Les
politiciens et porte-paroles israéliens ressemblent à des
coqs qui se prennent pour des paons quand ils se vantent
de « l’armée la plus morale du monde, » de « ses
frappes chirurgicales », de leur merveilleux « Dôme
de fer »
(payé par les États-Unis), et de leur statut de « seule
démocratie du Moyen-Orient ». De leur piédestal, ils
crachent leur mépris pour « la culture palestinienne de
mort et de haine » et prétendent que « les
Palestiniens utilisent leurs enfants comme boucliers
humains ». Le lendemain du jour où ISIS a choqué le
monde avec sa vidéo montrant la décapitation de sang-froid
du journaliste américain James Foley, le Premier ministre
Benjamin Nethanyahu a associé le Hamas au ISIS – accusant
le Hamas d’être « les ennemis de la paix ; ce sont les
ennemis de tous les pays civilisés et je crois qu’ils
sont les ennemis des Palestiniens eux-mêmes. »
Des perroquets internationaux
Les perroquets internationaux sont impressionnés par la propagande rutilante, haute en couleur, d’Israël. Les dirigeants occidentaux, consciencieusement, répètent comme des perroquets tout ce que dit le coq israélien. « Le Hamas a violé unilatéralement et grossièrement le cessez-le-feu humanitaire, » entonnent John Kerry et Ban Ki-moon, qualifiant de « scandaleux » et de « barbare » l’enlèvement présumé d’un soldat israélien qui s’en allait tuer à Gaza. Aucun mot équivalent n’a été prononcé pour qualifier la mort de plus d’une centaine de Palestiniens chaque jour, durant les 50 jours d’agression d’Israël. Mais les mots de Kerry n’étaient pas suffisants pour satisfaire Netanyahu, lequel a prévenu le secrétaire d’État, « N’anticipez plus jamais sur ce que je dois faire avec le Hamas ! ».
Il
n’y a pas qu’en temps de guerre que se manifestent
l’arrogance et les droits des politiciens israéliens : on
les retrouve quand ils tentent de faire taire les
critiques avec leur accusation d’antisémitisme, quand ils
censurent l’idée d’occupation, quand ils monopolisent la
souffrance humaine à travers l’industrialisation de
l’Holocauste, et quand ils brouillent la réalité de
profondes inégalités avec le mensonge des « négociations
de paix » truquées.
Pour
admirer ainsi l’exhibitionnisme israélien, il y a eu le
Président français François Hollande qui déclarait au
Premier ministre israélien, en novembre dernier, qu’il
voulait entonner un chant d’amour pour Israël et ses
dirigeants ; la diplomatie français s’est réduite à cette
déclaration de Hollande : « On ne pourra voir que la
vie en rose ! » en Israël !
Au
début de la guerre actuelle contre la bande de Gaza, le
ministre de l’Intérieur de la France, Bernard Cazeneuve, a
dénoncé la manifestation de solidarité avec les
Palestiniens qui a eu lieu à Sarcelles, en banlieue nord
de Paris, comme « un acte intolérable d’antisémitisme »
après que le rassemblement eut dégénéré en violences. Il a
poursuivi en décrivant l’interdiction de manifester par le
gouvernement comme une « position d'éthique ». Le
gouvernement allemand, sous la chancelière Angela Merkel,
a de la même manière invectivé les manifestations contre
les crimes israéliens dans Gaza, déclarant « ces
débordements et déclarations sont une atteinte à la
liberté et à la tolérance et une tentative de
déstabilisation de notre ordre démocratique libre ».
Tous
ces perroquets internationaux affirment qu’Israël a « le
droit de se défendre », comme si c’était la bande de
Gaza qui occupait et assiégeait Israël, et non l’inverse.
