Sous le soleil brûlant de Djibouti, quelque 2.000 réfugiés yéménites
ayant fui la guerre survivent tant bien que mal dans le camp de Markazi.
Mais ils ne s'y voient aucun avenir et résistent de plus en plus
difficilement à la tentation de rentrer chez eux.
Le camp a été établi fin mars 2015, après l'accélération du conflit au
Yémen provoquée par l'intervention militaire d'une coalition arabe
conduite par l'Arabie saoudite, pour lutter contre les rebelles chiites
Houthis. Il est situé à quelques kilomètres d'Obock, à la pointe nord du
golfe de Tadjourah.
C'est dans cette petite ville de pêcheurs que les réfugiés yéménites
avaient commencé à affluer, après avoir traversé sur des boutres les 30
km du détroit de Bab-el-Mandeb ("La porte des lamentations" en arabe).
Dans cet univers de rocaille et de terre brunie, calcinée par le soleil,
le camp de tentes surchauffées n'est guère engageant. Seuls les eaux
proches du golfe adoucissent un peu l'horizon.
Malgré les efforts du Haut commissariat aux réfugiés (HCR) et de
l'Office national djiboutien d'assistance aux réfugiés et sinistrés
(Onars), les conditions de vie à Markazi restent des plus précaires.
"C'est très dur. Il fait chaud, et il n'y a rien à faire, pas de quoi
manger, de quoi boire", témoigne Irsal Ismaël, 36 ans, venue d'Aden il y
a déjà un an.
Elle redoute le khamsin, ce vent de sable chaud qui va accompagner
l'arrivée de l'été dans quelques jours. "On ne va pas pouvoir vivre la
même chose qu'on a déjà vécue l'année dernière", souffle-t-elle.
Djibouti, avec ses 875.00 habitants et sa position géographique
stratégique aux portes de la mer Rouge, est un des rares pays à accepter
d'accueillir des réfugiés yéménites.
Les combats ont obligé 173.000 personnes à quitter le Yémen en un an,
selon le HCR. Djibouti en a reçu 33.000, dont 19.000 étaient des
Yéménites. Markazi en accueille aujourd'hui 2.200.
Ses habitants se plaignent du manque d'eau et de nourriture, des
conditions sanitaires, et dénoncent aussi les intimidations de la police
djiboutienne.
"Je suis venu d'une guerre pour trouver une autre guerre, bien pire", se
désole Hassan Dine, 35 ans, arrivé d'Aden. "Des enfants ont eu
l'hépatite, la malaria, ils sont tombés malades à cause de l'eau."
Rania Dida Ahmed, 24 ans, suivait des études pour devenir avocate. Elle a
dû les abandonner en fuyant son pays. Désespérée, elle ne s'imagine
plus aucun avenir, ni à Djibouti, ni au Yémen.
"Je souffre chaque jour", se lamente-t-elle. "Pas seulement moi, tous
les gens ici. Vous pouvez le voir sur leurs visages. Quelle vie peut-on
avoir dans un désert comme celui-ci."
Les nouvelles qu'elle reçoit de son pays ne sont pas rassurantes. Ses
proches qui sont rentrés "sont contents d'être de retour dans leur
pays", dit-elle. "Mais ils sont surpris d'y avoir trouvé Daech", l'Etat
islamique.
"Ils disent: +Notre pays nous manque. Aden n'est plus comme avant+. Ils
disent que s'ils sortent, ils ne savent pas s'ils reviendront sain et
sauf dans leur famille. Je ne peux pas y retourner, à cause de ma
famille, ma mère. Il n'y a pas de vie là-bas", ajoute-t-elle.
Certains - 600 personnes selon le HCR - ont pourtant commencé à rentrer.
Le flux s'est ainsi inversé. Le camp avait connu un pic d'arrivées -
entre 500 et 800 par semaine - entre fin septembre et mi-octobre.
Ensuite, ce chiffre a décru régulièrement et s'établit à 40 depuis deux
mois.
"Notre message ce n'est pas du tout d'encourager qui que ce soit parmi
les réfugiés yéménites à rentrer chez eux", explique Salim Jafaar, qui
gère le camp pour le HCR. "Néanmoins, ça reste une décision qui leur
appartient".
Hassan Dine est tourmenté par la cruauté du choix qui s'offre à lui.
"Nous ne savons pas où aller, c'est un dilemme. Soit on meurt ici, soit
on meurt là-bas. Il n'y a que la mort. On demande à ce que le monde nous
aide et nous emmène loin d'ici. On veut un endroit où on trouve la
paix".
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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