Elles ont fui la tyrannie des jihadistes et la famine à Fallouja pour la
sécurité d'un camp de déplacés, mais des milliers de familles
irakiennes se retrouvent toujours sans nourriture et sans abri pour
dormir.
"Le gouvernement nous a dit de quitter nos foyers, alors on l'a fait. A
en croire la manière dont ils nous ont décrit (le camp), nous allions
nous retrouver au paradis", témoigne Ayyoub Youssef, un habitant de
Fallouja de 32 ans.
"Je ne regrette pas d'être parti parce que nous aurions fini par mourir
là-bas. Ici, nous sommes vivants (...) mais c'est juste une autre sorte
d'enfer", lance-t-il.
M. Youssef, sa femme et leurs deux enfants font partie des dizaines de
milliers de personnes à avoir fui Fallouja et ses alentours depuis le
début le 23 mai de l'offensive des forces irakiennes visant à déloger Daesh, le
groupe jihadiste qui s'est autoproclamé Etat islamique (EI) de cette ville située à 50 km à
l'ouest de Bagdad.
Rien que ces derniers jours, des centaines de familles ont quitté la
ville, rendant encore plus difficile la tâche des organisations
humanitaires.
La famille de M. Youssef a échoué dans un camp de déplacés sur les bords
du lac de Habbaniyah. Mais, faute de tente, elle a dû dormir quatre
nuits à la belle étoile.
"Mes parents ont pu obtenir une tente dans un autre camp, nous allons
donc essayer de les rejoindre pour dormir avec eux cette nuit",
espère-t-il.
Alors que le soleil implacable se couche enfin sur le lac, ancien lieu
de villégiature prisé en Irak, des hommes se regroupent autour d'un
camion d'aide pour tenter d'obtenir les précieuses armatures métalliques
et toiles qui leur permettront de monter leurs tentes.
"On s'attendait à une sorte d'hébergement au moins, mais on ne nous a
rien donné", regrette Tarech Farhan, 49 ans, cherchant à bien tendre la
toile pour faire tenir la structure.
"Nous avons dû vivre sous la tyrannie de Daesh et maintenant c'est une
autre injustice", lance une jeune femme furieuse, utilisant l'acronyme
en arabe de l'organisation terroriste. "Cinq jours que nous sommes ici et rien à manger, même
pas une bouteille d'eau (...) Ce camp, c'est juste comme le reste de
l'Irak: si vous n'avez pas de relations, vous n'obtenez rien",
rage-t-elle.
"Honte à eux, il n'y a pas de toilettes pour les femmes (...) Nous
devons aller dans le désert", ajoute la femme, la tête recouverte d'un
voile ne laissant voir que ses yeux.
A Khaldiya, un autre camp sur les rives du lac Habbaniyah, une ONG
organise une distribution de nourriture qui, pour certains déplacés, est
la première depuis leur fuite.
"Les derniers jours à Fallouja, nous coupions de l'herbe pour la
manger", confie Hamde Bedi, une femme de 41 ans, enceinte de son
huitième enfant.
Le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) a indiqué mardi
que 20 camps supplémentaires seraient nécessaires pour les déplacés de
Fallouja dans les prochaines semaines, ajoutant qu'il cherchait "de
façon urgente 17,5 millions de dollars (15,5 millions d'euros)" pour
répondre aux besoins les plus pressés.
Le Premier ministre irakien Haider al-Abadi a proclamé la victoire à
Fallouja la semaine dernière après que le drapeau eut été hissé sur le
principal bâtiment gouvernemental.
Les forces irakiennes s'efforcent toujours de déloger des combattants de
l'EI du nord de la ville, mais le principal défi à présent est d'ordre
humanitaire.
Le directeur pour l'Irak du Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC),
qui gère les camps de déplacés autour de Fallouja, a déploré mardi que
les civils aient "fui un cauchemar pour en découvrir un autre".
"Fallouja a eu beau être repris, ses citoyens font face à une
catastrophe", affirme-t-il.
La plupart des familles récemment déplacées se retrouvent sans leurs
hommes, souvent détenus par les forces de sécurité qui les soupçonnent
d'être des membres de l'EI ayant essayé de fuir parmi les déplacés.
Yasser Abed, le mari de Hamde Bedi, a été relâché dimanche après quatre jours de détention.
"Nous avons réussi à fuir (...) parce que ma femme était dans la
dernière phase de sa grossesse. Nous avons demandé la permission à Daesh
d'aller à l'hôpital et l'avons obtenue", raconte-t-il. "A la sortie de
l'hôpital, nous ne sommes pas rentrés (chez nous) et avons fui. Nous
avons marché pendant sept heures. J'ai dû porter ma femme".
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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