L'Irak, en proie à une offensive des djihadistes de l'EI qui occupe un
tiers du pays, vient de se doter d'un nouveau gouvernement à la suite de
la démission du très controversé Premier ministre chiite Nouri
al-Maliki. Est-ce le début d'une solution politique aux déchirements du
pays ? Watheq al-Hashimi, le directeur du Centre irakien pour les études
stratégiques, fait le point.
Que vous inspire la formation du nouveau gouvernement irakien ?
Watheq al-Hashimi : Je ne suis pas optimiste. Ce gouvernement a été
constitué pour satisfaire les partis et non pour se mettre au service du
pays. Pour satisfaire aussi nos deux grands parrains que sont l'Iran et
les États-Unis. Nous avons un besoin urgent de techniciens et d'experts
à la tête des ministères. Or, nous ne trouvons que des politiciens qui
ont âprement négocié leur parcelle de pouvoir à des fins très
personnelles. Une lutte où la corruption joue un grand rôle. Ces gens
ont à peine conscience que 30 % du territoire sont tombés aux mains de
l'État islamique.
Les sunnites sont-ils mieux représentés ?
En apparence, l'équilibre confessionnel est respecté. Les sunnites se
voient octroyer la vice-présidence, la présidence du Parlement et un
poste de vice-Premier ministre. Mais c'était le cas auparavant. On a
aussi déplacé certains d'entre eux vers d'autres ministères. Mais tout
ça a peu d'importance, car les déséquilibres sont ailleurs, dans la
répartition des postes de hauts fonctionnaires et dans la répartition
des responsabilités au sein de l'armée. Un découpage évidemment
favorable aux chiites. Et puis les tribus sunnites attendent autre chose
de ce nouveau pouvoir : la reconstruction de leurs provinces et la
libération de centaines de prisonniers arrêtés au cours des années
passées. Si on ne résout pas ces problèmes de fond, les violences
continueront.
Un nouveau Premier ministre a pourtant été nommé...
Pourquoi les choses changeraient-elles ? Haïder al-Abadi est un clone de
son prédécesseur, Nouri al-Maliki. Il a grandi à ses côtés au sein de
la même formation politique chiite, Dawa. Les mêmes milices chiites
affiliées à l'Iran et qui agissaient pour le compte de Maliki sont
venues lui prêter allégeance, mais aussi lui dicter sa politique.
Un État irakien fédéral est-il la solution ?
Pas du tout. Découper le pays en trois entités, chiite, sunnite et
kurde, se solderait par un échec. Au bout de six mois, ces trois régions
autonomes donneraient naissance à une vingtaine de mini-États.
Contrairement à l'idée reçue, de fortes divisions existent aussi au sein
de chacune d'entre elles. Ne croyez pas que la région de Kerbala
défende les mêmes intérêts que celle de Bassora !
Propos recueillis par Marc Nexon (à Bagdad), 10 septembre 2014.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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