Dès le début de l’agression, les sionistes avaient
déclaré que des Etats régionaux les appuyaient, comme ce fut le cas en
2006, lors de l’agression sioniste contre la résistance du Hezbollah au
Liban, et même plus. Ces Etats ont espéré, une fois encore, que l’esprit
même de la résistance soit éradiqué du champ politique arabe, et
notamment palestinien, et que la bande de Gaza soit finalement soumise
au diktat sioniste et américain, avec la bénédiction européenne et
internationale. Mais, pour ces Etats, la résistance palestinienne ne
représente qu’une partie de l’ennemi à abattre, l’autre partie étant
l’Iran et le Hezbollah, deux acteurs refusant toujours de reconnaître la
légalité de la présence coloniale sioniste en Palestine, malgré toutes
les pressions, internes, régionales et mondiales exercées sur eux,
notamment depuis 2006. Ces deux acteurs ont réussi, avec la Syrie
d’avant 2011, à aider la résistance militaire palestinienne en armant et
en formant les combattants à l’utilisation de différents armements dans
les bases en Iran et en Syrie, et en assurant leur acheminement vers la
Palestine. Ce rôle assumé par ces acteurs régionaux fut une des causes
de la guerre mondiale déclarée contre eux, masquée par « le nucléaire
iranien », « le croissant shi’ite », « le régime corrompu » etc…
Les révoltes arabes, suivies par la montée au pouvoir
des Frères Musulmans dans plus d’un pays, ont profondément modifié la
situation, malgré leur échec : coup d’Etat « populaire » en Egypte,
retrait du gouvernement en Tunisie, guerre civile et internationale en
Lybie et au Yémen. Soutenus par le Qatar et la Turquie, les nouveaux
pouvoirs, quand ils furent plus ou moins stabilisés, ont plié sous les
pressions américaines et européennes et craint d’affronter l’entité
sioniste : l’Egypte de Morsi a maintenu les accords de Camp David et
tous les accords néfastes à la souveraineté du pays, comme les accords
conclus sous Moubarak relatifs aux « Zones Industrielles » communes avec
l’entité sioniste, pendant que les Frères Musulmans de Tunisie
tergiversaient quant à la criminalisation de la normalisation avec
l’occupant, pourtant incluse dans leur programme et réclamée par de
larges couches de la population tunisienne. Faut-il expliquer ces
attitudes par le rapport de forces sur la scène internationale (thèse
développée par le penseur arabe Mounir Shafiq qui considère qu’une
révolution ne peut réussir que lorsqu’elle parvient à profiter d’un
déséquilibre dans le rapport de forces international), ou par la nature
du pouvoir et de l’idéologie des groupes issus des révoltes arabes ?
Quoiqu’il en soit, malgré l’adhésion des Frères Musulmans à l’idée de la
libération de la Palestine, leur pratique fut très en-deçà de ce qui
était attendu de pouvoirs se réclamant des peuples. Le rôle joué par la
Turquie, qui a des relations développées avec l’entité sioniste et
l’OTAN (malgré quelques changements survenus depuis quelques années) et
par le Qatar (qui a normalisé ses relations avec l’occupant sous
diverses formes et qui abrite une base militaire américaine), qui
soutiennent et ont soutenu le pouvoir des Frères Musulmans, ne contribue
certainement pas à faire le saut nécessaire pour se rallier au camp de
la résistance.
Car ouvrir à Hamas les portes des Etats-Unis et des pays
européens en contrepartie de l’abandon de son objectif stratégique
n’est pas soutenir la résistance, ou bien agiter une proposition
d’accord pour un cessez-le-feu sous la garantie américaine et européenne
(d’ailleurs immédiatement rejeté par Mohammad Dayf, dirigeant des
Brigades d’al-Qassam) pour contrer toute garantie de l’Egypte de Sissi,
signifie tout simplement creuser les alignements déjà présents entre
deux axes : l’Arabie Saoudite, les Emirats et l’Egypte, d’une part et le
Qatar et la Turquie d’autre part, pour ne citer que les principaux
acteurs. Si l’un des axes a été franchement hostile à la résistance,
l’autre axe a soutenu une partie de la résistance dans le but de la
faire plier vers un règlement « juste » parrainé par les Etats-Unis et
l’Union européenne. Ces alignements ont certainement nui à la résistance
palestinienne dans son ensemble et sont loin de lui assurer une
couverture arabo-islamique, nécessaire pour toute victoire aussi bien
politique que militaire.
