Image diffusée le 11 juin 2014 par le compte Twitter jihadiste Al-Baraka
montrant des membres de l'organisation Etat islamique (EI) agitant un
drapeau dans la frontière entre la province irakienne de Ninive et la
ville syrienne de Al-Hasakah - Albaraka News
L’écrivain algérien Boualem Sansal dit s’être inspiré de George Orwell en général et de 1984 en particulier. Cela se voit dans le titre de son nouveau roman, 2084,
publié ce jeudi chez Gallimard. Mais pas seulement : son roman, écrit
en français, raconte comment la mondialisation mènera l’islamisme au
pouvoir en Europe. « Orwell a fait une très bonne prédiction et on y est
toujours », observe dans un entretien à l’AFP l’écrivain de 66 ans qui
réside dans la petite ville côtière de Boumerdès, à une cinquantaine de
kilomètres à l’est d’Alger. Selon lui, « les trois totalitarismes
imaginés par Orwell (l’Océania, l’Eurasia et l’Estasia) se confondent
aujourd’hui dans un seul système totalitaire qu’on peut appeler la
mondialisation […] qui a écrasé toutes les cultures sur son chemin et a
rencontré quelque chose de totalement inattendu : la résurrection de
l’islam ».
« Dans mon analyse, c’est le totalitarisme islamique qui va
l’emporter, parce qu’il s’appuie sur une divinité et une jeunesse qui
n’a pas peur de la mort, alors que la mondialisation s’appuie sur
l’argent, le confort, des choses futiles et périssables », estime
l’écrivain qui se dit « non croyant ». Si « 2084 » est une œuvre de pure
invention, Boualem Sansal estime que « la dynamique de la
mondialisation musulmane se met en place ». « Le terrain à observer est
l’Europe. Après le monde arabe et l’Afrique, l’islamisme se propage
aussi en Occident avec une présence physique de plus en plus visible de
barbus, de femmes voilées et de commerces halal », décrit-il. L’écrivain
Michel Houellebecq a, selon lui, « fait la même analyse dans son roman Soumission », où il imagine la France de 2022 gouvernée par un parti musulman.
Un pays soumis à la loi divine d'un dieu qu'on prie neuf fois par jour
Dans 2084, Boualem Sansal imagine un pays, l’Abistan, soumis
à la cruelle loi divine d’un dieu qu’on prie neuf fois par jour et où
les principales activités sont d’interminables pèlerinages et le
spectacle de châtiments publics. « La peur de Dieu sera plus forte que
celle des armes » et « les gens pourront vivre de peu. Ils auront juste
besoin de mosquées pour prier, par conviction ou par peur », résume
l’écrivain, dont les propos rappellent le projet mis en œuvre par le
groupe jihadiste Etat islamique en Irak et en Syrie.
Pour l’auteur du Serment des barbares, les Européens « se
trompent sur l’islamisme comme ils se sont trompés sur le communisme »
et sous-estiment la menace. Notamment à cause de l’autocensure sur la
montée de l’islamisme, qui « tue le débat » alors que « le débat c’est
comme une plante : si on ne l’arrose pas par la contradiction il
disparaît ». Boualem Sansal laisse cependant poindre une note d’espoir
en soulignant que « les systèmes totalitaires finissent tous
par s’effondrer ». « Après le règne de l’islamisme il y aura une
nouvelle mondialisation mais je ne sais pas sous quelle forme »,
présume-t-il.
Honni en Algérie tant par les islamistes que par le régime
Imaginant le sort de son propre pays en 2084, il reste sombre : « Je
ne sais même pas si l’Algérie existera en 2084 sous la forme d’un pays
moderne relativement administré » car « la fin du pétrole va la conduire
dans une situation indescriptible ».
L’écrivain, honni tant par les islamistes que par le régime, juge par
ailleurs « terrifiant » le flux des migrants algériens vers l’Europe et
l’Amérique du Nord. « L’émigration est un vrai drame. Elle touche les
riches, les hyperdiplômés. Quand elle atteint un certain seuil en volume
cela veut dire que le pays ne peut être sauvé ». Boualem Sansal est
jusqu’à présent resté en Algérie, où cet économiste a mené une longue
carrière de fonctionnaire, en se souvenant que son pays « était très
agréable à vivre » lorsqu’il avait lui-même « entre 20 et 30 ans ».
« Après, je n’ai jamais ressenti un besoin suffisamment fort pour me
dire : "je fais mes valises, je m’en vais…" ».
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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