Un tribunal du Caire a condamné samedi à trois ans de prison ferme trois
journalistes de la chaîne qatarie Al-Jazeera, malgré les appels de la
communauté internationale à clore cette affaire qui a mis dans
l'embarras le pouvoir égyptien.
L'Australien Peter Greste, le Canadien Mohamed Fahmy et l'Egyptien Baher
Mohamed ont été reconnus coupable d'avoir "diffusé de fausses
informations" et d'avoir travaillé au Caire sans les autorisations
nécessaires. Le juge Hassan Farid a même affirmé "qu'ils n'étaient pas
des journalistes" car ils n'étaient pas enregistrés comme tel auprès des
autorités compétentes.
Les reporters étaient accusés d'avoir soutenu dans leur couverture
médiatique les Frères musulmans, la confrérie de l'ex-président
islamiste Mohamed Morsi, destitué par l'armée en 2013.
MM. Fahmy et Mohamed étaient présents au tribunal, tandis que M. Greste
est jugé par contumace, après avoir été expulsé vers l'Australie en
février en vertu d'un décret présidentiel.
Al-Jazeera a dénoncé une "attaque contre la liberté de la presse".
"La seule issue juste de ce procès c'était un acquittement", a indiqué
Amal Clooney, l'avocate de M. Fahmy, après le verdict, soulignant "le
manque de preuves".
Avant l'audience, Mme Clooney avait prévenu qu'elle rencontrerait des
responsables du gouvernement pour demander - en cas de condamnation - un
pardon présidentiel ou une expulsion.
"Je suis choqué, terriblement choqué", a déclaré à l'AFP le frère de M.
Fahmy, Adel, après le verdict. "Nous attendions un acquittement et nous
nous retrouvons bloqués encore une fois dans cette affaire. C'est
illogique".
Lors d'un premier procès en juin 2014, M. Fahmy et M. Greste avaient
écopé de sept ans de prison et M. Mohamed de dix ans. Mais la Cour de
cassation avait annulé les condamnations des journalistes employés par
l'antenne anglophone d'Al-Jazeera, ordonnant un nouveau procès.
"Depuis le début, c'est un procès politique. Si justice il y a, nous
devons être acquittés, nous sommes des journalistes impartiaux", s'est
insurgé vendredi M. Fahmy, précisant qu'un comité technique chargé par
la cour d'analyser leurs vidéos avait exclu toute "falsification".
A l'ouverture du nouveau procès en février, lui et M. Mohamed avaient
été remis en liberté conditionnelle après plus de 400 jours de
détention. Ils ont été de nouveau arrêtés samedi après le verdict.
"Les yeux du monde sont sur l'Egypte aujourd'hui- une opportunité pour
la justice égyptienne de se montrer juste", a indiqué M. Greste sur son
compte Twitter.
Les journalistes sont également accusés d'avoir travaillé sans les
autorisations nécessaires. MM. Fahmy et Greste avaient été arrêtés dans
une chambre d'hôtel au Caire qu'ils avaient transformé en bureau.
Mais M. Fahmy, qui par le passé a notamment travaillé pour la chaîne
américaine CNN, affirme qu'ils ignoraient que leur employeur n'avait
plus les autorisations requises et que la direction ne les a jamais mis
au courant.
Le journaliste, qui détient la nationalité canadienne, a renoncé à sa
citoyenneté égyptienne pour pouvoir être lui aussi expulsé. Sans succès.
Les peines initiales des journalistes avaient suscité une pluie de
critiques internationales, notamment de la part de Washington et de
l'ONU.
Le président Abdel Fattah al-Sissi, l'ex-chef de l'armée architecte de
la destitution de M. Morsi, avait reconnu qu'il aurait mieux valu
expulser les reporters plutôt que de les juger.
L'affaire avait débuté en pleine crise entre l'Egypte et le Qatar, à couteaux tirés depuis l'éviction de M. Morsi.
Le Caire reprochait à Doha de soutenir les Frères musulmans, notamment
via Al-Jazeera, dont les antennes arabophones ont dénoncé la destitution
de M. Morsi et la sanglante répression qui s'est abattue sur ses
partisans et a fait plus de 1.400 morts.
Samedi, trois co-accusés égyptiens des journalistes ont écopé de 3 ans
de prison, tandis que deux autres ont été acquittés. Ils étaient jugés
pour appartenance aux Frères musulmans et pour avoir cherché à "nuire à
l'image de l'Egypte".
Selon le Committee to Protect Journalists (CPJ), au moins 18
journalistes, essentiellement accusés d'appartenir aux Frères musulmans,
sont derrière les barreaux en Egypte.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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