Face à l'arsenal déployé par les États-Unis, les djihadistes du groupe
État islamique (EI) vont se replier sur les zones urbaines et mener des
actions de guérilla pour défendre leurs fiefs. Pour éviter d'être la
cible de l'aviation américaine, cette organisation extrémiste, qui a
proclamé un "califat" sur un territoire à cheval sur l'Irak et la Syrie
aussi grand que le Royaume-Uni, va réduire sa mobilité dans les
importantes régions désertiques où ses combattants et matériel sont
facilement repérables. L'EI va "se mettre en position défensive en se
dissimulant dans les zones urbaines d'où il peut combattre" en cas
d'attaque, explique le général britannique à la retraite Ben Barry,
expert militaire à l'Institut international d'études stratégiques
(IISS).
Depuis ses succès en Irak, l'EI contrôle plusieurs villes importantes
notamment Mossoul, Tikrit, Tell Afar dans le nord de l'Irak, Fallouja et
partiellement Ramadi dans l'Ouest. En Syrie, il dirige d'une main de
fer Raqa, son fief dans le Nord, la moitié de Deir Ezzor (Est) et de
nombreuses localités de moindre importance.
Autre raison de se déployer dans les villes : pousser les forces
américaines ou irakiennes à la faute. "Elles infligeront des pertes
parmi les civils en voulant frapper les djihadistes", note le général.
"Et ces derniers utiliseront leurs outils de propagande pour monter les
sunnites contre le gouvernement irakien (dirigé par les chiites, ndlr)
et éroder la légitimité de la coalition internationale", prévoit-il.
Ce mouvement a déjà commencé, selon Ahmed al-Sherifi, un expert irakien
en matière de sécurité. "Daesh (acronyme de l'EI) a commencé à retirer
certains combattants, notamment les étrangers, pour les diriger vers la
Syrie. Ils n'ont gardé que les Irakiens, car ils peuvent aisément se
mêler à la population en cas d'attaque", dit-il. L'expert ajoute qu'à
Mossoul, les djihadistes ont abandonné leurs centres de commandement
installés après la conquête de la ville le 10 juin, pour des maisons
privées dans des quartiers populeux où ils font profil bas.
Même tactique en Syrie après l'annonce du secrétaire américain à la
Défense Chuck Hagel que la campagne aérienne viserait en Syrie "les
sanctuaires" de l'EI. À Deir Ezzor, un militant, Abou Ossama, a constaté
qu'ils avaient vidé le principal dépôt d'armes de la région situé dans
l'ancien siège du gouvernorat, et fermé à Mayadine, plus à l'est, la
quasi-totalité de leurs positions. Même les champs pétroliers ont été
désertés et les familles des combattants étrangers, qui vivaient dans
des bâtiments résidentiels, ont été évacuées. "Ils disparaissent mais
laissent des espions pour les informer", assure-il. Dans la province
d'Alep (Nord), le groupe s'est retiré de ses sièges d'al-Bab, un de ses
principaux fiefs dans cette région.
Pour Thomas Pierret, expert de l'islam en Syrie, "le seul cas où les
bombardements lourds pourraient vraiment faire la différence, c'est sur
les fronts où l'EI concentre des troupes comme à Marea, au nord d'Alep,
tenu par les rebelles". "Si les Américains frappaient, l'EI n'aurait
d'autre choix que de vider les lieux et de laisser avancer les
rebelles", qui luttent à la fois contre l'EI et le régime de Bashar
el-Assad.
Avec 35 000 hommes sur 215 000 km2, l'EI va devoir faire des choix.
"L'EI possède des unités organisées, un commandement capable de diriger
plusieurs opérations simultanément et la capacité d'utiliser des armes
lourdes prises aux armées syrienne et irakienne", relève Christopher
Harmer, un analyste de l'Institut pour l'étude de la guerre, un
think-tank américain. "Comme les frappes américaines vont endommager les
éléments visibles de la structure militaire de l'EI, cette organisation
va revenir à un modèle insurrectionnel en se mêlant à la population
civile, ce qui rendra plus difficile d'atteindre ses combattants",
souligne-t-il.
"L'EI utilisera ses cellules dormantes, les tireurs embusqués, les
voitures piégées ou les assassinats ciblés. Pour le moment, l'engagement
américain ne représente pas une menace conséquente pour l'EI", assure
Christopher Harmer. Richard Barret, spécialiste en contre-terrorisme, va
dans le même sens : "L'EI ne peut pas contrer les raids américains et
il va donc inverser son processus de développement. D'un mouvement
clandestin terroriste, il avait progressé vers un 'État' et il va devoir
redevenir ce qu'il était avant".
(19-09-2014)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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