Le
fascisme n’est pas que de la rhétorique
Un nombre croissant d’Israéliens ont rivalisé avec leurs dirigeants politiques, dans une vantardise et une incitation à la violence qui ont atteint des niveaux sans précédent :
David
D. Ovadia, tireur d’élite des Forces « de défense »
d’Israël, se vante d’avoir tué 13 enfants palestiniens en
un seul jour, et il promet d’en tuer davantage. Lors de
manifestations pour la guerre, des Israéliens ont adopté
un nouveau chant raciste malfaisant, se moquant de la mort
des enfants : « Demain
il n’y pas d’école à Gaza, ils n’y ont pas laissé le
moindre enfant ». Les Israéliens portent des t-shirt
sur lesquels est dessinée une femme enceinte voilée dont
le ventre est dans le collimateur d’un tireur d’élite,
avec la légende, « Une balle, deux tués ».
Le
rabbin Dov Lior, de la colonie illégale Kiryat Arba,
publie une déclaration approuvant le meurtre d’enfants et
des autres civils : « Lors d’une guerre, nous sommes
autorisés à punir la population ennemie par toute
punition que nous estimons méritée, comme refuser
l’approvisionnement ou l’électricité, et aussi bombarder
une région entière. »
Dans
un envoi sur Internet, la députée de la Knesset, Ayelet
Shaked, a appelé au massacre des mères palestiniennes qui
donnent naissance à des « petits serpents »
et à la démolition de leurs maisons. « Elles doivent
mourir et leurs maisons doivent être détruites de telle
sorte qu’elles ne puissent plus abriter de terroristes, »
a dit Shaked, ajoutant, « Toutes sont nos ennemies et
leur sang devrait être sur nos mains. Cela s’applique
également aux mères des terroristes morts, qui les ont
envoyés en enfer avec des fleurs et des baisers. Elles
devraient disparaître, comme le devraient les maisons
dans lesquelles elles ont élevé les serpents. Sinon,
davantage de serpents y seront élevés. »
Dans
l’émission « Hakol Deburim », sur la radio israélienne, le
professeur Mordechai Kedar, de l’université Bar-Ilan, a
soutenu que « la seule chose qui peut faire reculer un
kamikaze, c’est de savoir que s’il appuie sur la détente
ou s’il se fait sauter, sa sœur sera violée ».
Yochanan
Gordon a posté une rubrique sur le site du Times of
Israel, intitulée, « Quand le génocide est
admissible ». Il y articule la différence dans la
façon palestinienne et israélienne de considérer la vie,
et il demande, « Quel autre moyen y a-t-il de faire
face à des ennemis de ce genre, autre que de les rayer
de la carte ? ».
Ces
déclarations ne sont pas qu’une simple rhétorique ; elles
sont cohérentes avec les pratiques des forces d’occupation
israéliennes, spécialement durant la récente guerre contre
Gaza.
De
courte durée mais longtemps dans les mémoires
Nous, Palestiniens, nous sommes pareils à des coquelicots rouges avec leur vie brève et fragile. Nous reconnaissons que la vie d’une personne libre est beaucoup plus courte que celle d’un esclave. La « communauté internationale » n’a pas été impressionnée par notre beauté cependant, et elle a négligé de nous flatter. Au contraire, on nous dit souvent que notre aspiration à la libération est absurde et ne peut s’épanouir. Néanmoins, nous avons foi en notre capacité collective à embellir le versant dénudé de la montagne et à inspirer un printemps révolutionnaire chez les opprimés de la terre.
Le
monde pourrait appeler cela du romantisme, mais c’est une
erreur. Les Palestiniens recherchent la justice de façon
réaliste, conscients des risques encourus et des
sacrifices exigés. Nous nous rendons compte que nos vies
sont irremplaçables et que les erreurs passées ne peuvent
être corrigées d’une telle façon que tout revienne à la
normale, comme si rien ne s’était passé. La population de
Gaza vise à répondre à ses besoins humains de base, à
lever le siège, à étendre la zone de pêche, à vivre, à
cultiver, à voyager à l’étranger, à accéder à l’éducation
et aux soins, sans s’exposer à l’oppression et à
l’humiliation. Pour le droit de vivre dans la dignité, la
population de Gaza est prête à risquer la mort. Est-ce si
étrange que, pour certains, la mort elle-même est plus
acceptable que l’oppression et l’humiliation ? Est-ce si
difficile d’imaginer que, pour certains, perdre son sang
au service d’une recherche de dignité est plus important
que la vie elle-même ? Dans leur désir ardent de
libération, les Palestiniens sont prêts à faire de
nombreux sacrifices, en harmonie avec leur foi en une vie
de justice et de paix après la mort.
