L'argent, c'est bien connu, est le nerf de la guerre. La coalition
internationale qui lutte contre Daesh l'a bien compris, qui multiplie,
depuis deux ans, ses efforts pour porter un coup à l'économie de Daesh. Le « modèle » de l'organisation terroriste s'appuyant
sur une vaste assise territoriale, ses ressources sont diversifiées.
L'assèchement de ses moyens de financement a donc pris du temps. Mais
l'étude, que publie aujourd'hui le Centre d'analyse du terrorisme (CAT),
révèle que la « guerre économique » de la coalition internationale
commence à porter ses fruits.
Deuxième volet d'une étude, commanditée l'an dernier par l'agence
Thomson Reuters, le rapport du CAT, rédigé par Jean-Charles Brisard et
Damien Martinez, avec l'appui d'une demi-douzaine d'experts, pointe le
fait que les revers militaires récents de Daech se sont traduits par une
baisse des revenus de l'organisation. Le territoire contrôlé par les
troupes ayant prêté allégeance à Abou Bakr al-Baghdadi, calife
autoproclamé de Daesh, a fondu de 25 % en un an. Ses revenus ont diminué,
quant à eux, de 16 %. Ils demeurent néanmoins supérieurs à 2,4
milliards de dollars en 2015 (contre 2,9 milliards en 2014), selon le
CAT.
Le pilonnage des centres de production pétroliers a eu pour conséquence
un effondrement de plus de 45 % de la manne représentée par la vente
d'hydrocarbures. L'or noir, qui pèse 25 % dans le budget de Daesh, n'a
rapporté que 600 millions de dollars l'an dernier. Les ventes de
produits gaziers se sont, de leur côté, affaissées de 30 % sur un an (à
350 millions de dollars, soit 14 % du budget de Daesh). Cette baisse
devrait encore s'accentuer dans les mois qui viennent, car Daesh a
perdu, ces derniers mois, quatre champs pétroliers en Syrie (trois dans
le gouvernorat d'Hassaké, un près de Rakka) et trois en Irak.
Reste que l'EI dispose encore d'importantes ressources naturelles : sous
la forme de mines de phosphates dont l'exploitation a permis à Daesh de
collecter 250 millions de dollars l'an dernier (10 % de son budget). La
reprise de Palmyre par les troupes loyalistes pro-Bashar, en mars
dernier, devrait porter un nouveau coup dur à l'économie de Daesh, car
les mines de Khnaifess, à 70 km au sud du site archéologique,
constituent l'un des principaux centres d'extraction de ce précieux
minerai.
Ce coup porté à ses principales ressources financières a conduit
l'organisation djihadiste à augmenter significativement la taxation
(certains diront le racket) des populations locales. Huit millions de
personnes sont aujourd'hui soumises à la « zakat » (l'aumône légale)
mise en place par Daesh. Les impôts sur le revenu des fonctionnaires,
les droits de douane, les taxes sur l'agriculture et la « jizia »
(extorsions sur les minorités religieuses sous prétexte de « protection
») et les amendes pour non-respect de la charia ont ainsi flambé.
Ajoutée aux revenus d'origine criminelle (trafic de drogue, vente
d'esclaves et trafic d'antiquités), en hausse également, cette source de
revenus a plus que doublé sur la période 2014-2015, passant de 16 % du
budget de Daesh à 38 %.
Les services de renseignements occidentaux misent beaucoup sur un
retournement des opinions syriennes et irakiennes. La coalition espère
que les douloureuses ponctions financières que le Diwan al-Khadamat («
bureau des services », qui s'est substitué à l'administration fiscale)
inflige aux populations locales conduiront à saper la popularité de Daesh. Pour l'heure, plusieurs observateurs soulignent le fait que,
contre toute attente, Daesh demeure plébiscité dans la communauté sunnite
« sous contrôle ».
(02-06-2016)
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