Des Syriens évacuent le quartier rebelle d'Hayy Aqyul à Alep, frappé par un raid aérien le 22 avril 2016 (Afp)
Pour les habitants d'Alep, le cessez-le-feu décrété il y a deux mois en
Syrie est bel et bien mort avec l'intensification des combats ces
derniers jours, mais les grandes puissances affirment que la trêve tient
toujours.
"Je ne sais pas de quelle trêve ils parlent. Il n'y a pas de trêve ici",
s'écrit Abou Mohammed, qui réside dans la partie est de la ville d'Alep
contrôlée par les rebelles.
"Les bombardements et les tirs de roquette ne s'arrêtent jamais. C'est
comme si on était en pleine guerre mondiale", poursuit ce propriétaire
d'une échoppe, père de quatre enfants.
Les grandes puissances avaient espéré que le cessez-le-feu entré en
vigueur le 27 février facilite les pourparlers de paix entre régime et
rebelles pour trouver une solution à une guerre ayant déjà tué plus de
270.000 personnes en cinq ans.
Mais à Genève, le troisième round de négociations parrainées par l'ONU
s'achève mercredi sans aucun progrès puisque les principaux
représentants de l'opposition ont quitté la table des négociations pour
protester contre la dégradation de la situation humanitaire et les
violations de la trêve.
Ces derniers jours, les bombardements dans la province d'Alep, notamment
dans la ville éponyme, se sont multipliés, provoquant la mort de plus
d'une centaine de civils depuis vendredi.
"Les personnes tuées sont des habitants, des femmes et des enfants pour
la plupart: où est donc la trêve?", s'indigne Mohammed Kahil, médecin
légiste dans la partie est d'Alep, ville coupée en deux depuis 2012.
Les habitants de la partie ouest contrôlée par le régime sont tout aussi
irrités d'entendre les grandes puissances parler d'une cessation des
hostilités.
"Trêve! C'est devenu un mot provocateur que les habitants d'Alep ne
peuvent plus supporter", lance Saad Aliya, un chauffeur de taxi de 27
ans. "Je ne crois pas qu'un seul des combattants à Alep veuille la
trêve. Ce sont tous des assassins et ils sont en train de nous
assassiner!"
"Si c'est ça la trêve, je vous en conjure, ramenez-nous la guerre!", explose-t-il.
En fait, "si la trêve tient c'est entre les Etats-Unis et la Russie, pas entre l'opposition et le régime", résume Abou Mohammed.
Washington et Moscou, les deux parrains du cessez-le-feu, ne cessent en
effet d'assurer que la cessation des combats tient en majeure partie.
"Nous ne sommes pas prêts à la déclarer morte", a déclaré mardi le
porte-parole du département d'Etat Mark Toner. "Nous croyons que
celle-ci tient en dehors d'Alep. Nous reconnaissons que, à l'intérieur
et autour d'Alep, il y a de multiples incidents qui nous préoccupent
sérieusement", a-t-il ajouté.
"La situation sur le terrain ainsi que sur le plan politique provoque
une grande inquiétude", a déclaré pour sa part la porte-parole du
ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova. "Le
cessez-le-feu résiste mais il est sérieusement mis au défi, presque
quotidiennement."
Riad Hijab, coordinateur général du Haut comité des négociations (HCN)
qui a suspendu sa participation à Genève, a évoqué de son côté de
"graves violations de la trêve de la part du régime et de ses alliés",
et de leur "tentative de faire échouer le processus politique".
Pour Thomas Pierret, spécialiste de la Syrie, "les rebelles et
l'opposition politique ne cessent de dénoncer les violations de la trêve
mais ne peuvent unilatéralement déclarer formellement la fin du
cessez-le-feu (...) parce que Russes et Américains entretiennent
l'illusion que la trêve reste en vigueur".
Selon lui, une des explications pourrait être que les Américains "sont
tellement désespérés de maintenir en vie le processus politique qu'ils
sont prêts à travestir la réalité de l'effondrement du cessez-le-feu".
Mais l'expert avance également une autre interprétation. Les Américains
"ne s'opposent pas fondamentalement à une opération loyaliste contre
Alep, qui aurait -de leur point de vue- l'avantage de contraindre
l'opposition à transiger sur le départ d'Assad".
Le principal point d'achoppement qui paralyse toute avancée dans les
pourparlers reste en effet le sort du dictateur Bashar al-Assad dont
l'opposition réclame le départ. Pour les représentants du régime, cette
question est "une ligne rouge" non-négociable.
Les négociations de paix doivent reprendre le 10 mai, a annoncé mercredi
le ministre russe des Affaires étrangères Mikhail Bogdanov.
(27-04-2016)
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