C'est le plus récent des camps de réfugiés en Irak. À Khanke, à quelques
kilomètres de la frontière turque, les camions s'activent pour que
soient montés des hébergements en dur en prévision des premiers froids
de l'automne. Géré par les autorités de la région autonome du Kurdistan
irakien avec l'aide du Haut commissariat de l'ONU aux réfugiés (HCR),
Khanke devrait à terme pouvoir héberger 18 000 personnes, explique Liena
Veide du HCR. Derrière elle apparaissent les premières tentes pourvues
d'un sol et d'un muret solides. "L'hiver approche", précédé par la
saison des pluies fin octobre, explique Liena Veide. "Nous devons nous
préparer, car il semble que tous ces gens vont rester ici. Le camp est
clairement prévu pour durer plus de deux mois".
Les températures flirtaient avec les 50° Celsius lorsque les premiers
déplacés ont débarqué. Mais, dans les vastes plaines du Kurdistan, le
gel frappe dès l'automne et la neige peut tomber à partir de novembre.
Les réfugiés ne s'attendent pas à rentrer chez eux avant l'arrivée des
pluies et du froid, même si la pression militaire s'accroît sur les
combattants djihadistes de l'État islamique avec la contre-offensive
lancée depuis un mois de l'armée soutenue par les frappes américaines.
Les familles installées dans les écoles, dont quelque six cents ont été
réquisitionnées dans le gouvernorat de Dohuk, seront prioritaires pour
habiter les tentes bénéficiant d'un sol et de murets en dur. Les
autorités espèrent ainsi que les écoles pourront rouvrir début octobre.
Le HCR évalue à plus de 550 000 personnes le nombre de personnes ayant
trouvé refuge dans le gouvernorat de Dohuk depuis le début de l'année.
Jetées sur les routes par l'offensive lancée le 9 juin par l'EI, elles
se sont installées là où elles le pouvaient, dans des immeubles en
construction, des mosquées ou dans la rue. Mais même pour les réfugiés
ayant pu s'installer dans les tentes en tissu montées dans l'urgence
dans les camps, l'approche de l'hiver est source d'angoisse.
"Je ne sais pas quoi faire", témoigne, désemparé, Bapir Rashwe Ravo,
arrivé il y a quinze jours. Originaire de Sinjar, il a été chassé avec
sa famille par l'EI qui a pris pour cible la communauté kurdophone
non-musulmane des Yazidis. Au total, ils sont trente-trois membres de la
même famille à être hébergés à Khanke, avec pour unique fortune deux
billets de 1 000 dinars irakiens. Soit moins de deux dollars. La famille
n'a pour se nourrir que deux casseroles de riz par jour, et cinq pains,
raconte-t-il. Les ONG présentes leur ont bien fourni du riz cru et de
l'huile, mais rien pour les faire cuire.
"Alors on n'a pas le choix. Même si ça (les casseroles de riz) tombe par
terre, on le mange, parce que c'est tout ce qu'on a", explique cet
homme de quarante-quatre ans, barbe et moustache fournies sur un visage
épuisé. "Nous ne pouvons plus rester plus longtemps ici. Mais où aller
?" interroge-t-il. Au même moment, Lokman Atrashi, qui travaille à
l'hôpital suédois d'Erbil, la capitale du Kurdistan irakien, débarque à
l'entrée du camp avec des jouets pour les enfants. Les jouets sont un
pis-aller, car ces gamins ont aussi "besoin d'écoles, de soins, de
nourriture... Il n'y a que des tentes ici", lâche-t-il. "Ils n'ont nulle
part où aller, tout a été détruit. Demandez donc aux enfants ce qu'ils
ont vu, c'est tragique."
Lorsque, début août, les djihadistes ont attaqué les villages yazidis
proches de la frontière syrienne, certains sont parvenus à se sauver
dans les montagnes, sans eau ni vivres. Mais des centaines d'autres ont
été assassinés ou enlevés, tandis que des femmes étaient vendues pour
quelques centaines de dollars, selon les témoignages des survivants. "Où
sont toutes les grandes organisations d'aide ?" demande Lokman Atrashi.
"Il y a bien des agences de l'ONU, mais ce n'est pas assez."
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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