En
Palestine, aujourd’hui, il y a du chagrin mais pas de
désespoir, de la déception mais pas d’amertume devant un
monde dont l’ignorance et l’engourdissement moral ont
permis que tant de cruauté nous adviennent. Nous nous
rendons compte que les portes de la liberté sont souvent
ouvertes par des mains blessées. Nous avons vu que la
résistance non violente, comme la violente, est confrontée
à la violence israélienne, faisant de l’une et l’autre des
tactiques tout aussi coûteuses en vies humaines. Nous
avons appris que quelle que soit la route que nous
prenions vers la libération, la brutalité de l’occupation
ne nous sera pas épargnée. Les Palestiniens n’adhèrent pas
au principe du « œil pour œil »,
mais à celui du « pour l’amour des roses, nous portons
les épines ».
La résistance ne recherche pas la vengeance, même avec les
destructions et les victimes qu’Israël nous a infligées.
L’armée israélienne a tué et blessé des milliers de nos
femmes et de nos enfants ; notre résistance a tué quelques
dizaines de ses soldats envahisseurs, afin de les
repousser et de gagner la liberté.
J’ai
écouté des centaines de personnes interrogées alors
qu’elles comprenaient l’immense destruction de la guerre
qui dévastait leur vie. En tant que psychiatre, j’ai
dispensé des traitements aux Gazaouis blessés admis dans
les hôpitaux de Jérusalem et de Cisjordanie. Leur réaction
la plus fréquente était « Hasbya Allaha wa ni’mal Wakeel : Allah
nous suffit et Il est notre meilleur protecteur ».
Trahis par la « communauté internationale », ces gens ont
placé leur confiance dans une force qu’ils croient
supérieure à celles d’Israël, des Nations-Unies et du
gouvernement des États-Unis. Leur foi profonde est plus
forte que les missiles « intelligents » israéliens
et que les techniques des psychiatres professionnels.
C’est l’un des secrets de la courte vie et des longs
souvenirs des superbes coquelicots rouges.
Les
Palestiniens autrefois étaient de paisibles agriculteurs,
jusqu’à ce qu’ils aient été déplacés et transformés en
réfugiés. Quand ils sont rassemblés en manifestations
pacifiques, comme pour la Journée de la Terre, les
Israéliens tirent sur eux comme sur des oiseaux à la
chasse. Quand les Palestiniens ont lancé des pierres
durant la première Intifada, Yitzak Rabin a institué la
règle de la fracture des os. Quand certains se sont fait
sauter avec leurs ennemis, ensemble, pour protester contre
la brutalité excessive d’Israël, Israël a utilisé le
prétexte pour ériger un mur. Quand les Palestiniens ont
tenu des élections libres et justes pour choisir leurs
dirigeants, Israël et les USA ont transformé Gaza en un
ghetto et une « Île de méprisés ». Alors, les
Palestiniens ont commencé à fabriquer des roquettes et à
creuser des tunnels en réponse au siège (la résistance
dans le Ghetto de Varsovie avait elle aussi des
tunnels !).
L’agression
et les destructions israéliennes sont destinées à enterrer
vivants nos espoirs et aspirations, et à nous contraindre
à accepter le statu quo. Il est plus facile de rester
opprimé que d’aspirer à la libération. Mais quand toutes
les tentatives diplomatiques ont échoué pour garantir les
éléments de base de la vie, les gens ont recours à
l’innovation pour se libérer. Quand la non-violence et les
démarches politiques ne donnent rien, la résistance
s’intensifie. Malgré toutes les tentatives d’Israël
voulant nous imposer une défaite, nous, Palestiniens, nous
ne capitulerons pas. Nous ne renoncerons jamais à notre
résistance à nos oppresseurs. Les Palestiniens ne sont pas
un peuple mort ; nous aussi, nous avons un « droit » à
nous défendre devant la déshumanisation et l’agression
implacables d’Israël. Comme son sens arabe l’indique, Gaza
restera une arête dans la gorge de l’occupation jusqu’à ce
qu’une Palestine, indépendante et libérée, soit
ressuscitée.
