Les différentes forces militaires en Syrie sont engagées dans une course
de vitesse pour s'emparer d'un maximum de territoires sur le dos du
groupe jihadiste Daesh qui s'est proclamé lui-même État islamique (EI) et s'assurer des prés carrés si un
système fédéral venait à être instauré.
"Les trois parties (régime, Kurdes, rebelles) sont engagées dans une
course dont le but est de prendre la plus grosse part possible du
gâteau, non seulement aux dépens de l'EI mais aussi, indirectement, aux
dépens des autres protagonistes", note Thomas Pierret, spécialiste de la
Syrie, pays en guerre depuis cinq ans.
Dans la province centrale de Homs, les forces du régime de Bashar
al-Assad, appuyées par la Russie, ont chassé l'EI de la ville antique de
Palmyre et de celle d' al-Qaryatayn.
Dans la province septentrionale d'Alep, les factions rebelles et
islamistes, soutenues par la Turquie et l'aviation américaine, ont pris à Daesh une vingtaine de villages, dont Al-Raï, principal point de passage
avec la Turquie utilisé par le groupe jihadiste.
Dans le sud, les jihadistes du Front al-Nosra (branche syrienne
d'Al-Qaïda), associés aux salafistes d'Ahrar al-Cham et à d'autres
rebelles, ont pris trois localités. Et dans le nord-est, l'alliance
arabo-kurde des Forces démocratiques syriennes (FDS) avance vers la
riche province pétrolière de Deir Ezzor que convoite aussi le régime.
Quand le régime "s'empare de Palmyre, il pense à l'avantage que cela lui
conférera au niveau diplomatique dans des négociations (...) avec les
rebelles", souligne M. Pierret.
"Et quand les rebelles avancent le long de la frontière turque, ce n'est
pas seulement pour repousser la menace de l'EI, mais surtout pour
empêcher les Kurdes d'avancer dans la région et pour se recréer une
profondeur stratégique face à ces mêmes Kurdes et au régime",
ajoute-t-il.
"Pour l'heure, le gâteau est assez grand pour que chacun y trouve son
compte. Les prochaines étapes seront plus compliquées: à l'est d'Alep,
il y a des régions qui intéressent à la fois le régime, les Kurdes et
les rebelles", souligne ce maître de conférence à l'Université
d'Edimbourg.
Mais si la part aux mains de Daesh est alléchante -le groupe contrôle
près de 40% du territoire avec du pétrole, du gaz, du coton et une
agriculture florissante-, il est très possible qu'elle pousse régime et
rebelles à s'affronter.
"Je ne crois pas que Russes et Américains pourront éternellement
empêcher leurs alliés de se battre entre eux", note l'expert français du
jihadiste Romain Caillet.
"Dans le cas, peu probable, où tous les ennemis de l'EI resteraient
ligués entre eux, sous la supervision américano-russe, une reprise du
territoire de l'EI aurait pour conséquence un retour de l'organisation à
une activité totalement clandestine", ajoute-t-il.
En fait, pour le moment régime et opposition se disent opposés au
fédéralisme et rejettent la proclamation en mars par les Kurdes d'une
région fédérale dans le Nord.
Mais leurs parrains, Washington et Moscou, à l'initiative d'une trêve
instaurée depuis fin février entre régime et rebelles, n'y sont pas
opposés, selon Fabrice Balanche, chercheur associé au Washington
Institute.
"Les États-Unis et la Russie semblent d'accord pour le
fédéralisme en Syrie", dit-il. "Une façon d'affaiblir Assad est de se
ménager des zones d'influences respectives (...)."
Si les Américains se félicitent que la trêve ait permis aux
protagonistes de se focaliser sur Daesh -qui en est exclu-, la question
de qui sera le premier à Raqa, capitale de facto de Daesh, reste ouverte.
"Qui libérera Raqa le premier n'est pas encore d'actualité. Il y a
beaucoup de combats difficiles", déclare à l'AFP le porte-parole du
Département d'État Mark Toner.
Mais pour un diplomate européen membre de la coalition internationale
anti-EI menée par Washington, il ne faut surtout pas que le régime et la
Russie l'emportent en prenant Raqa.
"Pour nous, un point très important c'est Raqa. Si les Russes et le
régime prennent la ville (...) cela démontrerait, pour être franc,
qu'ils ont gagné la guerre et que l'opposition ne détient qu'une petite
poche dans le nord", dit-il à l'AFP.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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