En Algérie, officiellement, les épreuves du baccalauréat 2016 ont pris
fin jeudi 2 juin. Avec, comme chaque année, son lot de triches, de
fuites ou de fraudes. Mais cette année, les rumeurs de fuites massives
ont été tenaces au point de faire réagir les tenants du pouvoir. Avec la
ministre de l'Éducation nationale, Nouria Benghabrit, prise au coeur de
la tourmente. En jeu : faut-il ou non annuler le bac 2016 ? Plus de 850
000 jeunes Algériens étaient appelés à passer du 29 mai au 2 juin les
épreuves du baccalauréat, déjà marquées par des controverses.
Les faits
Le ministère de l'Éducation algérien a admis très rapidement des fraudes
via Facebook, où l'énoncé d'un sujet notamment a été filmé « à l'aide
d'un smartphone dissimulé et mis en ligne sur Facebook » pendant
l'examen, a reconnu un inspecteur de l'Éducation nationale à la radio,
en annonçant l'ouverture d'une enquête pour identifier les auteurs de la
fraude. « La fraude, sur intervention externe aux classes d'examen, par
diffusion des sujets de la filière sciences expérimentales, au nombre
de sept, appelle des décisions fermes à l'égard des auteurs de cette
démarche dans le sens largement partagé par la communauté éducative en
matière de préservation de la crédibilité du bac et des principes de
mérite, d'équité et d'égalité des chances entre tous les candidats »,
écrit le ministère algérien de l'Éducation nationale dans un communiqué.
Impossible de quantifier exactement le nombre de candidats ayant
fraudé. Mais beaucoup d'entre eux ont été pris sur le fait par les
surveillants, alors que d'autres ont pu échapper à leur vigilance.
L'enquête
Les dommages sont très importants. Les filières touchées par la fuite
des sujets représentent entre 35 et 45 % du total des sujets. Une
enquête est en cours. Trente et une personnes ont été interpellées, dont
une femme placée sous contrôle judiciaire, retrouvées grâce à leurs
adresses IP. Des investigations sont menées pour connaître l'origine de
la fuite. Si la fraude atteint un niveau trop important, l'annulation du
baccalauréat se posera. La ministre Nouria Benghabrit est partisane
d'une annulation de l'examen.
Une ministre dans la tourmente
Nommée en 2014, la ministre de l'Éducation Nouria Benghabrit,
universitaire reconnue et nouvelle venue en politique, est devenue la
femme à abattre pour les conservateurs de tous bords depuis qu'elle a
entrepris de réformer un enseignement sinistré. Comparée par de nombreux
Algériens à la chancelière allemande Angela Merkel en raison de ses
cheveux courts, de ses tailleurs stricts et de son caractère inflexible,
cette sociologue de 63 ans subit des attaques sans précédent depuis
qu'elle a évoqué fin juillet l'idée d'introduire l'arabe dialectal dans
un enseignement jusqu'à présent dispensé uniquement en arabe classique.
L'arabe dialectal pas toujours admis
Tissé d'emprunts au français, à l'espagnol ou au berbère, l'arabe
dialectal est parlé à la maison et dans la rue. Pour les enfants, la
découverte brusque de l'arabe académique à l'âge de six ans est l'une
des raisons de l'échec scolaire, estiment les spécialistes. Mais les
conservateurs jugent la forme dialectale impure et symbole d'une forme
de néocolonialisme. Au mois d'août 2015, un député d'Ennahda, Mohammed
Hadibi, a publié sur sa page Facebook une photo de la ministre barrée
d'une croix avec le slogan « Dégage ! » Un autre, Nacer Hamdadouche, l'a
accusée d'incarner « une menace réelle pour les valeurs du pays ». « Ce
chahut a pour but de bloquer tout processus d'évolution de l'école »,
avait-elle rétorqué, peu impressionnée. « Aucun de ceux qui polémiquent
n'est entré dans le débat pour proposer des solutions et comprendre
pourquoi, dans un environnement arabophone, un élève peut avoir des
résultats catastrophiques en arabe scolaire », a ajouté Mme Benghabrit.
La moyenne des bacheliers algériens en langue arabe a été de 9/20 cette
année, selon elle. Mais elle découvre un champ de mines dans un secteur
dominé par ceux qui veulent arrimer l'Algérie soit à l'oumma (communauté
des musulmans), soit au panarabisme. « Si Benghabrit tombe [...], cela
veut dire qu'il vaut mieux ne pas avoir d'enfants dans ce pays »,
s'était alarmé dans une chronique l'écrivain-journaliste Kamel Daoud.
Deux ans plus tard, le combat se poursuit et, cette fois, la fuite
massive d'une partie des épreuves du baccalauréat semble organisée et
destinée à déstabiliser la ministre.
Vers l'annulation du bac 2016 ?
Sur la chaîne privée Ennahar TV, Nouria Benghabrit a assuré que les
services de sécurité poursuivent leurs investigations au niveau de tous
les centres d'examen pour identifier les auteurs de ces fuites. Son
objectif : préserver la crédibilité du bac. Pour la ministre, «
plusieurs hypothèses restent plausibles en attendant les conclusions de
l'enquête ». Les partenaires sociaux du ministère de l'Éducation
nationale ont signé, dans la nuit de jeudi à vendredi, un communiqué
conjoint allant dans ce sens. La majorité des syndicats a proposé de
refaire les matières touchées par la fraude. Le gouvernement décidera,
dans les jours à venir, de la suite à donner.
(04-06-2016 - Idriss Elram)
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