dimanche 30 août 2015

Egypte : Des élections législatives avant la fin de l'année

Les observateurs indépendants estiment que ce scrutin, annoncé dimanche et qui aura lieu du 17 octobre au 2 décembre, est joué d'avance.Le Parlement, qui sera en place "avant la fin de l'année" selon le président de la Commission électorale Ayman Abbas, sera entièrement acquis au nouveau "Raïs" et le scrutin va essentiellement servir à apaiser les partenaires occidentaux.
Les dernières législatives remontent à fin 2011, dix mois après la révolte qui chassa Hosni Moubarak du pouvoir. Elles avaient été remportées par les Frères musulmans de Mohamed Morsi, qui était devenu six mois plus tard le premier président élu démocratiquement en Egypte. Entre-temps, la Cour suprême avait dissout le nouveau Parlement. Le général Sissi avait ensuite destitué et fait arrêter M. Morsi le 3 juillet 2013.
La nouvelle chambre unique comptera 568 députés, élus selon un scrutin mixte complexe, à la fois uninominal et de liste, en deux tours, d'après un calendrier solennellement annoncé dimanche par M. Abbas. Ces législatives se dérouleront cette fois en l'absence quasi-totale d'opposition.
Les Frères musulmans, qui dominaient l'opposition en Egypte depuis près de neuf décennies, ont été décrétés "organisation terroriste" en 2013, presque tous leurs dirigeants sont en prison et le Parti de la Liberté et de la Justice est interdit. Les principales voix dissidentes laïques et libérales, en particulier les leaders de la jeunesse révolutionnaire qui chassa Moubarak du pouvoir en 2011, sont derrière les barreaux.
L'avènement d'un "Parlement croupion" ne fait donc aucun doute pour les observateurs: car M. Sissi, élu président en mai 2014 avec 47% de participation et après avoir éliminé de la scène politique toute opposition, demeure extrêmement populaire dans son pays.
Une large frange de la population est excédée par trois années de chaos qui ont suivi le printemps égyptien de 2011, dont un an de pouvoir des Frères musulmans. Ces derniers ont été incapables de transformer économiquement et politiquement leur succès dans les urnes.
Ils sont aujourd'hui accusés par le nouveau régime d'être à l'origine d'une campagne d'attentats qui ensanglantent le pays, pourtant revendiqués par la branche égyptienne de l'Etat islamique (EI). Cet état d'esprit a permis à M. Sissi d'accaparer tous les pouvoirs en l'espace de deux ans et de repousser des législatives pourtant promises initialement pour début 2014.
Les organisations internationales de défense des droits de l'Homme dénoncent même un régime "plus répressif" que celui de Moubarak. Après la destitution de M. Morsi, policiers et soldats ont tué plus de 1.400 manifestants réclamant son retour. Des dizaines de milliers de Frères musulmans ont été emprisonnés et des centaines -dont Mohamed Morsi- condamnés à mort dans des procès de masse expéditifs.
Les prochaines législatives risquent donc de faire revivre un Parlement qui était déjà largement une chambre d'enregistrement sous Moubarak. "Ce ne sera pas un Parlement représentant le peuple, mais un Parlement représentant le président", ironise Hazem Hosni, professeur de Sciences politiques à l'université du Caire.
L'une des principales coalitions pro-Sissi qui se profile se fait appeler "pour l'Amour de l'Egypte" et rassemble notamment d'ancien caciques du régime Moubarak, le parti des Egyptiens libres du richissime homme d'affaires copte Naguib Sawiris, ou encore le vieux parti Wafd.
"Ces élections visent à calmer une partie de l'opinion publique nationale et internationale qui soutient la lutte de Sissi contre le terrorisme mais qui n'accepte pas la dérive autoritaire", estime Mathieu Guidère, professeur de géopolitique arabe à l'Université de Toulouse. Pour lui, "le nouveau parlement permettra la mise en place d'une démocratie de façade, mais il n'aura pas de réels pouvoirs en raison des enjeux sécuritaires du pays".
"Il s'agit bien sûr en partie de donner l'illusion (...) d'avancer vers une transition démocratique", déplore aussi Karim Bitar, directeur de recherches à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) à Paris, regrettant que "les libéraux et les progressistes restent divisés et manquent de leadership".


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