Incapable de s'opposer aux frappes de la coalition anti-djihadiste,
Damas préfère faire bonne figure en assurant avoir été prévenue à
l'avance, mais espère surtout en tirer profit pour redevenir un
partenaire dans la "lutte contre le terrorisme", selon les experts. "Le
régime était contraint d'accepter la réalité", assure Salman Shaikh,
directeur de l'institut Brooking Doha Center. "Il aurait pu crier,
menacer, taper du pied, mais il a choisi probablement de faire bonne
figure. Je ne pense pas qu'il y a une grande coopération (avec la
coalition), mais c'est l'impression qu'il veut donner", ajoute-t-il.
Le ministère syrien des Affaires étrangères a réagi aux frappes en
affirmant que Damas soutenait "tout effort international pour combattre
le terrorisme", mais que cela devait se faire en "respectant la
souveraineté nationale". Il a également insisté sur le fait que le
ministre des Affaires étrangères Walid Mouallem avait reçu "lundi un
message de son homologue américain John Kerry l'informant que les
États-Unis allaient frapper des bases de Daesh (acronyme en arabe de
l'État islamique) en Syrie". Ce message lui a été transmis par le chef
de la diplomatie irakienne, a précisé le ministère.
Isolé par les pays occidentaux pour sa répression sanglante en mars
2011 contre un mouvement de contestation pacifique qui s'est ensuite
transformé en rébellion armée, Damas pense que la lutte contre les
djihadistes lui offre une opportunité de redevenir un partenaire
acceptable. Car, si les États-Unis sont les maîtres du ciel, Damas
estime qu'au sol son armée est indispensable pour abattre les
djihadistes et que tout se monnaie. "La coalition va être contrainte de
coopérer avec la Syrie, car il n'existe aucune force terrestre capable
de combattre le terrorisme en dehors de l'armée syrienne et de ses
alliés et cette coopération pourrait être le prélude à des négociations
politiques", estime Bassam Abou Abdallah, directeur du Centre d'études
stratégiques à Damas et considéré comme proche du régime. Et c'est
exactement ce que Damas a toujours recherché : donner la priorité à la
lutte contre le "terrorisme", un terme qui signifie dans sa bouche tous
les insurgés qui se dressent contre lui. Cela lui permettrait, croit-il,
de repousser indéfiniment toute discussion sur une réforme du système
autocratique en place depuis un demi-siècle.
Pour Karim Bitar, chercheur à l'Institut de relations internationales et
stratégiques (Iris), "les frappes pourraient indirectement profiter au
régime, du moins à court terme", face à l'Occident qui répète à
l'antienne vouloir s'en débarrasser. "Car, explique-t-il, les groupes
les plus radicaux comme l'État islamique ou le Front al-Nosra devront
parer au plus pressé, c'est-à-dire chercher à échapper aux frappes ou à
en limiter l'impact. Il y aura ainsi moins de pression exercée sur le
régime". En outre, "la coordination indirecte et tacite (via le
gouvernement irakien) qui prévaut risque progressivement d'évoluer vers
une coordination plus ouverte avec les États-Unis, au fur et à mesure
que ceux-ci s'engagent dans une guerre de longue durée avec l'EI. C'est
précisément ce qu'espère Assad."
Sur le terrain, les membres de la rébellion modérée s'inquiètent d'une
telle évolution. "Bien sûr, nous voulons que Daesh quitte Raqa, mais
nous craignons que cela ne serve le régime, car il pourra se redéployer
dans les zones évacuées par Daesh", souligne le militant Abou Youssef,
implanté dans la province de de Raqa, fief de l'EI. L'expert Salman
Shaikh se montre plus circonspect. "Il faut attendre pour voir à qui
vont profiter à long terme les frappes aériennes. Ce qui est clair,
c'est qu'il n'y a pas actuellement du côté de l'opposition des forces
capables d'en tirer avantage et que le régime d'Assad n'a pas les moyens
de s'étendre vers l'est". Selon lui, le régime va chercher à établir
des contacts avec des pays européens et un ou deux pays arabes afin de
leur fournir des renseignements dans le cadre de la lutte anti-EI.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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