Près de 10 000 policiers et gendarmes ont été déployés mercredi à
Ghardaïa pour tenter de rétablir l’ordre dans cette ville du sud de
l’Algérie, toujours secouée par des heurts sporadiques entre jeunes
arabes et berbères.
Depuis le début, la semaine dernière, d’un nouveau cycle
d’affrontements, trois Chaâmbas (Arabes) ont été tués et 200 personnes
blessées, auxquels s’ajoutent des centaines de magasins brûlés dans ce
site inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco.
Entre décembre et février, les heurts avaient déjà fait quatre morts
parmi les Mozabites (une minorité berbère) et plus de 200 blessés.
Mercredi, gendarmes et policiers, au nombre de 10 000 selon un haut
responsable de la sécurité, se déployaient dans les principales artères
de cette cité de 400 000 habitants, dont quelque 300 000 Mozabites, sous
la surveillance d’un hélicoptère.
La cité touristique, située à 600 km au sud d’Alger, célèbre en
particulier pour son marché millénaire de bijoux, tapis et cuirs, offre
depuis quelques jours un spectacle de désolation avec ses boutiques
majoritairement fermées quand elles ne sont pas brûlées et noires de
suie, et ses ruelles jonchées de débris.
Peu de commerces ont rouvert dans les quartiers touchés, et des
commerçants, craignant pour leurs biens, ont profité de la présence
policière pour vider leurs boutiques. Les écoles restaient elles fermées
pour le septième jour consécutif.
De temps à autre, des échauffourées éclatent, surtout dans le quartier
mixte de Hadj Messaoud où sont morts les trois jeunes samedi soir. Les
habitants des deux communautés s’y sont barricadés avec de la ferraille
et de vieux meubles.
Mardi soir, les forces de l’ordre ont fait descendre des terrasses de
maisons abandonnées de jeunes mozabites et arabes en train de se
caillasser. Certains portaient casques et lunettes, d’autres étaient
cagoulés, selon un journaliste de l’AFP sur place.
Aissa, un Mozabite, ne renverra pas sa fille au lycée où elle a été frappée.
"Choquée par ce qui lui est arrivé, ma fille refuse de retourner à
l’école, explique-t-il à l’AFP. "En classe de baccalauréat cette année,
comment peut-elle se concentrer dans ces conditions ?", s’inquiète-t-il.
Dans les familles des trois victimes enterrées lundi, la douleur est
poignante. Le père de l’une d’entre elles réclame justice. "Ce que nous
voulons, c’est la mort du tueur de notre fils", Taleb Ahmed Abdelaziz,
lance l’homme de 70 ans.
La tante renchérit : "La justice veut que l’assassin soit exécuté dans le cadre de la loi".
Le ministre de l’Intérieur Tayeb Belaïz, qui s’est rendu dimanche à
Ghardaïa avec le Premier ministre par intérim Youcef Yousfi, a promis de
retrouver les coupables.
Mais Ali Bekaï, père d’Abelmoumen, "espère que le sang de son fils
éteindra le feu entre frères" de la région. "Nous sommes contre la
+fitna+ (sédition) et le séparatisme et sommes prêts à sacrifier ce que
l’on a de plus cher pour la stabilité de l’Algérie", déclare-t-il.
L’oncle de la troisième victime reste silencieux. En son nom, le
président de la fondation des Chaâmbas, Bouameur Bouhafs, estime que la
communauté arabe n’est que "le bois qui a servi à allumer le feu de la
fitna. Que celui qui l’a allumé l’éteigne", lance-t-il.
M. Bouhafs ne voit "pas de solution" à ce conflit intercommunautaire,
causé notamment par des différends d’ordre foncier, alors qu’Arabes et
Mozabites cohabitent depuis des siècles dans cette ville de la vallée du
Mzab créée au 11e siècle.
Pour l’heure, juge-t-il, "la situation tend au calme". "Nous avons
besoin de calme pour nous asseoir autour de la table du dialogue avec
les Mozabites", ajoute le dirigeant chaâmba qui avait pourtant refusé
dimanche de se réunir avec les Mozabites sous l’égide de M. Yousfi.
Côté Mozabite, le député Bakir Omar Kara aspire à "un avenir calme".
"Tout le monde doit respecter l’ordre républicain et tous les citoyens
sont égaux en droits et devoirs", insiste-t-il.
A l’approche de la présidentielle du 17 avril, les forces de l’ordre
dépêchées sur les lieux risquent de devoir rester sur place.
L’allègement du dispositif il y une dizaine de jours avait été considéré
comme un des facteurs de reprise des hostilités intercommunautaires.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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