L’UNRWA (agence de l’ONU fondée en 1949 pour aider les réfugiés
palestiniens dans l’attente de leur retour en Palestine) a récemment
annoncé qu’elle arrêterait une partie de ses programmes dans plusieurs
pays (Jordanie, Liban, Syrie et Palestine (Cisjordanie, Quds y compris
et bande de Gaza)) si les pays donateurs ne s’empressaient pas de
combler le déficit de l’agence. Elle a de même fait circuler les bruits,
confirmés ou démentis par les uns et les autres, qu’elle reporterait de
4 mois la scolarisation de plusieurs milliers d’enfants et jeunes
palestiniens, si elle ne recevait pas immédiatement 101 millions de
dollars, provoquant ainsi une panique, non seulement au sein des
réfugiés et des élèves de l’UNRWA, mais chez les responsables
politiques, en Jordanie et en Palestine, et dans une moindre mesure au
Liban, étant donné que ces derniers sont actuellement aux prises avec
les déchets de la capitale.
La crise financière de l’UNRWA ne date pas d’aujourd’hui. Elle est
principalement due à l’augmentation des charges que devrait assumer
cette agence internationale, suite aux guerres menées par les sionistes
depuis la fondation de l’entité coloniale : aux réfugiés expulsés de
leur pays en 1948, se sont ajoutés les réfugiés expulsés en 1967 (même
si l’UNRWA ne les prend pas directement en charge), de multiples camps
de réfugiés ont été détruits (au Liban) et les réfugiés ont été
déplacés, les multiples guerres terroristes menées contre la bande de
Gaza, où vivent des centaines de milliers de réfugiés expulsés 1948 de
leurs villages et villes, l’invasion de la Cisjordanie en 2002 et la
destruction des infrastructures des camps. Cependant, les charges ont
également augmenté suite aux guerres inter-arabes (les camps situés en
Syrie que des milliers de réfugiés ont fuis et au Liban, la bataille de
Nahr el-Bared en 2008, pour ne citer que les derniers développements).
Mais c’est sans prendre en compte la campagne systématique menée depuis
les accords d’Oslo par le lobby sioniste aux Etats-Unis et au Canada
(principaux donateurs de l’UNRWA) et par l’entité coloniale pour
assécher le financement de l’UNRWA, jugée inutile, puisqu’il « n’y a
pratiquement plus de réfugiés palestiniens ». La campagne contre le
financement de l’UNRWA a repris de plus belle après la guerre terroriste
menée contre la bande de Gaza en 2014, car pour ces sionistes haineux, «
l’UNRWA est le Hamas », ou bien « la voix du Hamas au sein des
Nations-Unies ». Les arguments avancés par ces voix négationnistes se
résument à trois : - les réfugiés sont uniquement ceux qui ont été
expulsés en 1948, et non leurs descendants, ce qui signifie qu’il
n’existe pratiquement plus de réfugiés palestiniens. – Après la
formation de l’Autorité palestinienne, les réfugiés ou ce qu’il en reste
doivent être pris en charge par cette Autorité, que la communauté
internationale devrait aider. C’est ce qu’a annoncé le Canada en 2009,
voulant transférer sa part de financement à l’AP, et ceux qui ont acquis
la nationalité des pays d’accueil (Jordanie) devraient dépendre de ce
pays que la communauté internationale devrait aider. – c’est le maintien
de l’UNRWA qui est la cause de la poursuite du conflit dans la région.
Sans UNRWA, plus de problème de réfugiés à « caser ».
Il reste cependant une différence, minime, entre le lobby sioniste qui
réclame la suppression de l’UNRWA et les autres donateurs, les
Etats-Unis et l’Union européenne. Pour ces derniers, l’UNRWA doit être
réformée avant d’être financée. Si les Etats-Unis approuvent une partie
des arguments du lobby sioniste, ils préfèrent engager des « réformes
profondes», comme le suggère un ancien responsable de l’UNRWA, James
Lindsay dans « Reforming UNRWA » en 2012, consistant à s’aligner sur les
positions politiques des Etats-Unis concernant le conflit
arabo-sioniste et à redéfinir le statut de « réfugié » qui est, à son
avis, extrêmement élastique. Pour lui, cesser de financer l’UNRWA
risquerait d’ouvrir les portes à des financements « douteux », dont
iraniens !!
Les réformes préconisées par l’Union européenne touchent au
fonctionnement de cette agence et aux programmes scolaires dispensés
dans ses écoles, en l’occurrence dans la bande de Gaza, puisque dans les
autres pays, ces programmes sont alignés sur ceux des pays hôtes,
c’est-à-dire qu’ils sont aussi « neutres » que possible concernant
l’histoire de la Palestine et de la région, et de la lutte de libération
nationale.
