Dimanche dernier, l'aviation de Bashar a frappé un marché très fréquenté à
Douma, à 13 kilomètres au nord-est de Damas. Le bilan est effroyable :
une centaine de morts, et plus de 250 blessés. Ce samedi, 34 personnes
ont été tuées dans de nouveaux bombardements du régime sur le fief
rebelle.
Selon un rapport récent d'Amnesty International, les civils de cette
région agricole – Ghouta signie « oasis » en arabe – vivent un véritable
calvaire depuis trois ans. Pourquoi l'aviation syrienne s'en prend-elle
systématiquement à la région de la Ghouta orientale, en banlieue de la
capitale ?
Des manifestations de protestation contre le gouvernement se déroulent à
la Ghouta dès mars 2011. Très peu de temps après le début de la
révolution syrienne, la région bascule dans le camp rebelle. À la fin de
l'année, les premières brigades des rebelles de l'Armée syrienne libre y
prennent quartier ; et en 2012, les troupes du gouvernement sont
expulsées après de violents combats. Dès lors, et alors que les brigades
islamistes prennent le dessus dans la rébellion, l'aviation du régime
de Bashar el-Assad n'aura de cesse de bombarder Douma et ses environs.
Selon le Centre de documentation des violations, une ONG locale,
plusieurs milliers de civils ont déjà été tués.
Sur la soixantaine de bombardements menés entre janvier et juin 2015,
Amnesty International a pu en documenter 13 ayant tués 462 civils. Or,
pour dix d'entre eux, aucun combattant n'était présent sur les lieux de
l'attaque. Les frappes ont visé des marchés, des écoles durant les
heures de cours, à proximité de mosquées après la prière du vendredi.
Les hôpitaux sont également pris pour cibles, ce qui oblige les médecins
à soigner leurs victimes dans des sous-sols humides et insalubres. Des
crimes de guerre, juge Amnesty International.
Et ce n'est pas tout. Dès 2012, le gouvernement syrien met en place des
restrictions sur l'approvisionnement en nourriture de la région. Et en
novembre de cette année-là, il coupe l'eau et l'électricité à toute la
Goutha. Les habitants peuvent toujours tenter de se ravitailler à Damas,
mais doivent passer les check-points de l'armée et éviter les balles
des snipers qui les prennent pour cible. À partir d'août 2013, le
gouvernement coupe les principales routes d'accès, imposant un véritable
blocus.
Les conséquences humanitaires sont terribles. Les habitants manquent de
tous les produits de première nécessité : nourriture, électricité, eau,
fioul pour le chauffage et les générateurs… La plupart ne font plus
qu'un seul repas par jour. Les civils dépendent de l'aide humanitaire,
régulièrement bloquée et parfois pillée avant d'arriver. Les habitants
sont également victimes de la contrebande et du marché noir, qui fait
grimper les prix et engraisse des seigneurs de guerre, aussi bien chez
les agents du gouvernement que parmi les groupes rebelles.
Si 9 000 personnes ont pu être évacuées de la Ghouta, principalement des
enfants et des personnes âgées, le reste de la population se retrouve
pris au piège. Le plus puissant groupe armé de la région, l'Armée de
l'Islam, mène lui aussi la vie dure à la population. En effet, s'il est
encore possible de corrompre les soldats du régime pour obtenir un droit
de sortie, l'Armée de l'Islam, elle, refuse tout départ de civils,
alors accusés de soutenir Bashar el-Assad. Détentions arbitraires, tirs
sur des zones habitées, taxes illégales, enrôlement de force : l'Armée
de l'Islam est l'autre oppresseur de la population.
Deux ans après l'attaque chimique qui a visé les habitants de la Ghouta
et tué des centaines de personnes, les 163 000 habitants qui sont restés
sont toujours coincés entre le marteau et l'enclume.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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