mercredi 10 septembre 2014

Irak : "Le nouveau gouvernement irakien n'est pas au service du pays" (Watheq al-Hashimi)

L'Irak, en proie à une offensive des djihadistes de l'EI qui occupe un tiers du pays, vient de se doter d'un nouveau gouvernement à la suite de la démission du très controversé Premier ministre chiite Nouri al-Maliki. Est-ce le début d'une solution politique aux déchirements du pays ? Watheq al-Hashimi, le directeur du Centre irakien pour les études stratégiques, fait le point.

Que vous inspire la formation du nouveau gouvernement irakien ?
Watheq al-Hashimi : Je ne suis pas optimiste. Ce gouvernement a été constitué pour satisfaire les partis et non pour se mettre au service du pays. Pour satisfaire aussi nos deux grands parrains que sont l'Iran et les États-Unis. Nous avons un besoin urgent de techniciens et d'experts à la tête des ministères. Or, nous ne trouvons que des politiciens qui ont âprement négocié leur parcelle de pouvoir à des fins très personnelles. Une lutte où la corruption joue un grand rôle. Ces gens ont à peine conscience que 30 % du territoire sont tombés aux mains de l'État islamique.

Les sunnites sont-ils mieux représentés ?
En apparence, l'équilibre confessionnel est respecté. Les sunnites se voient octroyer la vice-présidence, la présidence du Parlement et un poste de vice-Premier ministre. Mais c'était le cas auparavant. On a aussi déplacé certains d'entre eux vers d'autres ministères. Mais tout ça a peu d'importance, car les déséquilibres sont ailleurs, dans la répartition des postes de hauts fonctionnaires et dans la répartition des responsabilités au sein de l'armée. Un découpage évidemment favorable aux chiites. Et puis les tribus sunnites attendent autre chose de ce nouveau pouvoir : la reconstruction de leurs provinces et la libération de centaines de prisonniers arrêtés au cours des années passées. Si on ne résout pas ces problèmes de fond, les violences continueront.

Un nouveau Premier ministre a pourtant été nommé...
Pourquoi les choses changeraient-elles ? Haïder al-Abadi est un clone de son prédécesseur, Nouri al-Maliki. Il a grandi à ses côtés au sein de la même formation politique chiite, Dawa. Les mêmes milices chiites affiliées à l'Iran et qui agissaient pour le compte de Maliki sont venues lui prêter allégeance, mais aussi lui dicter sa politique.

Un État irakien fédéral est-il la solution ?
Pas du tout. Découper le pays en trois entités, chiite, sunnite et kurde, se solderait par un échec. Au bout de six mois, ces trois régions autonomes donneraient naissance à une vingtaine de mini-États. Contrairement à l'idée reçue, de fortes divisions existent aussi au sein de chacune d'entre elles. Ne croyez pas que la région de Kerbala défende les mêmes intérêts que celle de Bassora !

Propos recueillis par Marc Nexon (à Bagdad), 10 septembre 2014.

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