La justice égyptienne a condamné lundi deux policiers à dix ans de
prison pour avoir torturé à mort Khaled Saïd, jeune blogueur devenu une
icône de la révolte de 2011 qui chassa Hosni Moubarak du pouvoir.
Ce verdict, plus sévère que lors du premier procès —les deux policiers
avaient alors écopé de sept ans de prison—, intervient alors que de
nombreux militants disent craindre un retour de l’ère Moubarak en Egypte
et notamment des abus de la puissante institution policière.
Dans le pays entré dans un engrenage de la violence avec la destitution
au début de l’été du président Mohamed Morsi, le nouveau pouvoir dirigé
de facto par l’armée réprime dans le sang ses partisans islamistes —au
moins 1.400 morts selon Amnesty International— mais disperse également
violemment désormais les manifestations des mouvements progressistes de
la jeunesse, dont sont issues les figures de la révolte de 2011.
Lundi, le juge Ismaïl Attiya a prononcé sa sentence dans une salle
d’audience d’un tribunal d’Alexandrie, la deuxième ville d’Egypte sur la
côte méditerranéenne, en présence des deux accusés, Mahmoud Salah
Mahmoud et Awad Ismaïl Souleimane. Détenus depuis trois ans et vêtus de
la tenue blanche des prisonniers, ils se tenaient debout derrière le box
grillagé des accusés. Leurs familles avaient été évacuées avant le
verdict.
Les avocats de la famille du blogueur de 28 ans, battu à mort en juin
2010, avaient réclamé 15 ans de prison. L’un d’eux, Mahmoud
Abderrahmane, a estimé lundi que ce verdict —le deuxième après une
annulation par la Cour de Cassation— rendait "justice à tous" et
envoyait un signal de "dissuasion, à un appareil assez puissant, celui
de la police". "Ce jugement montre que les responsables d’atteintes aux
droits de l’Homme au sein de la police devront répondre de leurs actes",
a-t-il poursuivi.
L’avocat des deux accusés, Ehab Abdelaziz, a pour sa part affirmé n’être
"pas satisfait du verdict" et indiqué qu’il allait saisir la Cour de
Cassation.
A l’extérieur, les parents des deux policiers dénonçaient un "verdict
injuste", criant à l’adresse des policiers présents : "Vous avez vendu
vos hommes !".
Les deux policiers étaient notamment accusés d’avoir
arrêté sans motif légal Khaled Saïd dans un cybercafé d’Alexandrie avant
de le torturer à mort.
Le décès de Khaled Saïd avait provoqué la colère des militants
pro-démocratie sur Facebook. Une page intitulée "Nous sommes tous Khaled
Saïd" avait été créée sur le réseau social à sa mémoire. C’est sur
cette page qu’avait été lancé l’un des premiers appels à la révolte
contre le régime de Hosni Moubarak, contraint à la démission en février
2011.
Les photos du visage déformé et écrasé de Khaled Saïd avaient fait le
tour du web égyptien et transformé le jeune blogueur en icône de la
"révolution" lancée dans le tumulte du Printemps arabe.
Alors que ses partisans brandissaient ces clichés, la police avait
d’abord affirmé que le jeune homme était décédé après avoir avalé un
sachet de drogue au moment de son arrestation. Mais des experts médicaux
avaient ensuite indiqué dans un rapport que Khaled Saïd était mort par
asphyxie après avoir été battu et qu’un sac avait été placé dans sa
bouche alors qu’il était inconscient.
Les militants avaient estimé que la première condamnation à l’encontre
des deux policiers était trop clémente. Lors de précédentes audiences,
des échauffourées avaient éclaté entre forces de l’ordre et jeunes
manifestants, dont certains ont écopé de peines de prison.
Alors que le pays se dirige vers une élection présidentielle pour
laquelle le chef de l’armée, l’architecte de la destitution de Morsi,
est donné favori, la police fait de nouveau l’objet d’accusations de
mauvais traitements, ce que le ministère de l’Intérieur dément
formellement.
Les policiers font également face à une vague d’attaques sans précédent
dans le pays où des groupes jihadistes s’en prennent
quasi-quotidiennement aux forces de l’ordre qui ont enregistré des
dizaines de pertes dans leurs rangs en sept mois. Lundi, à nouveau, un
policier a été abattu à Beni Soueif, au sud du Caire.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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