De nombreux réfugiés syriens au Liban estiment que leurs vies sont
au point mort depuis que Beyrouth a adopté une série de nouvelles
mesures rendant presque impossible l'obtention ou le
renouvellement de leur permis de séjour.
Un peu plus de la moitié des réfugiés syriens au Liban ne dispose
pas de permis de résidence, selon l'ONU. Conséquence: de plus en
plus de nouveaux nés ne sont pas enregistrés auprès des autorités.
Cantonnés dans leurs quartiers par peur de se faire arrêter, ils
sont dans l'incapacité de travailler.
Les enfants comme Hussein, 14 ans, ont abandonné l'école pour
devenir les principaux gagne-pain des familles vivant dans des
camps misérables comme Chatila, dans le sud de Beyrouth.
"Je vis dans la peur. Si je décide de quitter le camp, je ne suis
pas sûr d'y revenir", confie le père de Hussein, Walid al-Adl,
dont le permis de séjour a Liba,expiré.
Chaque jour, cet homme de 49 ans envoie son fils vendre des
sucreries cuites au four. "Hussein a moins de chance d'être
arrêté. Que pouvons-nous faire d'autre pour gagner notre pain
quotidien?", lance Walid, dont le visage marqué témoigne d'une vie
anxieuse.
Comme les autres camps de réfugiés palestiniens au Liban, Chatila
est progressivement devenu un quartier exigu abritant des familles
pauvres et des milliers de réfugiés syriens. Géré par des factions
palestiniennes, les forces de sécurité libanaises ne s'y
aventurent pas, en faisant un foyer idéal pour les Syriens vivant
cachés.
- Cotisation annuelle -
Avec plus d'un million de réfugiés syriens et 450.000 palestiniens
enregistrés sur son territoire, le Liban, qui compte à peine 4
millions d'habitants, connait la plus grande concentration de
réfugiés au monde.
Dans ce petit pays méditerranéen, les Syriens sont considérés
comme étrangers et non comme réfugiés. Contrairement aux autres
nationalités, ils doivent fournir un justificatif de domicile et
payer chaque année une taxe de 200 dollars (178 euros) pour
pouvoir résider au Liban.
"Compte tenu de la baisse des ressources personnelles, les coûts
de renouvellement des frais sont prohibitifs pour la plupart des
réfugiés", explique à l'AFP Matthew Saltmarsh, du Haut
commissariat des Nations unies pour les réfugiés.
"Selon nos enquêtes, 56% des réfugiés n'avaient pas de titre de
séjour valide fin mars 2016", ajoute-t-il.
Pour Radiya Ahmed, 23 ans et mère de deux enfants, payer la
cotisation annuelle est presque inimaginable.
Contre des tâches simples - travailler dans un orphelinat, faire
la plonge - son mari gagne 500.000 livres libanaises (265 euros)
par mois. "Cela couvre à peine le loyer, et nous avons deux
enfants à nourrir. Comment pouvons-nous payer 300.000 livres pour
chacun de nos permis de séjour?", lance-t-elle.
Leur petite fille Fatima risque d'être apatride. "Je ne peux pas
aller à Damas pour récupérer le livret de famille. Si je pars, je
ne serai pas autorisée à revenir", soupire Radiya.
- 'Invisibles' -
Selon Layal Abou Daher du Conseil norvégien pour les réfugiés,
tous les aspects de la vie des Syriens sont affectés. "C'est comme
vivre constamment dans la peur. D'une certaine manière, ils
sentent - c'est ce qu'ils disent - qu'ils sont poussés à devenir
invisibles", déclare-t-elle à l'AFP.
La Sûreté générale, qui encadre le séjour des étrangers au Liban,
rejette les critiques concernant ses règlements.
"Il n'y a pas d'obstacle. Au contraire, nous avons introduit
plusieurs mesures visant à faciliter l'obtention du permis de
séjour pour les Syriens, compte tenu de la situation humanitaire",
se défend un porte-parole de la Sûreté générale à l'AFP.
Mais même pour Fahed, 30 ans, homme d'affaires syrien vivant dans
une villa de la ville d'Aley, à une quinzaine de km de Beyrouth,
la vie au Liban devient "très difficile".
Ce négociant de matériaux de construction se rendait régulièrement
en Turquie pour rencontrer ses clients, mais il n'a pas voyager
cette année, son permis de séjour ayant expiré.
L'homme d'affaires, qui roule en Mercedes, admet qu'il a moins de
chance de se faire contrôler que des Syriens moins aisés dans les
transports en commun. "Mais j'essaye quand même d'éviter les
points de contrôle", dit-il.
Nombre de ses amis ont quitté le Liban pour l'Europe en 2015, au
moment du pic de la crise des migrants. Mais lui a choisi de
rester "pour être le plus proche possible de la Syrie". "Dès que
la situation s'améliore, je rentre à la maison".
(25-04-2016)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire