Un député israélien nationaliste religieux ainsi que son épouse ont
provoqué un scandale en prônant la séparation des femmes juives des
Arabes dans les maternités au nom d'une inimitié viscérale, selon eux,
entre ces deux groupes. "Il est tout à fait naturel que ma femme ne
veuille pas partager la chambre de quelqu'un dont le fils pourrait avoir
envie de tuer son fils dans vingt ans", a déclaré mardi sur son compte
Twitter Betzalel Smotrich, réputé comme l'un des membres les plus à
droite du Foyer juif, parti lui-même très à droite de la coalition
gouvernementale de Benjamin Netanyahu. "Ma femme n'est pas du tout
raciste", mais après l'accouchement, elle "n'a pas envie de se retrouver
dans une de ces noubas qui suivent généralement les naissances" dans
les familles arabes, a-t-il insisté.
Betzalel Smotrich, 36 ans et père de cinq enfants, réagissait à une
enquête de la radio publique selon laquelle de nombreux hôpitaux de
Jérusalem, Tel-Aviv ou ailleurs plaçaient femmes juives et arabes dans
des chambres distinctes, soit de leur propre initiative, soit à la
demande des femmes elles-mêmes. Il ne s'agirait pas d'une politique
officielle, mais d'une pratique courante, bien que la loi interdise la
discrimination. Les Arabes israéliens, descendants des Palestiniens
restés sur leur terre à la création d'Israël et citoyens israéliens à
part entière, représentent 17,5 % de la population israélienne, juive
pour les trois quarts. Ils se disent communément Palestiniens.
Face aux accusations de racisme, la femme de Betzalel Smotrich est venue
en renfort. "Pour quelqu'un, qui, comme moi, a grandi ici en Samarie et
qui vit au quotidien la guerre entre nous et les Arabes, ce n'est pas
agréable de me retrouver dans la même chambre que des femmes arabes", a
dit Betzalel Smotrich à la télévision Channel 10. La Samarie désigne
dans l'appellation juive une partie de la Cisjordanie, territoire occupé
par Israël, où environ 400 000 colons israéliens mènent une coexistence
conflictuelle avec 2,5 millions de Palestiniens. La communauté
internationale considère la colonisation comme illégale.
L'épouse de Betzalel Smotrich a aussi signifié qu'elle ne voudrait pas
qu'un médecin arabe l'aide à accoucher parce que "la naissance est un
moment sacré (...) un moment très juif". En l'absence de solution au
conflit israélo-palestinien depuis des décennies et dans une période de
tensions renouvelées, hôpitaux et maternités passent volontiers pour un
rare îlot de coexistence où se côtoient patients et personnel soignant
des deux côtés.
Certains commentateurs ont souligné que la réalité hospitalière était
moins rose, que les animosités ne pouvaient rester aux portes des
urgences et que les membres du personnel soignant devaient composer
avec, à Jérusalem notamment. Les hôpitaux Hadassah de Jérusalem ont dit
être "des symboles de coexistence" dans chacun de leur service et
recevoir tous leurs patients "les bras ouverts". Mais ils ont admis se
montrer "attentifs" aux besoins particuliers des femmes sur le point
d'accoucher.
Les Smotrich ont été ouvertement accusés de racisme. "Honte à vous", a
dit Yoel Hasson, membre de l'Union sioniste, principal groupe
d'opposition. Le chef du Foyer juif, le ministre de l'Éducation Naftali
Bennett, a pris ses distances avec Betzalel Smotrich. "Juifs et Arabes
sont tous des êtres humains, a-t-il dit, le camp nationaliste n'est pas
celui de la haine contre les Arabes." D'autres personnalités de droite
ont condamné les propos de Betzalel Smotrich. Mais il a aussi reçu des
soutiens sur les réseaux sociaux.
Depuis des mois, Israël est en proie à un vif débat sur son identité
juive et démocratique, et sur son éloignement présumé avec les valeurs
de ses pères fondateurs. Le débat est nourri par l'évolution
démographique et sociale du pays et par une parole de plus en plus
libérée de la part de responsables publics, y compris de la part de
membres d'un des gouvernements les plus à droite de l'histoire.
Une enquête du centre de recherche Pew reflétait en mars les "profondes
divisions" de la société : 79 % des Arabes israéliens disaient que les
musulmans souffraient d'une forte discrimination ; près de la moitié des
juifs étaient favorables à l'expulsion d'Israël des Arabes. Ben Caspit,
commentateur réputé s'alarmait dans le quotidien Maariv de l'émergence
des "judéo-nazis". Pour lui, "Smotrich est le juif le plus nazi que nous
ayons vu ici depuis bien longtemps". Betzalel Smotrich avait supprimé
les tweets controversés mercredi.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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