Le pouvoir à Bahreïn est resté sur une ligne dure mardi en suspendant
les activités du principal mouvement d'opposition chiite, ignorant les
inquiétudes exprimées par l'allié américain après l'arrestation d'un
célèbre dissident.
Les deux mesures, prises en 24 heures, ne laissent aucun doute sur les
intentions du royaume dirigé par une dynastie sunnite qui, avec la
suspension des activités du mouvement Al-Wefaq, fait planer la menace
d'une interdiction pure et simple de l'opposition.
Le sort d'Al-Wefaq (L'Entente) est maintenant suspendu à une décision de
justice qui l'accuse de violer les lois de ce petit pays du Golfe,
secoué par des troubles récurrents depuis 2011.
Al-Wefaq anime un mouvement de protestation de la majorité hiite contre
le pouvoir des Al-Khalifa et réclame une véritable monarchie
constitutionnelle.
Il s'est toujours dit opposé à la violence mais les manifestations, qui
se poursuivent de manière sporadique, donnent lieu à des affrontements
avec la police et le pays a connu quelques attentats contre les forces
de l'ordre.
Le chef d'Al-Wefaq, Ali Salmane, purge une lourde peine de prison pour
complot contre le régime et incitation à la désobéissance et à la haine
confessionnelle.
Le pouvoir à Bahreïn, siège de la Ve Flotte américaine, nie toute
discrimination envers les chiites et accuse régulièrement l'Iran chiite
de "tentatives de déstabilisation", ce que Téhéran dément.
Selon l'agence officielle BNA, le tribunal administratif a ordonné la
suspension des activités d'Al-Wefaq à la suite d'un recours du ministère
de la Justice qui a demandé la "dissolution" du mouvement.
Le ministère accuse Al-Wefak de ne pas respecter la loi et de "favoriser
le terrorisme et l'extrémisme", ainsi que les "ingérences étrangères",
dans une claire allusion à l'Iran.
Le tribunal a également ordonné la fermeture des locaux du groupe et le
gel de ses fonds. Il a fixé sa prochaine audience au 6 octobre pour se
prononcer sur la demande de dissolution.
L'organisation Human Rights First, basée aux Etats-Unis, a vivement
réagi à la suspension d'Al-Wefaq, affirmant que cette mesure
"dangereuse" vise à "éliminer ce qui reste de l'opposition".
Cheikh Ali Salmane, détenu depuis décembre 2014, a été condamné en juin
2015 à quatre ans de prison, et sa peine a été alourdie en mai en appel à
neuf ans de réclusion.
Les autorités avaient déjà suspendu pendant trois mois en 2014 les
activités d'Al-Wefaq, alors accusé par le ministère de la Justice de
violer la loi sur les associations en tenant des assemblées générales
sans quorum et de manquer de transparence comme l'exige la
règlementation.
Les partis politiques étant interdits à Bahreïn, Al-Wefaq a un statut
d'association. Et les associations dépendent du ministère de la Justice.
La justice a par ailleurs décidé de maintenir en détention pendant dix
jours l'opposant et militant chiite Nabil Rajab, 51 ans, arrêté lundi,
selon son avocat Mohammed al-Jishi.
Bénéficiant d'une grâce royale pour "raisons de santé", M. Rajab avait
été libéré en juillet 2015 alors qu'il purgeait une peine de six mois de
prison pour "atteinte aux institutions de l'Etat".
"Il a été placé en détention pendant dix jours pour interrogatoire sous
l'accusation d'avoir publié de fausses informations de nature à porter
atteinte au prestige de l'Etat", a écrit Me Jishi sur Twitter.
Le département d'Etat américain a fait part de sa "profonde inquiétude"
après la nouvelle arrestation de M. Rajab, précisant que la question
avait été "soulevée auprès du gouvernement bahreïni".
Washington a des relations compliquées avec Manama et garde un oeil sur le dossier ultrasensible des droits de l'Homme.
Pour James Lynch, directeur adjoint d'Amnesty International pour le
Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, la nouvelle arrestation de M. Rajab
"semble être un nouvel exemple alarmant de la tolérance zéro de Bahreïn
vis-à-vis d'une opposition pacifique".
L'organisation a révélé que cinq dissidents dont un ex-prisonnier de
conscience avaient été empêchés de quitter Bahreïn dimanche alors qu'ils
devaient assister à une session du Conseil des droits de l'homme de
l'ONU à Genève.
La justice de Bahreïn a multiplié ces dernières semaines les procès de
dissidents, condamnant à de lourdes peines de prison des dizaines
d'entre eux dont certains ont été déchus de la nationalité.
(14-06-2016 - Assawra)
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