Un
prétexte pour la guerre
Les coqs sont avides de combattre et n’ont aucune pitié, crédibilité ni honte. Presque chaque famille israélienne a un membre à avoir été activement impliqué dans le meurtre de nos enfants. Au lieu d’assumer la responsabilité de la mort et des cruautés qu’ils nous ont infligées, les Israéliens « éclairés » veulent que nous écoutions leur « peur du terrorisme palestinien ». Ils justifient et cautionnent le meurtre massif de notre peuple.
Mais
cette guerre ne peut être vue comme un évènement isolé.
Les roquettes et les tunnels de Gaza ne sont que le
dernier prétexte, sachant qu’Israël s’est créé et a
survécu tout au long avec des crimes de guerre. Il a
détruit nos villages et commis des massacres atroces
pendant plus de six décennies, bien avant que naissent nos
groupes de résistance.
Les
dirigeants d’Israël ont commis des crimes contre les
Palestiniens et le Mandat britannique, incluant des
attentats, des enlèvements, des tortures de prisonniers,
des braquages de banques, et des assassinats. L’assassinat
de Lord Moyne, ministre résident britannique en 1944, du
médiateur des Nations-Unies, le comte Folke Bernadotte, le
17 septembre 1948, le massacre de l’hôtel du Roi David le
22 juillet 1946, celui du Sémiramis le 5 janvier,
l’enlèvement et la pendaison de deux sergents britanniques
le 12 juillet 1947, ne sont que quelques-unes des
atrocités perpétrées par la haute direction d’Israël,
notamment David Ben-Gourion, Menachem Begin, Yitzhak
Shamir, et Ariel Sharon. Je ne vais pas citer ici les
massacres innombrables de Palestiniens, ces évènements
étant trop vifs dans nos esprits.
Tenir
au milieu de la tragédie
Le
combat de la résistance palestinienne pour lever le siège
d’Israël n’est pas seulement une histoire de douleur et
d’angoisse, malgré la destruction et les pertes
effroyables, et malgré le silence complaisant et la
perfidie du monde. C’est aussi une épopée, une saga, un
récit d’actes courageux de figures héroïques et
légendaires qui sont en vérité simplement des gens
ordinaires : des personnels médicaux et de la défense
civile qui ont travaillé sans relâche, des journalistes
qui ont pris de gros risques, des familles qui ont pris
des indigents et des gens ayant tout perdu pour qu’ils
partagent avec elles leurs maisons et leurs ressources
limitées.
Les
Palestiniens tiennent, malgré tout. Les dégâts causés à
Gaza n’affecteront pas notre moral et n’affaibliront pas
notre détermination. Il y aura toujours des coquelicots
rouges poussant sur les toits d’un tunnel, au milieu des
ruines, sur la terre brûlée. Nous serons solidaires et
nous empêcherons que nos coquelicots soient arrachés – et
aussi, qu’ils se métamorphosent en coqs. Nous savons que
ce que nous devons faire pour être considérés comme des
humains est de nous considérer, ainsi que les autres,
d’une façon humaine.
Israël
continuera d’en imposer avec ses plumes scintillantes dans
des étalages périodiques ; il avancera des mensonges tout
à fait élaborés pour justifier ses crimes de guerre et
répandre de fausses déclarations sur ses succès de temps
de guerre. Il continuera d’alimenter une propagande de
diabolisation pour essayer de dénigrer notre culture et
notre personnalité. Les Palestiniens sont fiers d’avoir
survécu aux récentes agressions d’Israël sans s’être
soumis à une capitulation humiliante. Effectivement, nous
attendons avec impatience les cycles à venir où les
longues plumes de queue subiront la mue, et toutes les
saisons où les superbes coquelicots rouges couvriront les
montagnes et les vallées de notre terre bien-aimée.
Samah Jabr
Washington Report on Middle East Affairs - en octobre 2014.
Traduction : JPP pour les Amis de Jayyous
Samah Jabr est
Jérusalémite, psychiatre et psychothérapeute,
dévouée au bien-être de sa communauté, au-delà des
questions de la maladie mentale.
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