Exploitation, passeports confisqués, le rapport d'Amnesty
International dénonce la situation des travailleurs au Qatar. Ils sont
plus d'une centaine de travailleurs étrangers, employés pour aider à
construire un des stades du Mondial-2022 de football au Qatar, à
souffrir d'abus flagrants et systématiques, y compris de travail forcé,
affirme l'ONG.
C'est la première fois que l'organisation de défense des droits de
l'Homme basée à Londres, qui critique depuis longtemps les pratiques du
Qatar en matière sociale, porte une telle accusation spécifique
concernant des travailleurs étrangers sur un chantier du Mondial.
Dans un communiqué, le Comité suprême du Qatar chargé de superviser
l'organisation du Mondial-2022 a dénoncé le rapport d'Amnesty, dont les
"affirmations projettent une image trompeuse". L'ONG a indiqué que des
travailleurs au Khalifa International Stadium, qui accueillera les
Championnats du monde d'athlétisme en 2019, avaient été victimes de
travail forcé.
"Une Coupe du monde basée sur l'exploitation"
Les entreprises qui les emploient leur ont menti sur leurs salaires,
d'autres n'ont pas été payés pendant des mois et ont été logés dans des
"camps sordides", a-t-elle ajouté. Sept travailleurs ont été empêchés de
rentrer chez eux pour aider leurs familles après le séisme meurtrier
d'avril 2015 au Népal. "C'est une Coupe du monde basée sur
l'exploitation", a accusé Mustafa Qadri, d'Amnesty. Le rapport de 51
pages est susceptible d'alimenter les critiques internationales contre
le Qatar et de mettre la pression sur la Fifa et sur son nouveau
président Gianni Infantino sur les questions de droits de l'Homme.
Les critiques d'Amnesty s'étendent à des projets d'aménagement paysager
dans la Zone Aspire, complexe sportif mondialement connu à Doha, où les
clubs français PSG et allemand Bayern Munich se sont entraînés cette
année. Amnesty a déclaré avoir enquêté sur une période d'un an jusqu'à
février 2016 et avoir interrogé 234 hommes, principalement du
Bangladesh, d'Inde et du Népal. 228 ont dit que leurs salaires étaient
inférieurs à ce qu'on leur avait promis. Nombre d'entre eux n'ont eu
d'autre choix que d'accepter car ils s'étaient endettés, parfois à
hauteur de 4.300 dollars, pour entrer dans le Golfe.
"Comme une prison"
Les travailleurs du Khalifa Stadium et d'Aspire Zone ont été installés
dans des logements surpeuplés et de mauvaise qualité, a indiqué Amnesty.
Selon le rapport, la plupart de ces travailleurs ont vu leurs
passeports confisqués, en violation de la loi qatarie, et 88 hommes,
incluant les Népalais, "ont été empêchés de quitter le Qatar". Un
ouvrier métallurgiste au stade Khalifa, identifié sous le nom de Deepak,
a déclaré à Amnesty que sa vie au Qatar était "comme une prison" et que
lorsqu'il s'était plaint, son directeur l'avait menacé de possibles
"conséquences".
Amnesty a reconnu que le Comité suprême qatari avait introduit des
protections sociales, mais elle a demandé d'autres réformes, dont des
normes de bien-être pour les travailleurs auxquelles toutes les
entreprises devraient se conformer. Amnesty a aussi appelé le Qatar à
"réformer fondamentalement" le système de parrainage dit de la "kafala",
qui met les travailleurs étrangers à la merci d'employeurs en position
d'empêcher leur départ ou de changer d'emploi. "Les dernières
affirmations d'Amnesty International projettent une image trompeuse et
ne font rien pour contribuer à nos efforts", a déclaré le Comité suprême
du Qatar.
Le gouvernement du Qatar "inquiet"
"L'enquête a été limitée à seulement quatre compagnies sur plus de 40
qui sont engagées sur le stade Khalifa (...) Nous rejetons totalement
toute notion impliquant que le Qatar est inapte pour accueillir la Coupe
du monde", a-t-il ajouté. De son côté, Hassan al-Thawadi, secrétaire
général du Comité Suprême, a admis que des abus pouvaient être commis
mais a souligné que l'engagement des autorités pour des réformes était
"clair et inébranlable". Le gouvernement du Qatar s'est dit lui "inquiet
quant à un certain nombre d'allégations contenues dans le rapport".
"Le ministère du Développement administratif, du Travail et des Affaires
sociales entend mener une enquête" sur des affirmations avancées dans
ce rapport, a indiqué dans un communiqué le bureau de communication
gouvernementale. Amnesty a également accusé la Fifa de "manque d'action
significative". Dans un communiqué, la Fifa a réagi en se disant
"complètement consciente des risques auxquels font face les ouvriers du
bâtiment au Qatar et de l'opportunité qu'a la Fifa, avec d'autres
responsables, d'améliorer les conditions de travail dans ce pays".
Environ 5.100 travailleurs sont employés sur des sites du futur Mondial.
Ils seront 36.000 d'ici 2018.
(31-03-2016)
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