Le Premier ministre algérien par intérim Youcef Yousfi, tout juste
nommé, s’est rendu dimanche dans la ville de Ghardaïa, à 600km au sud
d’Alger, après des heurts communautaires qui ont fait trois morts et
plus d’une centaine de blessés.
M. Yousfi, qui est arrivé à Ghardaïa peu après l’annonce de la mort de
trois personnes, était accompagné du ministre de l’Intérieur, du
commandant de la Gendarmerie nationale, et d’un représentant du
directeur général de la Sûreté nationale. Il a rencontré les autorités
locales dimanche, mais n’avait fait aucune déclaration en milieu
d’après-midi.
Ghardaïa, chef-lieu de la province éponyme inscrite au patrimoine
mondial de l’Unesco et située aux portes du Sahara, voit cohabiter
depuis des siècles les communautés mozabite (berbère) et chaâmba
(arabe), mais depuis plusieurs mois, les tensions sont vives entre les
communautés.
Mercredi soir, ses 400 000 habitants, dont près de 300 000 berbères,
vivent au rythme de nouvelles violences, qui ont fait plus d’une
centaine de blessés et trois morts.
"La situation est très critique. L’Etat et les autorités locales n’ont
pas maîtrisé un conflit en cours depuis des mois", explique Rachid
Tlemçani, politologue.
Samedi soir, trois personnes ont été tuées "par des objets contondants"
selon l’agence APS, par balles selon un notable de la ville, lors
d’affrontements inter-communautaires.
La police judiciaire a ouvert une enquête après les trois décès, a
déclaré dimanche à l’AFP un haut responsable de la police, précisant que
le calme était revenu à Ghardaïa.
"Quelle que soit la nature des objets qui ont donné la mort, seule
l’enquête déterminera les circonstances de ces décès et seule l’autopsie
peut se prononcer sur la nature des objets ayant donné la mort", a
insisté ce haut responsable.
Selon une source hospitalière, "depuis jeudi, entre l’hôpital de
Ghardaïa et la clinique privée des Oasis, nous avons enregistré 89
blessés, dont 29 agents de l’ordre et nous déplorons trois morts". Deux
médecins mozabites ont en outre affirmé à l’AFP avoir soigné "plus de
100 blessés qui ne vont pas à l’hôpital par peur des arrestations".
Entre décembre et février, de précédents affrontements entre Chaâmbas et
Mozabites avaient déjà fait quatre morts parmi les Mozabites et plus de
200 blessés.
Depuis un mois, la ville vivait dans un calme relatif, mais certaines
des 200 familles mozabites chassées par les violences en janvier
voulaient retourner chez elles mercredi, ce qui a apparemment relancé
les incidents.
Entre temps, le patron de la police avait annoncé un allègement des
forces de l’ordre, dépêchées en grand nombre pour restaurer le calme.
Les Mozabites avaient "demandé l’aide des autorités locales pour assurer
leur protection afin de pouvoir retourner chez eux, mais ils n’ont eu
aucune réponse et à Hadj Messaoud (quartier majoritairement arabe), les
Chaâmbas leur disaient : +Oubliez que vous avez des maisons+",
affirmaient cette semaine à l’AFP plusieurs notables mozabites de la
région.
Ceci a créé un "sentiment d’abandon", chez la communauté souligne
M. Tlemçani, appelant les "autorités centrales" à "trouver des solutions
radicales et non conjoncturelles".
Ce qui arrive à Ghardaïa, "c’est tragique. C’est la parfaite
illustration de la gestion par un non-Etat livré aux trafiquants. C’est
la crise des institutions", estime Fatma Oussdik, sociologue et auteure
d’un livre de référence sur la région.
"Les walis (préfets) sont inefficients. La représentation de l’Etat est
faible, pour ne pas dire inexistante", explique Mme. Oussdik.
Avant l’arrivée du Premier ministre par intérim, aucun membre du
gouvernement ne s’était prononcé sur la situation à Ghardaïa depuis ces
nouveaux heurts, tous les esprits à Alger étant tournés vers l’élection
présidentielle du 17 avril.
(16-03-2014)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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