Les guerres et les bouleversements sanglants que notre région subit en
ce troisième millénaire sont, comme ceux qui les ont précédés, le fait
de l’impérialisme qui, depuis l’implosion de l’Union soviétique et des
pays socialistes en 1990, tente de finir avec toutes les frontières et
tous les changements survenus à la suite de la seconde guerre mondiale.
Ces changements, on s’en souvient, s’étaient traduits dans la plupart du
Monde arabe, tant au Machreq qu’au Maghreb, par des soulèvements ou des
révolutions ou, surtout, des coups d’Etat qui avaient mis fin à des
décennies de colonialisme mais qui, de par les forces sociales qui les
ont dirigés, ne pouvaient (et ne voulaient) pas instituer une politique
économique indépendante. A ce problème économique, il faut ajouter la
création de l’Etat d’Israël en 1946, déjà prévue depuis la promesse
faite par le ministre britannique Balfour (2 novembre 1917), en lieu et
place de la Palestine dans le but d’aider à la sauvegarde des sources
d’énergie (pétrole et gaz) que recelait le Golfe arabique et dont
l’industrie des pays capitalistes avait et a toujours besoin pour
fonctionner.
Le projet du « Nouveau Moyen Orient », appelé auparavant « Grand Moyen
Orient », est né à la suite des changements que nous venons de
mentionner et qui avaient eu pour conséquence de sortir des pays tels
que l’Egypte ou la Syrie ou l’Algérie (et, même, la Libye) du giron de
l’impérialisme. Mais son application s’avérait difficile par le seul
fait des guerres d’agression israélienne qui, au lieu de diviser les
peuples arabes, les rendaient beaucoup plus solidaires, surtout avec la
naissance de la Résistance palestinienne en 1965 puis, plus tard, en
1982, de la Résistance patriotique libanaise, menée d’abord par les
Communistes puis par le Hezbollah,, et qui fit grand effet en obligeant
les armées israéliennes (dites invincibles) à se retirer du Liban et en
libérant le pays en 2000. D’où, le retour au projet mis par Henry
Kissinger et dont la base est de fomenter des guerres de religion ou,
plutôt, des guerres confessionnels qui auraient pour conséquence la
déstabilisation du Monde arabe. Ce projet fut facilité par la
répercussion des politiques néolibérales sur les économies des pays
arabes, à la suite de l’éclatement de la crise capitaliste en 2008, mais
aussi par les régimes dictatoriaux mis en place dans les années
Cinquante et Soixante du XXème siècle qui avaient transformé les pays
qu’ils gouvernaient en d’immense prisons, remplies surtout du peuple de
la Gauche, sous prétexte qu’ils luttaient pour la libération de la
Palestine…
Il nous faut noter, enfin, que les puissances impérialistes avaient, une
fois de plus et à la suite des nouveaux soulèvements des peuples
arabes, surtout en Tunisie et en Egypte, permis à la Turquie et,
surtout, aux monarchies et émirats réactionnaires du Golfe d’encadrer et
de financer des groupes terroristes, dont Daech et surtout An Nosra,
sœur cadette d’Al Qaeda au Machreq arabe (Liban, Syrie). Ces groupes qui
ont trouvé refuge dans la région du Golan occupée par Israël et dont
les blessés sont soignés dans les hôpitaux israéliens… sans parler du
commerce du pétrole volé par ces groupes à l’Irak et à la Syrie et
vendu, via la Turquie, à des groupes pétroliers étasuniens.
Quant au Liban, il est pris entre deux feux : au Sud, l’armée
israélienne qui viole son territoire au vu et au su des forces
intérimaires des Nations Unies au Liban (FINUL) et, à l’Est et au
Nord-est, les groupes terroristes de Daech et An Nosra.
Comment créer « une paix juste et durable » dans ce contexte d’agressions continues et quelles en sont les conditions?
Premièrement, une paix juste et durable doit passer, d’abord, par le
droit au retour du peuple palestinien ; et, quand nous disons « droit au
retour », cela concerne tous les réfugiés et non une partie, tel que
les gouvernements israéliens toutes tendances politiques confondues le
clament tout haut. En plus, bien entendu, du retour sur la scène
politique et juridique de l’Etat palestinien, un Etat libéré de la
colonisation, un Etat réunifié et ayant Al Quds pour capitale.
