Le poste-frontière qui ouvre les portes de la Libye, à Ras Jedir, a été
fermé ce matin deux heures après qu'un groupe terroriste a pénétré dans
la ville de Ben Guerdane à 33 kilomètres de la frontière. Cette bourgade
tunisienne, point stratégique pour les contrebandiers, a vécu son
second assaut en six jours. Celui de ce matin a été beaucoup plus
sanglant. À 5 h 10, des hommes armés ont commencé à faire feu. Plus de
trois heures durant, les combats se sont déroulés au cœur d'une ville
qui compte quelque 79 000 habitants (environs compris), selon le
recensement effectué en 2014. Le ministère de la Défense a publié un
communiqué faisant état de « dix terroristes tués ». Le bilan des civils
tués dans ce raid nocturne est incertain. Deux agents de la douane ont
été blessés. Les habitants de Ben Guerdane sont sous couvre-feu et priés
de demeurer à la maison. Écoles et collège ont été fermés. Six
sécuritaires sont morts durant les affrontements : deux gardes
nationaux, deux policiers, un militaire et un agent des douanes. Bilan
provisoire.
Questions sur une intrusion spectaculaire
On ne connaît pas l'ADN terroriste du groupe armé qui a frappé en toute
impunité juste avant l'aube. S'agit-il de Daech, d'Ansar al-Charia
(groupe djihadiste puissant) ? Aucune revendication n'a été mise en
ligne sur les réseaux sociaux. Ces terroristes venaient-ils de Libye où
étaient-ils déjà en Tunisie ? Le pays est le plus important pourvoyeur
(hors Syrie) en djihadistes pour l'organisation État islamique avec près
de 6 000 combattants identifiés par les rapports internationaux. Si la
situation dans cette région sensible s'est aggravée, c'est à la suite du
raid mené par les jets américains contre un camp d'entraînement de
Daech le 19 février, qui a fait plus de quarante morts, dont deux otages
serbes enlevés au mois de décembre. Mais cette action ciblée, hors
mandat, a révélé au grand jour que des groupes terroristes
s'entraînaient à Sabratha, à cent kilomètres de la Tunisie. Une part
importante des terroristes tués venait de Tunisie. Le 2 mars, Ben
Guerdane subissait une première attaque à l'aube. Cinq terroristes
furent tués, un colonel blessé. L'inquiétude de certains sécuritaires
n'est pas sur la capacité de nuisance des groupes libyens, mais des
ressources terroristes installées en Tunisie. Un groupe de ce type
peut-il entrer à Ben Guerdane, à plus de 30 kilomètres de la frontière,
sans complicité locale ? L'enquête n'a pas encore démarré. L'île de
Djerba a été fermée. Un coup dur pour l'industrie touristique déjà mise à
terre par les attentats du Bardo, en mars 2015, d'ElKantaoui, en juin
et contre la garde présidentielle au cœur de Tunis en novembre. Le bilan
du terrorisme se chiffre à plusieurs centaines de morts depuis 2011.
Les forces de l'ordre sont les premières victimes de cette guerre sans
nom.
(07-03-2016 - Benoît Delmas)
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