leurs armes et tirent. Trois autres, sans
arme, attrapent deux jeunes blessés et les frappent. Un jeune qui
s'enfuit en courant est touché par une balle à l'arrière du crâne.
Les soldats israéliens arrivent à la rescousse et tirent en l'air.
Ensemble, "moustaaribine" et soldats se saisissent des trois jeunes,
qu'ils transportent vers les jeeps et les blindés, laissant des traînées
de sang sur le sol.
"Attention, ils ont arrêté des jeunes, ce sont des moustaarabine", lance
un jeune dans la cohue. "Il y en a toujours au milieu de la foule",
lance un autre. Dans le reflux, on parle des "blessés, emportés,
arrêtés".
L'intervention des agents infiltrés est une occurrence connue des
familiers des manifestations en Cisjordanie ou à Jérusalem. L'armée
israélienne dispose bien de telles unités, qu'elle emploie dans les
circonstances plus importantes, a dit à l'AFP un porte-parole, Arye
Shalicar, sans confirmer que les hommes ayant opéré à Bet El en
faisaient partie.
Il a aussi confirmé que l'un des blessés de Bet El était entre les mains d'Israël dans un état critique.
A l'autre bout de la route où se sont déroulés les affrontements, les
jeunes sont au sol, déshabillés et examinés par des soldats israéliens,
puis embarqués sur des brancards à bord d'ambulances blindées de
l'armée. Celui qui a été atteint à l'arrière du crâne tente de relever
la tête à plusieurs reprises, les yeux exhorbités et respirant avec
peine. Un autre est blessé à la cuisse, le troisième se tord au sol.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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