Les djihadistes de l'organisation État islamique (EI) assiégeaient
dimanche une ville-clé kurde en Syrie après avoir pris une soixantaine
de villages, poussant à l'exode 100 000 Kurdes syriens en direction de
la frontière turque.
Alors que quelque 100 000 Kurdes syriens sont arrivés en Turquie depuis
vendredi, selon le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR),
des heurts à la frontière ont provoqué dimanche la fermeture de la
majorité des points de passage, des dizaines de réfugiés attendant
encore de franchir les barbelés. Une prise d'Aïn al-Arab (Kobané en
kurde), troisième agglomération kurde de Syrie située à la frontière
turque, est cruciale pour l'EI, car elle lui permettrait de contrôler
une large portion de la frontière syro-turque sans discontinuité et de
renforcer son emprise dans le Nord syrien où il occupe de vastes
régions. Fort de quelque 35 000 hommes recrutés dans plusieurs pays,
notamment occidentaux, ce groupe ultraradical sunnite continue de
s'emparer de régions en Syrie comme en Irak, malgré l'annonce par les
États-Unis de leur intention de le détruire avec l'aide d'une large
coalition internationale.
Selon le chef de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH),
Rami Abdel Rahmane, Kobané est "totalement assiégée" par l'EI, qui a
pris plus de 60 villages dans les environs depuis le lancement de sa
nouvelle offensive mardi pour reprendre la ville. Il "progresse et se
trouve à une dizaine de kilomètres" de Kobané. Les combats font rage
entre les djihadistes, munis d'armes lourdes et de chars, et les
combattants kurdes qui défendent Kobané avec l'aide de leurs frères
d'armes venus de Turquie. Les affrontements ont fait près de 70 morts
dans les deux camps, selon l'ONG qui a affirmé que le sort de 800
habitants "restait inconnu".
Devant l'intensité des violences et les craintes des exactions des
djihadistes, les civils kurdes de la ville et de ses environs
continuaient de fuir vers la Turquie, d'après l'OSDH. Au lendemain de
cohortes de milliers de personnes, dont de nombreux enfants, femmes et
vieillards qui ont trouvé refuge en Turquie, des affrontements ont
éclaté près de la frontière entre les forces de sécurité turques et des
centaines de jeunes Kurdes qui manifestaient en soutien aux réfugiés.
Les gendarmes et la police ont fermé la plupart des points de passage du
secteur, dont un était utilisé par les combattants kurdes se rendant en
Syrie. Deux postes-frontière seulement sont restés ouverts, et le
ministère de l'Intérieur va désormais enregistrer les nouveaux
arrivants.
Le HCR a évoqué l'arrivée possible de "centaines de milliers" de
personnes supplémentaires en Turquie, alors que l'opposition syrienne en
exil a mis en garde contre un "nettoyage ethnique". "Les rues de Kobané
sont quasiment vides et il y a un grand sentiment de peur", a affirmé à
l'AFP au téléphone Mustefa Ebdi, militant syrien kurde qui effectue des
allers-retours entre la frontière et la cité. Des civils, "dont des
personnes âgées et handicapées, ont été exécutés dans les villages, mais
nous n'avons pas de chiffre exact", a-t-il ajouté en pleurant. "L'EI
pille les maisons."
"Il y a des milliers d'hommes armés qui sont préparés à défendre la
ville jusqu'à la dernière goutte de leur sang. Mais que peuvent-ils
faire face aux armes lourdes de l'EI ?" a-t-il demandé. "Nous avons
besoin d'un seul avion américain pour frapper ces barbares. Où est la
coalition anti-EI (menée par les États-Unis) ? Ils doivent sauver le
peuple kurde", a lancé Mustefa Ebdi. Dans sa stratégie anti-djihadistes
annoncée début septembre, le président américain Barack Obama, dont le
pays mène des frappes contre les positions de l'EI en Irak depuis le 8
août, a affirmé qu'il était prêt à faire de même en Syrie, mais aucune
action militaire n'a encore été entreprise dans ce pays. Barack Obama,
qui a exclu des troupes au sol en Irak comme en Syrie, veut entraîner et
mieux équiper les rebelles modérés syriens pour qu'ils puissent faire
face à l'EI, mais cela risque de prendre du temps.
Le secrétaire d'État américain John Kerry et son homologue iranien
Mohammad Javad Zarif, dont les gouvernements n'ont plus de relations
diplomatiques depuis trente-quatre ans, se sont entretenus à New York de
"la menace" que posent les djihadistes du groupe État islamique en Irak
et en Syrie. Pas question pour autant que Téhéran fasse officiellement
et publiquement partie de la coalition internationale anti-EI, notamment
en raison de son appui militaire au régime syrien.
Le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, a
de nouveau exclu toute participation de Berlin à des frappes aériennes
ou à une intervention terrestre en Irak, invoquant une "répartition" des
tâches dans la lutte contre l'organisation de l'État islamique (EI).
Pour le roi de Jordanie, Abdallah II, les États-Unis et d'autres pays
auraient dû intervenir en Syrie plus tôt pour empêcher la progression de
l'EI. Désormais le groupe djihadiste a accès à des ressources
pétrolières qui le rendront plus difficile à vaincre, a-t-il expliqué.
Le pape François a fustigé l'utilisation de Dieu comme "bouclier" par
les mouvements fondamentalistes religieux, affirmant qu'on ne peut tuer
au nom de la foi.
En Irak, les forces pro-gouvernementales ont lancé dimanche une
opération pour repousser des insurgés sunnites qui assiègent depuis plus
d'une semaine une base de l'armée près de la ville de Fallujah, dans
l'ouest du pays. Selon le porte-parole de l'armée, Qassem Atta, cette
opération est appuyée par l'aviation américaine. Le commandement
américain chargé du Moyen-Orient et de l'Asie centrale (Centcom) a pour
sa part indiqué que deux frappes aériennes avaient été menées dimanche
près de Sinjar, dans le Nord.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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