Originaire de la région de Damas, cette mère de famille de 38 ans a
quitté la Syrie avec ses quatre enfants il y a bientôt quatre ans. Elle
travaille aujourd'hui en tant que psychologue pour Médecins sans
Frontières. Sa mission : apaiser les traumatismes de ses compatriotes,
réfugiés comme elle au Liban.
«Le chauffeur de taxi nous a déposés à Majdel Anjar, à quelques
kilomètres de la frontière. Je ne connaissais personne au Liban. Nous
étions à la rue». Fin 2011, Wafaa, alors âgée de 35 ans, décide de
quitter la Syrie pour fuir les combats qui s'intensifient. Accompagnée
de ses quatre enfants, elle abandonne une vie confortable, sa maison
dont elle et son mari sont propriétaires, son travail, ses nombreux
loisirs. Comme pour la plupart des 1,2 million de réfugiés syriens qui
ont rejoint le Liban, s'enchaînent alors les mois d'errance et de
désespoir, les nuits sans sommeil où elle tente de calmer les angoisses
de ses enfants. «En Syrie, dès qu'il faisait nuit ou que l'électricité
coupait, les bombardements reprenaient», raconte-t-elle. «Ici, au Liban,
les coupures de courant sont fréquentes. Quand nous sommes arrivés, à
chaque fois que l'électricité sautait, ma fille se ruait vers moi,
pensant que notre heure était venue. Elle voulait que je la prenne dans
mes bras pour que nous mourrions ensemble».
Deux de ses fils décident rapidement de quitter le Liban pour rejoindre
la Turquie, puis la Grèce et pourquoi pas un jour la Suède où une partie
de leur famille a pu être accueillie. Un départ bouleversant pour Wafaa
qui assure que si ses conditions précaires de vie peuvent être
surmontées, la séparation de sa famille, l'éloignement de ses enfants et
de son mari, lui aussi parti travailler à l'étranger, est le plus dur à
supporter. «Lors de leur première tentative pour aller en Grèce, le
bateau à bord duquel mes fils se trouvaient a coulé. Les heures pendant
lesquelles je n'ai pas eu de nouvelles m'ont paru une éternité», se
souvient-elle. «Je me suis sentie tellement coupable de ce qui leur
arrivait», ajoute-t-elle. Aujourd'hui, c'est un rituel dans le quotidien
de Wafaa: tous les jours à heure fixe, elle téléphone à ses garçons.
Sa formation en psychologie et sa force de caractère ont permis à Wafaa
de «reprendre sa vie en main». Au fil des mois, elle recommence
progressivement à travailler, d'abord dans une école pour réfugiés
syriens avant d'être approchée par Médecins Sans Frontières qui lui
propose d'animer des ateliers dans une des quatre cliniques gérées par
l'association au Liban. Objectif: «redonner le sourire» à ces
traumatisés de la guerre et de l'exil, leur faire prendre conscience de
l'impact de ce qu'ils ont vécu sur leur santé et les aider à surmonter
les difficultés quotidiennes de leur vie dans les camps. Disputes
conjugales, crises d'angoisse, enfants qui se murent dans le silence…
Wafaa écoute et rassure.
Malgré la guerre qui perdure dans son pays, et l'échec des demandes de
regroupement familial qu'elle a plusieurs fois déposées auprès des
Nations unies, Wafaa ne perd pas espoir. Elle retrouvera ses fils et son
mari, c'est certain. En Syrie, chez eux, c'est son rêve le plus
profond.
(26-08-2015
- Envoyée spéciale à Beyrouth du Figaro)
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