Actions de terrain, campagnes de sensibilisation, lancement d'un
numéro vert: la Tunisie, un des principaux exportateurs de dattes au
monde, est en guerre contre un insecte tueur de palmiers dont la
propagation constituerait une catastrophe économique et
environnementale.
Originaire d'Asie, le charançon rouge a été observé pour la première
fois il y a trois ans dans la banlieue nord de la capitale, après
l'importation de palmiers d'ornement infestés, selon des experts. Le
coléoptère ne mesure que quelques centimètres mais a déjà infecté des
centaines de pieds sur les quelque 30.000 de l'agglomération.
Cet insecte tropical s'attaque au coeur du palmier qui, après
infestation, dépérit irrémédiablement. Lorsque les palmes virent au brun
et s'aplatissent, il est souvent trop tard. Du centre-ville à la
banlieue huppée de La Marsa, au nord-est de Tunis, il suffit de lever
les yeux pour constater les ravages: une enfilade de stipes décapités,
au gré de sa propagation.
Avec plus de 100.000 tonnes de dattes exportées chaque année pour 200
millions d'euros, la grande crainte est de voir l'insecte gagner le sud
et ses 40.000 hectares de palmiers-dattiers.
"C'est un véritable fléau qui s'attaque à plus d'une vingtaine de
variétés", relève Mohamed Habib Dhouibi, un expert choisi par les
autorités pour piloter la riposte scientifique.
Celle-ci consiste, "en premier lieu, à traiter pendant 24 à 48 heures le
palmier avant son élimination, afin d'éviter la dispersion du
charançon", explique M. Dhouibi, en marge d'une action de terrain près
de Tunis.
Une autre action fondamentale consiste en la mise en place d'un cordon sanitaire.
"On a acheté 10.000 pièges à phéromones pour les installer tout autour
(du Grand Tunis). (...) Avec ça on peut arriver à éradiquer le
charançon. Mais il faudra du temps - trois, quatre, cinq ans - et de la
persévérance", prévient l'expert.
Ce plan, approuvé en septembre par le gouvernement, comprend également
la mise en place d'un numéro vert afin de permettre aux habitants de
signaler tout pied suspect.
Son coût total atteint 4,2 millions de dinars (environ deux millions d'euros), selon le ministre de l'Agriculture Saad Seddik.
Défenseur de l'environnement, Boubaker Houman se réjouit qu'on "mette le
paquet depuis quelques semaines". Ce président de l'"Association des
amis du Belvédère", du nom du principal parc de Tunis, déplore toutefois
les dégâts déjà causés et craint de voir disparaître une partie du
"patrimoine végétal" de la ville.
"Si vous vous baladez dans le parc, vous verrez des palmiers centenaires
hauts de 20 à 30 mètres. Comme l'olivier, ils sont un élément
structurant du paysage méditerranéen", fait-il valoir.
Mohamed Habib Dhouibi regrette qu'il ait fallu attendre trois ans pour
prendre des mesures drastiques: "On a d'abord essayé de préserver les
palmiers d'ornement. Ce n'était pas la bonne stratégie. (...) Notre
capital, c'est le palmier-dattier", avance l'expert.
L'industrie phoenicole constitue la deuxième activité agricole du pays
après l'huile d'olive. Ce secteur est vital alors que l'économie souffre
déjà d'une chute des revenus touristiques, du fait des attentats de
2015.
Président de l'association des producteurs de dattes de la région de
Tozeur (au sud-ouest de Tunis), Anis Hassen fait visiter sa propriété
dans la douceur grise de la fin d'hiver. "Tous ceux qui travaillent dans
le domaine parlent du charançon rouge", dit-il à l'AFP.
"On est effrayé, certainement. C'est pour ça qu'on a les yeux tout le
temps grands ouverts", poursuit le quadragénaire, selon qui des séances
de sensibilisation sont organisées sous l'égide du ministère de
l'Agriculture.
"Notre activité fait travailler des dizaines de milliers de personnes.
Je vous laisse imaginer le nombre de familles (...) On espère que les
autorités ont les moyens de lutter avant qu'il ne soit trop tard",
dit-il.
D'ici le printemps, les autorités auront fait "ce qu'elles ont à faire",
assure Saad Seddik. "Nous n'avons pas de crainte pour les
palmiers-dattiers. La zone de production est à 500 km" des zones
infestées, argue le ministre.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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