Un tribunal égyptien a refusé lundi la libération sous caution de
journalistes d’Al-Jazeera dont trois, notamment l’Australien Peter
Greste, ont passé près de 100 jours en détention pour soutien présumé
aux islamistes dans une affaire qui provoque un tollé international.
Au cours d’une nouvelle audience dans ce procès vu par les défenseurs
des droits de l’Homme comme une illustration du retour d’un pouvoir
autoritaire, les trois journalistes ont pu plaider leur cause hors du
box grillagé des accusés, "un acte sans précédent dans l’histoire des
tribunaux criminels égyptiens", a noté un de leurs avocats.
"Je vous en prie, sortez-nous de prison, nous sommes fatigués. Nous n’en
pouvons plus de la prison", a lancé le directeur du bureau d’Al-Jazeera
English au Caire, l’Egypto-Canadien Mohamed Fadel Fahmy.
Avec sept autres hommes vêtus de la tenue blanche des prisonniers, il
comparaissait une nouvelle fois, accusé d’avoir soutenu les Frères
musulmans, la confrérie du président destitué Mohamed Morsi proclamée
"organisation terroriste" par les autorités.
"Aujourd’hui, notre seul désir est de continuer à nous battre pour laver
nos noms, hors de prison (...). Nous sommes prêts à accepter toutes les
conditions que vous nous imposerez", a renchéri M. Greste, arrêté fin
décembre au Caire en compagnie de M. Fahmy et de l’Egyptien Baher
Mohamed.
Ce dernier a également lancé un appel désespéré à sa libération. "Ma
femme est enceinte et elle vient me visiter en prison avec nos enfants.
C’est extrêmement fatiguant. Je demande ma libération sous caution pour
être à ses côtés".
Au total, 20 personnes sont poursuivies, dont plusieurs par contumace.
Seize
Egyptiens sont accusés d’appartenance à une "organisation terroriste"
et quatre étrangers de leur avoir fourni "argent, équipements et
informations" pour "diffuser de fausses nouvelles" et faire croire à une
"guerre civile".
La demande de liberté sous caution a été refusée et la prochaine audience a été fixée au 10 avril.
"L’idée que je puisse avoir une connexion avec les Frères musulmans est
vraiment grotesque", a insisté M. Greste. "Je voudrais insister sur le
fait que nous ne représentons pas un risque, que ce soit pour l’Etat
égyptien ou pour n’importe quel individu. Nous n’avons pas été accusés
de crime ou de violence. Nous n’avons pas été arrêtés en possession
d’armes".
Mokhless El Salhy, avocat d’Al-Jazeera, a affirmé à l’AFP que ses clients travaillaient "de façon professionnelle et objective".
"Ils couvraient des affrontements entre manifestants et forces de
sécurité, comme toutes les autres télévisions. Ils n’ont rien inventé ni
fabriqué", a-t-il insisté.
"Après trois audiences, il est clair qu’il n’y a aucune charge valable
contre nous. Aucun témoignage ne nous incrimine", a affirmé à l’AFP
M. Fahmy. A l’adresse du tribunal, il a ajouté qu’il était un "libéral"
et qu’il lui arrivait de boire de l’alcool, preuve selon lui qu’il ne
peut appartenir aux Frères musulmans.
Avant le début de l’audience, Mike Greste, frère du journaliste
australien, a assuré que "100 jours de prison avaient dû laisser des
marques" mais que son frère était toujours "fort".
Pour beaucoup, ce procès est un test pour les nouvelles autorités mises
en place par l’armée neuf mois après l’éviction de M. Morsi, premier
président élu démocratiquement en Egypte.
Depuis le coup de force des militaires, au moins 1.400 manifestants
pro-Morsi ont péri dans une répression dont l’Egypte n’a pas apprécié la
couverture par Al-Jazeera. Les autorités ont fermé l’antenne
égyptienne, et depuis Le Caire et Doha sont à couteaux tirés.
M. Morsi est lui-même poursuivi dans quatre affaires, dont une pour
"espionnage". Evoquant ce procès, le ministre de l’Intérieur, Mohammed
Ibrahim, a accusé un rédacteur en chef d’Al-Jazeera, Ibrahim Mohammed
Hilal, d’avoir aidé les Frères musulmans à communiquer à un pays
étranger des informations sur la sûreté de l’Etat et sur l’armée.
Une source au sein d’Al-Jazeera a estimé que "personne" ne prendrait ces
accusations au sérieux et a dénoncé "une nouvelle théorie stupide du
complot".
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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