Au-delà de la question du financement de l’UNRWA, se pose l’alignement
de cette agence sur la volonté de la « communauté internationale » et de
l’entité coloniale sioniste, comme l’a si bien démontré le programme de
reconstruction de la bande de Gaza, après la guerre terroriste de 2014,
préparé par le coordinateur spécial de l’ONU pour « la paix au
Moyen-Orient », Robert Serry. Cette reconstruction est bloquée par
l’entité coloniale et la « communauté internationale » tant que les
organisations palestiniennes de la résistance ne se soumettent pas,
c’est-à-dire livrent leurs armes, cessent la construction de tunnels,
acceptent l’entrée des forces sécuritaires de Mahmoud Abbas avec pour
mission la « régularisation » de la situation de la bande de Gaza. 5
milliards de dollars devaient parvenir à la reconstruction, dont une
partie non négligeable à l’UNRWA, promis à la conférence du Caire,
conférence qui a enterré la victoire de la résistance sous les décombres
et relevé l’entité sioniste en lui accordant le droit de contrôle sur
la reconstruction et le renforcement du blocus. La résistance
palestinienne a refusé d’entériner le plan Serry, qui équivaudrait à
légaliser le droit de contrôle de l’entité sioniste.
Le problème de financement de l’UNRWA fait donc partie d’un ensemble de
pressions, pressions sionistes quant à la présence même de cette agence,
et pressions sur son fonctionnement jugé trop laxiste envers la
résistance à Gaza, pressions sur sa manière de décompter les réfugiés,
alors que l’UNRWA a fait d’énormes concessions à cet égard, puisqu’elle a
rayé de ses listes plusieurs milliers de réfugiés palestiniens, il y a
quelques années, et qu’elle a adopté des programmes réprimant toute
expression « politique » de ses fonctionnaires, qu’elle a introduit des
cursus « droits de l’homme » et «résolution pacifique des conflits »
dans ses programmes scolaires, qu’elle a modifié l’appelation de la
Palestine en « Israël » dans sa cartographie, et qu’elle est devenue,
comme l’accusent les réfugiés, un centre de formation d’une main d’œuvre
au service des multinationales installées dans le Golfe et d’autres
pays. L’UNRWA est également passée aux valeurs du néolibéralisme, tant
dans ses programmes et son fonctionnement que dans sa vision générale.
Concernant la crise financière actuelle de cette agence onusienne, les
réfugiés palestiniens refusent d’en faire les frais. Ils ne se sentent
en aucune façon responsables de la plus grande crise financière jamais
atteinte jusque là, au contraire, ils en sont les premières victimes.
Bien que les programmes des organisations palestiniennes ne soient pas
semblables quant à la position envers l’UNRWA, elles ont cependant
affirmé toutes ensemble leur refus de payer le prix de la politique
financière de cette agence. Depuis plus d’un mois, les manifestations et
rassemblements couvrent la Jordanie, la Cisjordanie, Gaza et le Liban,
où les réfugiés palestiniens affirment leur refus des plans de «
restructuration », qui sont des plans d’alignement sur le diktat
américano-sioniste d’abord. Beaucoup y voient des plans étudiés visant à
les transférer vers des pays européens ou au Canada, ou vers des pays
tiers avec le soutien financier des donateurs et la suppression de leurs
droits en tant que réfugiés. Pour les réfugiés et leurs représentants,
le maintien de l’UNRWA est symbolique, d’abord, car sa fondation a
répondu à la présence de réfugiés palestiniens expulsés en 1948, l’UNRWA
est donc le témoin vivant de la Nakba. Son maintien est ensuite
nécessaire jusqu’au retour des réfugiés palestiniens dans leur terre et à
leurs terres, non pas tant à cause de ses services accomplis, qui ne
sont pas négligeables dans l’ensemble, mais surtout à cause du maintien
de l’espoir du retour en Palestine, auquel contribue l’UNRWA tant que
les réfugiés n’ont pas été dispersés aux quatre coins du monde, avec la
perte de leur statut de réfugiés palestiniens.
C’est là l’enjeu de la crise financière de l’UNRWA, et c’est à cela que
répondent les réfugiés. Ils ne tiennent pas tant à être « assistés »
comme les accusent de nombreuses voix arabes, qui oublient à l’occasion
que les réfugiés sont au cœur de la résistance armée, mais c’est leur
droit au retour au pays, intact, qu’ils continuent à revendiquer.
Fadwa Nassar
Lundi, 3 août 2015
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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