vendredi 10 juin 2016

Israël/Palestine : Des milliers de Palestiniens bravent Israël sur l'Esplanade des Mosquées

Deux jours après un attentat meurtrier à Tel-Aviv, des dizaines de milliers de Palestiniens se sont pressés sur l'esplanade des Mosquées à Jérusalem-Est pour la prière du premier vendredi de ramadan. Beaucoup ont ainsi outrepassé les nouvelles restrictions de mouvement annoncées par Israël après l'attaque la plus meurtrière commise par des Palestiniens contre des Israéliens depuis des mois. Les autorités ont décrété vendredi le bouclage des Territoires palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza jusqu'à dimanche minuit, ce qui suscite l'inquiétude de la communauté internationale.
Deux exceptions de circulation ont toutefois été faites, pour les urgences humanitaires et pour les fidèles qui se rendaient vendredi à l'esplanade des Mosquées. Mais là aussi des limites sont imposées : les hommes en dessous d'un certain âge (30, 35 ou 45 ans selon des sources israéliennes discordantes) étaient interdits de franchir les checkpoints. Les femmes et les enfants, eux, pouvaient passer sans restriction.
L'État hébreu a cherché le compromis à un moment délicat où les Palestiniens célèbrent le mois sacré du jeûne musulman et accordent beaucoup d'importance à la possibilité d'aller prier sur le troisième lieu saint de l'Islam situé à Jérusalem-Est, partie palestinienne de Jérusalem annexée et occupée par Israël. Personne ne sortait cependant de la bande de Gaza, l'enclave séparée de Jérusalem et de la Cisjordanie par le territoire israélien et sous blocus permanent.
« Ces retraits de permis ont lieu tout le temps. Nous refusons l'idée même qu'on impose des permis aux Palestiniens pour avoir le droit d'entrer à Jérusalem », a dit à l'Agence France-Presse Adnane Husseini, gouverneur palestinien de Jérusalem-Est, sur l'esplanade. Surveillé par les ballons d'observation et survolé par les hélicoptères, le vaste parvis était noir de monde autour du Dôme du rocher et de la mosquée al-Aqsa. Les policiers israéliens s'étaient déployés en nombre dans la vieille ville que surplombe l'esplanade.
Les Palestiniens accueillent les mesures annoncées depuis la veille par Israël avec un mélange de déjà-vu et de ressentiment face à ce qui relève, selon eux, du châtiment collectif et d'un empiétement israélien sur l'esplanade. « Il est vrai que nous ne vivons pas loin d'al-Aqsa, mais nous avons l'impression d'en être très éloignés à cause des checkpoints et des obstacles que l'occupant met sur notre route », disait Jannat Khaled, 48 ans, parmi les milliers de Palestiniens qui franchissaient aux premières heures le point de passage de Qalandia pour aller prier à midi à Jérusalem.
Symbole national et religieux intangible pour les Palestiniens, l'esplanade est sous la garde de la Jordanie pour des raisons historiques. Mais Israël en contrôle tous les accès. Elle est aussi un lieu saint pour les juifs, qui la vénèrent comme le mont du Temple, mais n'ont pas le droit d'y prier. L'esplanade catalyse de manière chronique les tensions entre Palestiniens et Israéliens. Le bouclage des Territoires est une réponse supplémentaire à l'attentat dans lequel deux Palestiniens ont tué quatre Israéliens mercredi soir à Tel-Aviv.
Israël a annoncé jeudi l'annulation de dizaines de milliers de permis d'entrer sur son territoire accordés à des Palestiniens pour leur permettre de retrouver les leurs ou aller prier à al-Aqsa. Bien que les deux assaillants n'aient pas été tués mais arrêtés, le nouveau ministre de la Défense Avigdor Lieberman a ordonné que les corps de Palestiniens abattus lors d'attentats ne soient plus restitués à leur famille. L'armée a annoncé l'envoi de centaines de soldats supplémentaires en Cisjordanie. La localité de Yatta (sud de la Cisjordanie), d'où sont originaires les deux assaillants de mercredi soir, a été bouclée par les forces israéliennes.
Le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme a condamné l'attentat. Mais il s'est aussi dit « profondément inquiet de la réponse des autorités israéliennes » qui ne fera qu'« accroître le sentiment d'injustice » des Palestiniens. Du côté des États-Unis, grand allié d'Israël, le département d'État a dit comprendre la volonté israélienne de se protéger, mais a « espéré » qu'Israël tiendrait compte de l'impact que les restrictions auront au quotidien sur les Palestiniens, et prendrait des mesures « destinées à ne pas augmenter encore davantage la tension ».
Israël, Jérusalem et les Territoires palestiniens sont en proie à des violences qui ont coûté la vie à 207 Palestiniens, 32 Israéliens, 2 Américains, un Érythréen et un Soudanais depuis le 1er octobre, selon un décompte de l'Agence France-Presse. La plupart des Palestiniens tués sont les auteurs ou auteurs présumés d'attaques.

(10-06-2016)

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