Les djihadistes de l'État islamique (EI) ont fait leur première victime
française. Hervé Pierre Gourdel, un Niçois de 55 ans, a été décapité par
ses geôliers, selon une vidéo intitulée "Message de sang pour le
gouvernement français" et qui n'a pas encore été authentifiée par le
Quai d'Orsay. Le Français a été exécuté par les "soldats du califat", un
groupe islamiste algérien ayant fait allégeance à l'EI il y a à peine
une semaine. Guide de haute montagne d'expérience, Hervé Gourdel était
arrivé en Algérie samedi dernier.
Dans une interview à L'Express, sa mère a affirmé qu'il devait
effectuer un trekking d'une dizaine de jours dans le massif montagneux
du Djurdjura. "Nous avons pu le joindre au téléphone hier (dimanche)
après-midi, a expliqué lundi sa mère au site de l'hebdomadaire. "Tout
allait bien. Il nous a dit qu'il entamait une randonnée de deux jours et
qu'il serait peut-être difficilement joignable. Ensuite, il comptait
ouvrir une nouvelle voie dans le massif."
Sur son site internet professionnel, Hervé Gourdel déclarait avoir
découvert la montagne dans le Mercantour. "Dès lors, je n'ai eu qu'une
envie, y revenir le plus souvent possible !" écrivait-il. Guide de haute
montagne depuis 1987, il est décrit par Éric Ciotti, député des
Alpes-Maritimes, comme un "homme unanimement apprécié tant pour ses
compétences que pour ses qualités humaines", rapporte l'Agence
France-Presse. À l'origine d'un bureau de guides de montagne d'été créé
aux portes du parc national, Hervé Gourdel assumait pleinement son choix
de carrière.
"Le diplôme de guide m'a permis de gagner ma vie loin des bureaux en
grimpant, en skiant, en parcourant des cours d'eau, en parlant de la
montagne..., en transmettant un enthousiasme et des connaissances !"
écrivait-il sur son site internet. Outre les voyages, Hervé Gourdel
cultivait également une passion pour la photographie. "C'est dans
l'Atlas marocain que j'ai commencé à évoluer, explique-t-il. J'ai eu
envie de ramener des images des gens qui y vivent." Pendant vingt ans,
le guide niçois a organisé des stages pour former des accompagnateurs en
montagne et ainsi transmettre sa passion.
Ironie du sort, c'est dans la même chaîne de montagnes de l'Atlas, du
côté algérien cette fois, que le guide de haute montagne a été enlevé
dimanche en compagnie de ses accompagnateurs algériens. En Algérie,
cette splendide région montagneuse est devenue depuis 1992 le sanctuaire
des groupes islamistes engagés dans la lutte contre le gouvernement
algérien. Cachés dans les montagnes de l'Atlas algérien, où ils ont
creusé de nombreuses grottes et de multiples tunnels pendant la décennie
noire du terrorisme (1992-2002), les djihadistes continuent à infliger
de sévères pertes à l'armée algérienne, qui éprouve les plus grandes
peines à les en déloger.
Dans la vidéo diffusée lundi soir, Hervé Gourdel était entouré de deux
hommes armés encagoulés. L'otage affirmait être retenu par le groupe
armé Jund-Al-Khilafah (les soldats du califat). Née pendant la guerre
civile algérienne, cette faction d'une centaine d'hommes, née sous
l'appellation "brigades de Thénia", a tout d'abord servi sous les ordres
du Groupe islamique armé (GIA), connu en France pour son implication
dans la vague d'attentats de 1995 dans le RER parisien. À sa tête,
Abdelmalek Gouri, un vétéran du djihad en Afghanistan, surnommé Khaled
Abou Slimane. Ce djihadiste algérien a participé en 2006 à la création
d'al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), dont il est devenu l'un des 12
"émirs" locaux.
Mais, en juillet 2014, il sent le vent djihadiste tourner en faveur de
l'organisation État islamique, qui vient de proclamer un "califat" à
cheval sur la Syrie et l'Irak. Il prend alors ses distances avec Aqmi et
prête allégeance, le 16 septembre dernier, au chef de l'EI, Abou Bakr
al-Baghdadi, devenu calife autoproclamé. "Si tu disposes de plusieurs
armées en Irak et d'une armée en Syrie, considère que tu disposes en
Algérie de lances que tu peux tirer dans n'importe quelle direction",
lui écrit Khaled Abou Slimane.
L'appel de l'EI à la vengeance contre "les méchants et sales Français",
en réponse aux bombardements de leurs positions en Irak, arrive à point
nommé pour les "soldats du califat". Ceux-ci ne tardent pas à appliquer
les ordres de la maison mère et reproduire ses méthodes radicales.
Illustration macabre de cette motivation, les ravisseurs ont relâché la
totalité des randonneurs algériens qu'ils avaient kidnappés. Pas le
Français. Après les deux journalistes américains James Foley et Steven
Sotloff, décapités en août, puis le travailleur humanitaire David
Haines, exécuté le 13 septembre, Hervé Gourdel est le quatrième otage
occidental abattu par l'organisation État islamique.
Mais à la différence des trois ressortissants anglo-saxons, Hervé
Gourdel a été tué à des milliers de kilomètres du territoire contrôlé
par l'EI en Syrie et en Irak. Preuve qu'il ne se doutait nullement du
danger qui le guettait, le guide français ironisait sur Facebook, peu
avant son départ, à un ami qui lui demandait s'ils pouvaient bientôt
déjeuner ensemble : "Quand je rentre d'Algérie, après le premier
octobre, si je rentre !"
(24-09-2014 - Armin Arefi)
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