Ex-rebelles déçus, miliciens chrétiens ou natifs voulant récupérer leur
terre confisquée par les jihadistes: ces Syriens arabes, unis par leur
haine du groupe terroriste Daesh qui s'est autoproclamé Etat islamique (EI), ont choisi de lier leur sort aux
combattants kurdes dans le nord de la Syrie.
Mais leur choix est controversé car la rébellion, qui cherche depuis
cinq ans à renverser le régime de Bashar al-Assad, les accuse d'avoir
"trahi la révolution", d'être des suppôts du régime ou une "couverture
arabe" pour le projet autonomiste kurde.
Formées en octobre 2015 à l'instigation des Etats-Unis, les Forces
démocratiques syriennes (FDS) sont dominées par la principale milice
kurde de Syrie -Les Unités de protection du peuple kurde (YPG)-, mais le
contingent arabe a grossi pour atteindre 5000 sur les 25.000
combattants des FDS, selon les estimations américaines.
Les FDS comptent trois grandes factions kurdes, 25 petites arabes, une
syriaque et deux turkmènes, précisent les responsables de
l'organisation.
Beaucoup de combattants arabes viennent de groupes ayant lutté contre le
régime, avant de tourner le dos aux rebelles face à la montée en
puissance des jihadistes comme Daesh ou Al-Qaïda.
Des membres arabes des FDS ont expliqué à l'AFP que, comparé au chaos
régnant chez les insurgés, leur alliance avec les Kurdes s'avère bien
plus efficace.
"Nous nous sommes alliés aux Kurdes car ils sont les mieux organisés,
les mieux armés et les mieux financés", résume Yasser al-Kadro, un
commandant de la Brigade des Faucons de Raqa, une des principales
factions arabes des FDS.
Elle compte un millier de combattants originaires de la province de Raqa, principal bastion de Daesh en Syrie.
Le rêve de Yasser al-Kadro, qui parlait à l'AFP dans la ville de Tall
Abyad, à 100 km au nord de Raqa, c'est de revenir dans sa région
d'origine et seules les FDS ont selon lui la capacité d'en chasser Daesh.
"A Raqa, il y avait l'EI ou les YPG, alors on s'est allié avec les YPG
pour combattre l'EI", explique à l'AFP Abou Saleh, le chef militaire des
Faucons de Raqa, qui s'exprimait près de Minbej, un autre fief de l'EI
situé au nord-ouest de Raqa et encerclé par les FDS.
C'est cet argument d'efficacité qu'avance aussi Ali Hajjo, à la tête des
Brigades de l'Euphrate, une des factions assiégeant Minbej. Les
combattants locaux se sont ralliés aux FDS car c'était "le groupe le
mieux organisé" pour reconquérir leur région, dit-il.
Un journaliste travaillant pour l'AFP, qui a effectué plusieurs visites
sur les fronts, a noté que même dans les endroits où ce sont les unités
arabes qui combattent, il y a toujours un responsable militaire kurde
qui supervise les opérations.
Les FDS reçoivent un appui aérien de la coalition internationale
conduite par les Américains et sont aidées par plus de 200 membres des
forces spéciales américaines qui les conseillent sur le terrain.
Selon les Américains, ce sont en majorité des éléments arabes qui opèrent dans la région de Minbej.
Des combattants chrétiens ont aussi rejoint les FDS. Le Conseil
militaire syriaque s'est constitué dans la province de Hassaké
(nord-est) en 2013, et ses 500 hommes ont rejoint les FDS.
Pour son porte-parole, Kino Ghibrael, l'objectif est "de préserver la présence syriaque dans la région" face à l'EI.
Les FDS ont aussi ravi dans la province septentrionale d'Alep des
territoires contrôlés par une alliance dominée par le Front Al-Nosra,
branche syrienne d'Al-Qaïda.
L'"Armée des révolutionnaires", composante des FDS, a participé à la
conquête de l'aéroport de Minnigh et chassé Al-Nosra de localités au
nord de la ville d'Alep, une revanche contre les jihadistes qui avaient
chassé en 2014 ce groupe laïque de la province d'Idleb.
Aussi son chef, Ahmad al-Omar, explique que son objectif est de "bouter
hors de cette province tous les groupes radicaux et les jihadistes".
En outre, ayant placé la lutte contre Daesh avant celle d'abattre le
régime, les combattants arabes sont vivement critiqués par l'opposition.
"Les avions du régime ne les bombardent jamais. C'est suffisant pour les
qualifier de traîtres", peste Ali Jawad, 23 ans, membre du groupe
rebelle islamiste Noureddine Zinki, basé à Alep.
Pays frontalier de la Syrie, la Turquie appuie la rébellion et craint
que l'expansion territoriale des FDS pose les bases d'un État autonome
kurde.
Si le régime se montre méfiant à l'égard des FDS, une source militaire
haut placée a concédé à l'AFP qu'il y avait une "alliance de facto. Le
gouvernement syrien n'a pas l'intention d'ouvrir un nouveau front. La
priorité c'est la lutte contre le terrorisme".
Les FDS aussi marchent sur des oeufs. Leur porte-parole Talal Sello
affirme à l'AFP qu'elles n'attaqueront pas les forces du régime mais
souligne qu'il leur serait "impossible" de combattre à leurs côtés.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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