Un gaz "de couleur miel" qui se répand doucement, blessant et tuant sur
son passage des villageois en fuite : les survivants ont raconté à des
enquêteurs la terreur des attaques au chlore dans le nord de la Syrie.
Les récits terrifiants des attaques au gaz, lancés depuis des
hélicoptères dans des bombes artisanales, proviennent d'un rapport de
l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), obtenu
par l'AFP.
L'OIAC enquête sur les accusations d'attaques au chlore dans le pays, ravagé par plus de trois ans de guerre.
"Dans les jardins, les oiseaux et animaux de compagnie ont péri et sur
les plantes, les feuilles qui se trouvaient du côté du point d'impact de
la bombe ont flétri comme ++des feuilles d'automne++", affirme le
rapport daté de mercredi qui confirme l'usage "systématique" du chlore
comme arme chimique en Syrie.
Les enquêteurs ont interrogé 37 victimes, témoins et personnel médical
des attaques perpétrées en avril dans le nord de la Syrie. Ces
bombardements étaient différents de ceux auxquels les villageois sont
habitués.
"Quand une bombe est lâchée, un son perçant et sifflant se fait entendre
avant que la bombe n'atteigne le sol. Certains ont comparé ce bruit à
celui d'un avion de chasse en plongée, un bruit qui ressemble plus à un
crash à haute vitesse qu'à de lourdes explosions", écrivent les
enquêteurs.
Un nuage de gaz "jaune, de couleur miel" s'élève alors du point d'impact
des bombes, racontent les survivants : "le nuage de gaz s'élève ensuite
à une altitude d'environ 60 à 70 mètres avant de redescendre à
proximité du sol et se laisser doucement pousser par la brise".
En mai, l'équipe de l'OIAC avait été la cible d'une attaque, l'empêchant
d'accéder au site où se serait déroulée l'une de ces attaques, dans le
village de Kafr Zeta.
Ils ont donc rencontré les témoins dans un endroit sécurisé et secret.
La Syrie, qui a livré ses armes chimiques à la communauté internationale
pour que celles-ci soient détruites, n'a pas dû déclarer son stock de
chlore, un produit industriel qui est généralement utilisé pour des
usages commerciaux ou domestiques.
Utilisé comme arme chimique, le chlore peut néanmoins être fatal.
"Un enfant, qui se trouvait proche de l'endroit où la bombe a explosé,
est mort à cause de l'exposition au produit chimique, sans aucune
blessure ressemblant celles résultant d'une bombe conventionnelle",
affirment les enquêteurs.
Le régime du président syrien Bashar al-Assad et les rebelles s'accusent
mutuellement d'utiliser des agents chimiques, dont le chlore, depuis le
début de ce sanglant conflit, en mars 2011.
Lors de l'attaque les 21 et 24 avril sur le village de Tal Minnis, d'une
population de 20 000 personnes, plus de 200 personnes ont été atteintes
par le gaz. "Une femme, une adolescente et un petit garçon de sept ans
sont décédés suite à une exposition à des doses létales", affirme le
rapport.
Après l'attaque du 21 avril, "les villageois sans méfiance ont essayé de
fuir vers leur abris habituel. Le nuage de gaz a pris la même direction
et il y a eu beaucoup de victimes". Une famille s'est abritée dans une
douche tandis que d'autres "ont essayé sans succès de se protéger avec
des masques en papier qui ne sont efficaces que contre la poussière".
Un nourrisson qui dormait a été sauvé "car sa tête était couverte par une couverture destinée à le protéger des insectes".
Dans le village voisin d'Al-Tamana'a, les attaques eurent lieu la nuit.
"Quelques 150 personnes ont été victimes de ces attaques et huit d'entre
elles ont été gravement touchées. Ce sont surtout les femmes et les
enfants qui sont décédés", écrivent les enquêteurs.
L'attaque présumée la plus récente a eu lieu le 28 août dans la ville de
Kafr Zeta, à 30 kilomètres de Hama. "La seule présence des victimes
dans les hôpitaux a fait en sorte qu'une forte odeur similaire à celle
de la javel, de produits nettoyants ou de chlore s'est fait sentir dans
l'ensemble des bâtiments", affirme finalement le rapport.
L'OIAC avait indiqué mercredi qu'elle allait continuer ses enquêtes sur des nouvelles accusations d'attaques en Syrie.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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