Les difficiles pourparlers de paix sur l'avenir politique de la
Syrie doivent se poursuivre vendredi à Genève, rendus plus compliqués
encore par la proclamation d'une région fédérale kurde dans le nord du
pays.
L'émissaire de l'ONU Staffan de Mistura doit rencontrer séparément les
délégations du régime de Damas et de l'opposition regroupée au sein du
Haut comité des négociations (HCN), et probablement une délégation
baptisée "Groupe de Moscou et du Caire" comprenant des opposants et des
personnalités syriennes soutenues par Moscou.
Sur un ton inhabituellement positif, M. de Mistura s'est félicité jeudi
de discussions "intensives" avec le HCN, qu'il recevait pour la deuxième
fois depuis le début des pourparlers indirects avec le régime de Damas
et l'opposition.
"Nous avons eu des discussions très substantielles sur la transition
politique", a déclaré M. de Mistura, qui s'est dit "impressionné par la
préparation" de l'opposition. "J'espère que j'obtiendrai la même clarté
de la part du gouvernement", a-t-il ajouté.
Une représentante du HCN, Bassma Kodmani, a indiqué pour sa part que
l'opposition avait remis à l'émissaire de l'ONU un "mémo détaillé" sur
le futur organe de transition. "Nous voulons aller vite", a-t-elle dit.
La feuille de route internationale prévoit la constitution d'un organe
de transition dans six mois, la rédaction d'une nouvelle Constitution et
des élections législatives et présidentielle dans 18 mois.
Mais les interprétations sur cet organe de transition (gouvernement
d'union élargi selon Damas, autorité ayant les pleins pouvoirs et
excluant Bashar al-Assad selon l'opposition) constituent
l'un des principaux points de blocage.
Tandis que se poursuit le périlleux exercice diplomatique à Genève
visant à sortir d'un conflit meurtrier (plus de 270.000 morts et la
moitié de la population déplacée en cinq ans), les Kurdes syriens, tenus
à l'écart du processus, ont proclamé jeudi une région fédérale dans le
nord de la Syrie, une mesure interprétée comme un pas de plus vers
l'autonomie.
L'opposition et le régime de Damas se sont d'ailleurs retrouvés pour
unanimement rejeter la proclamation des Kurdes syriens: Damas a mis en
garde contre "toute atteinte à l'unité du territoire et du peuple
syriens", tandis que l'opposition mettait en garde contre "une aventure
sans fondement légal".
Acteurs incontournables de la tentaculaire crise syrienne, les Kurdes,
qui contrôlent désormais 14% de la Syrie et les trois-quarts de la
frontière syro-turque, ne sont pas associés aux pourparlers de Genève,
en raison de l'opposition farouche de la Turquie, qui considère leur
parti, le PYD, comme "terroriste" et craint les répercussions au niveau
de sa propre communauté kurde.
Les Etats-Unis, qui ont prévenu qu'ils ne reconnaîtraient pas la
création de la région autonome et unifiée kurde, ont cependant souligné
que les Kurdes syriens restaient d'"excellents partenaires" dans la
lutte contre le groupe Etat islamique.
En annonçant un système fédéral et l'union de trois "cantons" kurdes
(Afrine, Kobané et Jaziré) et des régions récemment conquises dans le
nord du territoire syrien, les Kurdes adressent un "message politique"
aux négociateurs de Genève, selon Mutlu Civiroglu, un expert basé à
Washington interrogé par l'AFP.
Autre message, celui émis de Moscou par Vladimir Poutine. Le président
russe a prévenu qu'il pouvait redéployer ses avions "en quelques heures"
dans le ciel syrien en cas de violation de la trêve. "Ce n'est pas ce
que nous voulons, une escalade militaire n'est pas dans notre intérêt", a
toutefois ajouté M. Poutine, qui avait créé la surprise lundi en
annonçant le retrait du gros des forces russes de la Syrie.
Sur le terrain, la trêve imposée le 27 février par Moscou et Washington
tient peu ou prou, malgré des violations sporadiques. Ces trois derniers
jours ont été "étonnamment calmes", a d'ailleurs relevé Staffan de
Mistura. Il a cependant déploré des progrès trop "lents" sur le volet
humanitaire, estimant qu'il n'y avait "pas d'excuses" à la
non-distribution de l'aide, et affirmé que la question des détenus et
des personnes kidnappées - qui se comptent en dizaines de milliers -
était une priorité.
Un groupe de travail sous l'égide de l'ONU a soumis jeudi une
proposition à la Syrie pour l'acheminement d'ici à la fin avril d'une
aide humanitaire à plus d'un million de Syriens assiégés.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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