Il est certainement vrai que le pouvoir égyptien actuel
n’est pas l’allié de la résistance, mais il reste un acteur clé
nécessaire à la Palestine, sur les plans stratégique et géographique,
tout comme l’est le pouvoir jordanien, qui affiche d’ailleurs une
hostilité encore plus grande à toute idée de résistance : des formations
palestiniennes y sont interdites même de passage, comme c’est le cas
pour tout membre du Mouvement du Jihad islamique (Parmi les dirigeants
des formations palestiniennes, seul Abu ‘Imad Rifaï a été interdit, par
deux fois, de se rendre en Jordanie pour assister à une réunion dans le
cadre de la reconstruction de l’OLP).
La Palestine est-elle la boussole des formations
politiques arabo-musulmanes ? Il peut être injuste de poser la question,
mais les pratiques des uns et des autres soulèvent de nombreuses
questions. Si les partis nationalistes arabes n’ont jamais nié leur
adhésion à la volonté de libérer la Palestine, toute entière, « du
fleuve à la mer », seuls certains d’entre eux ont poursuivi dans la
pratique leur militantisme en sa faveur.
Mais pour certains mouvements et partis islamistes,
l’intérêt pour la Palestine ne s’est manifesté qu’avec la naissance du
Hamas ou même la victoire du Hamas aux élections législatives de
l’Autorité palestinienne en 2006, y compris au sein de certaines
formations des Frères Musulmans, considérant que le Hamas est leur
branche en Palestine. Selon cette vision, le conflit avec l’entité
sioniste serait comparable, plus ou moins, avec tout conflit existant
contre un régime arabe, quel qu’il soit. La Palestine occupée et
arrachée à la nation, ne serait pas la boussole de leur lutte, puisque
l’entité coloniale est jugée de la même manière que les régimes
répressifs et non comme une entité coloniale de peuplement qu’il
faudrait extirper de la région, ce qui d’ailleurs fait croire à certains
que les récentes agressions sionistes sont uniquement dirigées contre
le Hamas, et que le conflit entre ce dernier et l’Autorité palestinienne
dirigée par Mahmoud Abbas serait de même nature.
D’où l’importance de la position de la république
islamique d’Iran, depuis que son fondateur et regretté père spirituel,
l’Imam Khomeyni, a déclaré la Palestine et al-Quds la boussole des
peuples musulmans, ce qui signifie que les conflits entre les musulmans
peuvent être réglés par des accords et des ententes, mais non pas celui
qui existe entre les peuples musulmans et l’entité sioniste. Cette
attitude est non seulement « religieuse » dans le sens étroit du terme
(lutte contre « al-istikbar »), mais civilisationnelle, historique,
géographique et géostratégique. L’entité sioniste est le « mal absolu »
et les Etats-Unis, « le grand Satan ». Au-delà des slogans qui font rire
certains, l’imam Khomeyni a tracé la position de la nation contre
l’ennemi sioniste et son protecteur, l’impérialisme américain. Ni les
Etats-Unis, ni l’Europe, ni l’ONU ne peuvent aider à « régler le
conflit », au contraire. Concernant la Palestine, l’Iran ne négocie pas
et refuse de le faire dans le cadre des négociations sur le nucléaire,
ce qui a fait dire à certains que l’Iran ne se préoccupe pas de la
Palestine, souhaitant le voir participer au règlement du conflit, en
tant que puissance régionale(!).
Parce que la libération de la Palestine est le devoir de
tous les peuples arabo-musulmans, et que leur unité est nécessaire pour
ce but, ils doivent rejeter toutes les tentatives impérialo-sionistes
de leur désigner comme ennemis des acteurs régionaux connus pour leur
antisionisme profond et radical et qui ont fait leur preuve en
combattant les sionistes, en remportant des victoires contre eux et en
soutenant la résistance palestinienne jusqu’à présent, dans les actes et
non dans les discours, et qui refusent de normaliser toute relation
avec l’ennemi. Comme ils doivent par contre se tourner contre toutes les
tentatives de normalisation des relations avec l’occupant sioniste,
dans les domaines les plus divers, normalisation qui menace déjà le
tissu social et politique de nombreuses sociétés, par le biais des
relations entretenues avec des structures européennes ou américaines.
La mobilisation populaire arabo-musulmane pour la
libération de la Palestine exige de nombreux sacrifices comme elle
réclame un approfondissement de la réflexion et de l’étude, pour essayer
de comprendre justement comment le sionisme et ses alliés
impérialistes, Etats-Unis, Union européenne et autres, tentent non
seulement de nous diviser et de créer des entités territoriales servant
leurs intérêts, mais nous empêchent de concevoir la Palestine faisant
partie de notre nation arabo-musulmane, toute la Palestine, du fleuve
Al-Urdun à la Mediterranée, et qu’il est de notre devoir de la libérer.
Fadwa Nassar
21 septembre 2014
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