Bouleversé après sa rencontre avec une famille de Syriens dans un parc
de Belgrade, Gordan Paunovic s'est décidé à agir, tout comme nombre de
ses concitoyens qui, marqués par les conflits en ex-Yougoslavie, se sont
portés au secours des milliers de migrants en route vers l'Europe
occidentale.
"Je n'ai pas dormi de la nuit, aurais-je dû les inviter chez moi, leur
proposer de prendre une douche?", s'était interrogé Gordan Paunovic, un
célèbre DJ de musique techno, avant de décider de retourner dans le parc
le lendemain, accompagné de sa femme Susanne Simon-Paunovic, une
institutrice d'Allemand.
"Nous avons apporté une nappe et un véritable repas, pas du fast-food
enveloppé dans du plastique, mais quelque chose qui rappellerait un vrai
repas familial, ne serait-ce que l'espace d'un instant. Nous avons
mangé en famille, comme des amis", a-t-il raconté.
Son geste n'était qu'un des premiers d'une série d'actes de solidarité
dont la capitale serbe a fait preuve ces dernières semaines envers les
milliers de migrants de passage, en route pour une destination où ils
espèrent avoir une vie meilleure.
Les Belgradois ont eu l'expérience de centaines de milliers de réfugiés
issus des guerres sanglantes ayant accompagné l'éclatement de
l'ex-Yougoslavie dans les années 1990. Et ont accueilli avec empathie
les migrants, organisant des collectes d'aide en nourriture,
médicaments, eaux et vêtements.
La municipalité a ouvert un centre d'information, d'assistance médicale
et de soutien psychologique qui fonctionne en trois langues: arabe,
ourdou et farsi.
"Les gens nous apportent sans interruption des vêtements, de la
nourriture, même de l'argent. Ils jouent avec nos enfants les aidant à
oublier un instant les horreurs que nous avons endurées", remarque Hiba,
28 ans, originaire de Syrie.
Elle voyage avec sa soeur et ses trois nièces vers l'Allemagne où vivent
déjà ses deux frères. Juriste de profession, Hiba espère, une fois
installée, faire venir son époux et ses deux fils restés à Damas.
"Après le cauchemar vécu trois jours à la frontière de la Macédoine,
lorsque la police nous a battus, nous nous sentons les bienvenus en
Serbie, lorsque nous y sommes entrés la police distribuait des jouets
aux enfants", a-t-elle dit.
Hiba, comme des centaines de ses compatriotes sont massés dans les parcs
avoisinants la gare, installés tant bien que mal sur la pelouse.
Certains ont monté leurs tentes, d'autres procèdent à des toilettes
rudimentaires ou se rafraichissent aux rares robinets d'eau potable. Des
enfants de tous âges approchent des Belgradois qui leur offrent des
bonbons.
De là, ils poursuivront leur périple vers le nord et la frontière avec la Hongrie.
Les réseaux sociaux serbes ont joué un rôle non négligeable dans la mobilisation et la sensibilisation de la population.
- Un brin de normalité -
"Les souvenirs de la guerre ont contribué au réveil de l'empathie chez
les gens ici, tous s'efforcent d'aider comme ils peuvent", note Mme
Simon-Paunovic.
"Lorsque je vais au marché acheter des fruits pour les réfugiés, les
vendeurs ajoutent toujours un kilo ou deux gratuits lorsqu'ils entendent
qu'ils leurs sont destinés", assure-t-elle.
Mais, plus que l'aide matérielle, c'est le temps consacré à ces infortunés qui revêt le plus d'importance, selon elle.
"Ce qui revigore leur dignité, c'est de s'asseoir et manger avec eux, de
passer du temps avec eux, c'est de cela qu'ils ont le plus besoin,
d'une forme de normalité", souligne Susanne Simon-Paunovic.
"Les messages de remerciements qu'ils envoient après être arrivés à bon
port n'ont pas de prix", note cette ressortissante allemande qui
s'emploie également à donner des leçons de langue allemande aux enfants
syriens de passage et à dessiner avec eux.
"Un jour, nous avons offert des roses aux femmes et aux enfants, leur
parfum provoque des sourires et de la joie", raconte-t-elle. "Plus tard,
alors que je jouais avec une vingtaine d'enfants, des mères sont venues
nous couvrir de pétales et l'une m'a confié: +Belgrade est la plus
belle ville jusqu'à présent+".
Mais tous ne font pas preuve du même enthousiasme envers les réfugiés.
Mme Jelena Milic, qui porte également assistance aux réfugiés, assure
avoir reçu des messages xénophobes et de haine, voire des menaces en
raison de l'aide qu'elle apporte à ses derniers.
Des groupes et partis politiques d'extrême droite ont même appelé à
l'édification d'une clôture à la frontière avec la Macédoine (sud),
semblable à celle que la Hongrie a décidé d'ériger pour empêcher les
migrants d'entrer sur son territoire.
(26-08-2015
- Par Katarina SUBASIC)
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