Les observateurs indépendants estiment que ce scrutin, annoncé dimanche
et qui aura lieu du 17 octobre au 2 décembre, est joué d'avance.Le
Parlement, qui sera en place "avant la fin de l'année" selon le
président de la Commission électorale Ayman Abbas, sera entièrement
acquis au nouveau "Raïs" et le scrutin va essentiellement servir à
apaiser les partenaires occidentaux.
Les dernières législatives remontent à fin 2011, dix mois après la
révolte qui chassa Hosni Moubarak du pouvoir. Elles avaient été
remportées par les Frères musulmans de Mohamed Morsi, qui était devenu
six mois plus tard le premier président élu démocratiquement en Egypte.
Entre-temps, la Cour suprême avait dissout le nouveau Parlement. Le
général Sissi avait ensuite destitué et fait arrêter M. Morsi le 3
juillet 2013.
La nouvelle chambre unique comptera 568 députés, élus selon un scrutin
mixte complexe, à la fois uninominal et de liste, en deux tours, d'après
un calendrier solennellement annoncé dimanche par M. Abbas. Ces
législatives se dérouleront cette fois en l'absence quasi-totale
d'opposition.
Les Frères musulmans, qui dominaient l'opposition en Egypte depuis près
de neuf décennies, ont été décrétés "organisation terroriste" en 2013,
presque tous leurs dirigeants sont en prison et le Parti de la Liberté
et de la Justice est interdit. Les principales voix dissidentes laïques
et libérales, en particulier les leaders de la jeunesse révolutionnaire
qui chassa Moubarak du pouvoir en 2011, sont derrière les barreaux.
L'avènement d'un "Parlement croupion" ne fait donc aucun doute pour les
observateurs: car M. Sissi, élu président en mai 2014 avec 47% de
participation et après avoir éliminé de la scène politique toute
opposition, demeure extrêmement populaire dans son pays.
Une large frange de la population est excédée par trois années de chaos
qui ont suivi le printemps égyptien de 2011, dont un an de pouvoir des
Frères musulmans. Ces derniers ont été incapables de transformer
économiquement et politiquement leur succès dans les urnes.
Ils sont aujourd'hui accusés par le nouveau régime d'être à l'origine
d'une campagne d'attentats qui ensanglantent le pays, pourtant
revendiqués par la branche égyptienne de l'Etat islamique (EI). Cet état
d'esprit a permis à M. Sissi d'accaparer tous les pouvoirs en l'espace
de deux ans et de repousser des législatives pourtant promises
initialement pour début 2014.
Les organisations internationales de défense des droits de l'Homme
dénoncent même un régime "plus répressif" que celui de Moubarak. Après
la destitution de M. Morsi, policiers et soldats ont tué plus de 1.400
manifestants réclamant son retour. Des dizaines de milliers de Frères
musulmans ont été emprisonnés et des centaines -dont Mohamed Morsi-
condamnés à mort dans des procès de masse expéditifs.
Les prochaines législatives risquent donc de faire revivre un Parlement
qui était déjà largement une chambre d'enregistrement sous Moubarak. "Ce
ne sera pas un Parlement représentant le peuple, mais un Parlement
représentant le président", ironise Hazem Hosni, professeur de Sciences
politiques à l'université du Caire.
L'une des principales coalitions pro-Sissi qui se profile se fait
appeler "pour l'Amour de l'Egypte" et rassemble notamment d'ancien
caciques du régime Moubarak, le parti des Egyptiens libres du richissime
homme d'affaires copte Naguib Sawiris, ou encore le vieux parti Wafd.
"Ces élections visent à calmer une partie de l'opinion publique
nationale et internationale qui soutient la lutte de Sissi contre le
terrorisme mais qui n'accepte pas la dérive autoritaire", estime Mathieu
Guidère, professeur de géopolitique arabe à l'Université de Toulouse.
Pour lui, "le nouveau parlement permettra la mise en place d'une
démocratie de façade, mais il n'aura pas de réels pouvoirs en raison des
enjeux sécuritaires du pays".
"Il s'agit bien sûr en partie de donner l'illusion (...) d'avancer vers
une transition démocratique", déplore aussi Karim Bitar, directeur de
recherches à l'Institut de relations internationales et stratégiques
(IRIS) à Paris, regrettant que "les libéraux et les progressistes
restent divisés et manquent de leadership".
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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