L'humeur a changé en moins d'une semaine à Tripoli où l'arrivée
du gouvernement d'union nationale a ravivé les espoirs d'une sortie de
la crise politique, sécuritaire et économique dans laquelle est plongée
la Libye.
Malgré la tempête de sable qui s'est abattue ces derniers jours et la
crainte d'affrontements entre groupes armés, la capitale libyenne
respire.
"Ce n'est peut-être qu'une impression, mais depuis que (Fayez) Sarraj
est arrivé à Tripoli, les gens semblent plus détendus", témoigne
Abdelmajid Naas, un ingénieur de 36 ans.
"Du moins, je le suis!", précise-t-il dans un éclat de rire.
Ce changement est perceptible depuis que Fayez al-Sarraj a débarqué
mercredi dans le port de Tripoli pour s'installer comme chef du
gouvernement d'union nationale issu d'un accord parrainé par l'ONU et
soutenu par les grandes puissances.
Son arrivée a provoqué l'ire des autorités non reconnues installées à
Tripoli qui l'ont sommé de partir ou d'en assumer les conséquences.
Depuis août 2014, la capitale était contrôlée par Fajr Libya, une
coalition de milices dont des islamistes, qui y a installé un
gouvernement non-reconnu présidé par Khalifa el-Ghweil.
Depuis, les Tripolitains vivaient dans un climat de tension sécuritaire
permanente due à l'omniprésence des milices dans les rues et à
l'angoisse de ne pouvoir subvenir aux besoins de leurs familles sous le
contrôle d'un gouvernement paria.
Ils étaient confrontés à la cherté de vie d'un niveau inégalé et aux
files d'attente devant les banques pour retirer un montant d'argent
limité.
"Nous avions constamment peur. Nous ne savions pas ce qui pouvait nous
arriver demain, ni même à la fin de la journée", se désole Siham, une
mère de deux enfants.
"Je suis confiant que la situation va s'améliorer. Maintenant au moins,
nous avons un gouvernement qui peut prendre les choses en main", espère
son époux Adel Abderrahmane, 42 ans. "C'est comme si un gros poids que
j'avais sur le coeur s'est levé".
La situation reste néanmoins extrêmement instable, notamment dans le
reste du pays, les autorités contrôlant l'est ayant également refusé de
reconnaître le gouvernement d'union.
Cependant, avant même de s'installer à la Primature en plein coeur de
Tripoli, M. Sarraj a pu rallier de nombreux soutiens dont celui de
milices importantes et des villes de l'ouest et du sud libyen.
Mais l'appui le plus crucial est venu des institutions financières comme
la Banque centrale (BCL), la Compagnie nationale de pétrole (NOC) et la
Libyan Investment Authority (LIA), le fonds souverain qui gère les
investissements et les avoirs de l'Etat libyen à l'étranger.
M. Sarraj a également reçu le soutien des gardes des principales installations pétrolières.
"J'espère que tous les obstacles seront surmontés et que les divisions
que notre pays a connu et qui lui ont causé tant de souffrances prennent
fin", a déclaré Abdelmajid Breish, le PDG de LIA.
Vendredi, pour la première fois depuis août 2014, des centaines de
personnes ont manifesté contre le gouvernement de Fajr Libya aux cris de
"Le peuple veut le gouvernement d'union! Dégage Ghweil!". Et les tags
pro-Fajr Libya ont été remplacés par "Oui au gouvernement d'union
nationale".
Les policiers avec leurs uniformes d'hiver bleu marine et blanc ont
repris en main leur ville à peine les milices de Fajr Libya disparues
des rues.
Autre signal notable, la valeur du dinar libyen est remontée, passant de
3,7 à 2,7 pour un dollar sur le marché des changes parallèle.
Pour une première sortie de la base navale depuis son arrivée, M. Sarraj
a pris un bain de foule sur la place des Martyrs, au coeur de la ville.
"Bienvenue chez toi", lui ont souhaité des Tripolitains en lui serrant
la main ou en le prenant dans leurs bras.
Cet engouement semble s'expliquer par la lassitude des Libyens face au
chaos et par l'espoir que suscite son gouvernement qui a promis, avec
l'aide de la communauté internationale, d'unifier le pays, de bâtir une
armée forte et d'améliorer l'économie exsangue marquée par une profonde
crise de liquidités.
Cet optimisme retrouvé pousse Abdelmajid Naas à remettre en question ses projets d'expatriation.
"Pas marié et sans enfants, j'envisageais de quitter le pays et de ne
plus revenir. Aujourd'hui, l'espoir est redevenu une option", dit-il.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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