Deuxièmement, une paix juste et durable passe par le retrait des forces
d’occupation israéliennes des territoires toujours occupés, non
seulement en Palestine, mais aussi dans le Golan et au Liban (les fermes
de Chebaa et les hauteurs de Kfarchouba).
Troisièmement, une paix juste et durable ne peut se faire avec la
présence de bases militaires et d’armées éparpillées sur nos
territoires et tout autour de la Méditerranée par les puissances
capitalistes sans exception qui s’immiscent dans nos affaires
intérieures et arment nos ennemis.
Quatrièmement, une paix juste et durable passe par la volonté des
peuples vivant dans le Monde arabe, toutes origines ethniques
confondues, et non par les forces contre-révolutionnaires, tantôt
appelées « régimes tempérés » et tantôt « forces islamistes tempérées »
à qui les puissances capitalistes donnent aide et assistance sous
prétexte de nous apprendre comment construire des régimes démocratiques.
Cinquièmement, une paix juste et durable doit se faire dans le sens
contraire du projet du « Nouveau Grand Moyen Orient » avec tout ce qu’il
comporte comme Etats confessionnels et religieux, Un grand Etat sunnite
(La Turquie) uni à un grand Etat chiite (l’Iran) afin de justifier le
grand Etat juif (Israël) tandis que l’on supprime le « Monde arabe » en
le divisant en mini Etats confessionnels antagonistes et inféodés aux
grands Etats confessionnels et religieux de la région. En d’autres
termes la pais juste et durable ne se construit pas sur l’oppression ni
sur l’exacerbation des tensions religieuses, parce que les religions ne
seront jamais la base de la création d’un monde nouveau basé sur les
droits de l’Homme.
C’est pourquoi, le parti Communiste libanais a œuvré, depuis octobre
2010, à la création d’un mouvement nouveau, le Forum de la gauche arabe.
Ce mouvement, dont les composantes furent et continuent à être au sein
de la lutte pour la libération et le changement, se base maintenant sur
une plateforme politique et socioéconomique consentie entre ses membres.
Cette plateforme stipule entre autres :
1 - Sur le plan politique : la lutte pour construire de régimes
démocratiques et laïques ainsi que pour faire face à l’agressivité
impérialiste et sioniste et à leurs projets dans la région.
2 - Sur le plan économique : la lutte pour des économies productives et
indépendantes face aux économies rentières et inféodées au capitalisme
et à ses politiques économiques néolibérales.
3 - Œuvrer pour la complémentarité et l’unité entre les pays arabes sur des bases démocratiques.
4 - Créer dans chaque pays des fronts et des alliances dont le but est
de mettre fin aux régimes arriérés, monarchiques et autres, dictatoriaux
et despotiques, aux forces antirévolutionnaires constituées surtout de
forces politiques religieuses et des forces des anciens régimes déchus.
5 - Créer un « Front de Gauche » à l’échelle du Monde arabe dans le but
de reconstruire un nouveau mouvement de libération de nos pays.
6 - Affirmer la centralité de la cause palestinienne basée sur le droit
du peuple palestinien au retour dans tous les territoires desquels il
fut chassé et à la construction de son Etat national ayant Al Quds pour
capitale, ainsi que son droit à résister à l’occupation par tous les
moyens, dont la résistance armée.
7 - Refuser et combattre toute forme de normalisation avec l’ennemi israélien.
8 - Œuvrer dans le sens le sens du développement des soulèvements et des
révolutions arabes, et mobiliser les masses afin de réaliser les mots
d’ordre brandies par ces révolutions, à savoir : la liberté, le progrès
social et la dignité humaine.
9 - Faire face à l’agressivité et aux plans impérialistes et toutes les formes d’occupation, de terrorisme et de tutelle.
10 - Aider à la création d’un « Front progressiste » qui élargirait le
Forum de la gauche arabe vers des partis et des forces démocratiques et
progressistes et qui porterait le projet de changement démocratique.
"Une paix juste et durable, un développement humain, social et écologique
Du Grand Moyen-Orient : priorité mondiale"
(PCF, table ronde – Juin 2016)
Intervention de Marie Nassif-Debs,
Parti Communiste libanais
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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