Quand ses confrères ont appris que Mohammed Allan commençait une grève
de la faim, ils se sont immédiatement alarmés car il savait qu'il irait
jusqu'au bout: la libération ou la mort.
"Nous étions persuadés qu'il allait au-devant de la mort", dit son ami
et confrère avocat Odaï Alweyeh à l'AFP, "c'est le genre de personne qui
va jusqu'au bout de ses idées".
Entre la libération et la mort, deux mois de grève de la faim n'ont pas définitivement décidé du sort de Mohammed Allan, 31 ans.
La Cour suprême israélienne a décidé mercredi de lever "pour le moment"
sa détention sans jugement mais a laissé en suspens son éventuel retour
en prison, une fois rétabli, s'il se rétablit, ce qui, pour les
médecins, ne pourra advenir qu'après un "très long chemin".
Vendredi matin, son avocat Jamil al-Khatib affirmait à l'AFP qu'il était
"encore dans un état grave" mais que "l'affaire était désormais close".
Alors, qui l'a emporté de Mohammed Allan ou de l'Etat israélien ?
Le Premier ministre israélien Benjamin "Netanyahu et le gouvernement lui
tenaient tête en personne, c'est lui (M. Allan) qui a gagné. C'est un
coup formidable porté à la détention administrative", affirme Issa
Qaraqe, en charge des prisonniers au sein de l'Autorité palestinienne.
D'autres sont plus sceptiques: M. Allan n'est pas libre, ses jours sont
en danger et la détention administrative, cette forme d'emprisonnement
extrajudiciaire qui permet d'enfermer un individu sans inculpation ni
procès pendant six mois renouvelables indéfiniment, ne semble pas prêt
de tomber.
Côté israélien aussi, on se dispute sur l'arrêt de la Cour suprême,
interprété par des personnalités de droite comme une capitulation. Pour
le quotidien populaire Yedioth Ahronoth, "un homme qui allie ses forces à
celles du Jihad islamique ne mérite pas d'être libre".
Le Jihad islamique, déclaré "terroriste" par Israël mais aussi les
Etats-Unis et l'Union européenne, est soutenu par l'Iran, ennemi déclaré
d'Israël.
La face ronde, sombre et barbue de M. Allan est devenue chez les
Palestiniens le nouveau visage brandi dans les manifestations du combat
contre ce qui représente pour eux l'une des expressions de l'arbitraire
israélien.
M. Allan, présenté par le Jihad islamique comme l'un de ses membres, est
parvenu à transcender les dissensions palestiniennes. Il est en effet
peu de familles dont l'un des membres n'ait pas été emprisonné. Quelque
800.000 Palestiniens l'ont été depuis 1967, 5.820 le sont encore
aujourd'hui, dont 450 en détention administrative, dit l'Autorité
palestinienne.
Selon ses avocats, Mohammed Allan n'a jamais été informé des accusations
pesant contre lui. Israël est longtemps resté évasif mais désormais des
sources sécuritaires décrivent un "activiste du Jihad islamique" arrêté
en novembre 2014 "sur la base d'informations selon lesquelles il était
en contact avec un terroriste du Jihad islamique en vue de commettre des
attentats de grande envergure".
Il avait été condamné en 2006 à trois ans de prison pour avoir cherché à
"enrôler des kamikazes et fourni de l'aide à des Palestiniens
recherchés", disent les mêmes sources.
En 2011, il avait à nouveau passé 50 jours en détention, selon l'ONG
al-Dameer. Il avait ensuite ouvert un cabinet d'avocat à Naplouse où il
défendait principalement des dossiers criminels ou commerciaux mais
manquait rarement une manifestation de soutien aux prisonniers.
Né dans un milieu modeste, il a vu son village grignoté par la colonie voisine d'Yitzhar.
"Il est très poli et timide, aime s'amuser et a le sens l'humour. Il est religieux, mais pas radical", dit Odaï Alweyeh.
Sur sa page Facebook, entre des photos de lui, barbe courte et
costume-cravate, dans son étude ou sous des oliviers, il postait
jusqu'avant sa détention des prières ou des réflexions sur la neige qui
recouvre son village. Quelques articles évoquant le Jihad islamique,
d'autres les détenus en grève de la faim.
Le 18 juin, il a cessé de se nourrir pour exiger sa libération
immédiate. Il a mis fin jeudi à sa grève de la faim mais une épée de
Damoclès pend toujours au-dessus de sa tête. Son avocat veut croire
qu'il ne sera pas à nouveau arrêté dans deux ou trois semaines s'il est
rétabli. Mais Israël s'est seulement dit prêt à le relâcher s'il souffre
de dommages irréversibles.
(21-08-2015 - Assawra avec les agences de presse)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire