"Je cours le marathon partout, mais dans les rues de ma ville, j'ai
peur". Hanine Radi, Palestinienne de 48, rêvait d'organiser un
marathon chez elle, au centre d'Israël, mais les menaces de mort des
islamistes radicaux ont brisé son élan.
Agée de 36 ans, cette mère de quatre enfants, qui décrocha la
troisième place au marathon de Tel-Aviv, s'entraîne trois fois par
semaine à Tirah, une ville palestinienne de 48 de 25.000 habitants.
Elle emmène une cinquantaine de coureuses dans son sillage, mais
seulement après 20 heures et dans un stade fermé, vidé de tous les
hommes. Pas question de courir en plein jour ni en ville dans la
tenue propre à cet exercice.
"L'an dernier, on avait tout organisé pour le marathon, on avait
fixé la date, distribué les affiches", se rappelle cette membre de
la minorité arabe, celle des Palestiniens et de leurs descendants
restés sur leurs terres à la création de l'Etat d'Israël en 1948.
Ils représentent aujourd'hui 17,5% de la population israélienne.
"Mais quand je suis sortie avec les filles pour courir sur le
parcours que nous avions retenu, nous sommes tombées sur des barbus qui nous ont insultées", déplore Hanine, musulmane
elle-même, comme la grande majorité des 1,4 million des Palestiniens de 48.
Le soir de cet entraînement mouvementé, elle a reçu des insultes et
des menaces de mort par téléphone. Puis, au milieu de la nuit, "on a
tiré sur ma maison et ma voiture".
La police israélienne a interrogé un dignitaire religieux qui avait
incité à la violence contre les coureuses. Mais "le dossier a été
fermé sans que personne ne soit arrêté", regrette-t-elle.
A Tirah, comme dans le reste du secteur palestinien de 48 où l'on
continue communément à se considérer comme palestinien, le salafisme
-mouvement pour un islam "ultraorthodoxe" prônant un retour aux
sources- progresse, concurrençant l'ancienne revendication nationale
palestinienne, s'alarment experts et figures de la communauté.
Pour les salafistes, le sort des Palestiniens de 48, qui se plaignent
d'être des citoyens de seconde classe dans un État juif à 75%, "est
dû au fait que les gens se sont éloignés de la religion", explique à
l'AFP Nihad Ali, professeur à l'université de Haïfa.
"La question de l'identité nationale (palestinienne) n'est pas leur
priorité, ils mènent un combat pour contrôler la société et imposer
leurs idées religieuses", ajoute-t-il.
Il n'existe pas de chiffres officiels sur le nombre de musulmans
salafistes en Israël. La police parle de quelques milliers sur plus
d'un million de musulmans.
Mais la progression de ce courant inquiète jusqu'aux islamistes
modérés.
Massoud Ghoneim, député et membre de la branche sud du Mouvement
islamique, fortement inspirée par les Frères musulmans, discerne
"une montée palpable de la mouvance salafiste parmi les Palestiniens
de 48". Il dénonce "la violence et les actes de voyous" de
ces salafistes.
La place des femmes dans la société et le sport ne sont pas les
seuls menacés par la montée du salafisme. En 2015, une pièce de
théâtre a été interdite dans plusieurs villes. Récemment, un concert
où devait se produire Haitham Khalayli, un Palestinien de 48 qui avait
participé au télé-crochet panarabe Arab Idol et des diffusions
publiques du film jordanien "Al-Mokhless" ("le Fidèle") sur la vie
de Jésus ont connu le même sort.
A chaque fois, des dignitaires religieux tenants du salafisme ont
estimé que ces manifestations "contrevenaient à l'islam et aux
bonnes moeurs".
La projection de films en arabe, les spectacles ou les expositions
d'artistes arabes en Israël sont pourtant l'une des armes des
Palestiniens de 48 pour préserver une identité et une culture
palestiniennes
en Israël.
A Taybeh, autre ville arabe, des islamistes radicaux ont tenté de
faire renommer la rue Mahmoud Darwich, le grand poète palestinien,
en "rue de la Mecque". Le Conseil local les en a empêchés.
Les salafistes ont en revanche obtenu la radiation d'Ali Moussa, un
enseignant de la ville de Baqa al-Gharbiya (centre), parce qu'il
avait montré à des lycéens le film palestinien "Omar", qui a
concouru en 2014 pour les Oscars mais que les salafistes ont jugé
"pornographique". Le tribunal du travail de Haïfa a cependant
ordonné la réintégration de M. Moussa.
"Trois semaines après que j'ai projeté le film", qui ne contient
qu'un rapide baiser, "des salafistes sont entrés dans le lycée et
m'ont agressé et insulté dans la salle des professeurs avant de me
menacer", se rappelle l'enseignant. Un groupe salafiste a ensuite
diffusé un tract indiquant: "Personne n'échappera à la punition".
Les Palestiniens de 48 inquiets en appellent aux autorités
israéliennes qu'ils fustigent toutefois pour leur attitude
discriminatoire à leur égard.
"Des gens ont affirmé sur Facebook qu'Ali Moussa +méritait une
balle+", rappelle Jafar Farah, patron de l'ONG Mossawa de défense de
la minorité arabe.
"Si de telles accusations avaient été formulées par un Arabe envers
un Israélien (juif), il aurait été arrêté le jour même. Mais la
police israélienne, qui se réclame de l’État de droit, préfère quand
les Arabes se battent entre eux", accuse-t-il.
La porte-parole de la police israélienne Louba Samri réfute que
l’État s'intéresse moins au respect de la loi parmi les Arabes que
les juifs israéliens. "Nous enquêtons scrupuleusement et chaque
affaire est traitée en fonction de son importance et des
circonstances", assure-t-elle.
(02-06-2016)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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