"Si ce n'était pas pour les filles, je n'aurais jamais pris ce bateau" :
Nada, 33 ans, Syrienne, son mari et leurs trois enfants font partie des
124.000 migrants arrivés en Grèce cette année, à leurs risques et
périls.
Il y a cinq nuits, ils ont fait la périlleuse traversée en canot
pneumatique qui sépare la Turquie de la Grèce. Il y a un mois à peine,
ils avaient quitté leur ville d'Alep dévastée.
"Nous avons tout risqué pour qu'elles aient un avenir", dit la mère en
regardant jouer sur la plage les fillettes, âgées tout au plus d'une
dizaine d'années.
L'accueil à Kos n'a rien de riant. La police de l'île s'est sombrement
illustrée la semaine dernière en étant filmée deux jours consécutifs en
train de maltraiter des migrants.
Nada, son mari et les petites doivent dormir sous la tente en attendant de gagner Athènes, et, de là, l'Europe du nord.
Mais ils sont heureux que les enfants aient échappé au pire.
"Encore aujourd'hui, elle pleurent et elles hurlent de peur chaque fois
qu'elles entendent un bruit fort, elles craignent que ce soit un
bombardement", raconte la mère, tee-shirt rose et voile lilas.
"Mais elles ont retrouvé leur rire, et elle se sont remises à jouer. Au
moins, la guerre est derrière nous maintenant", se réjouit-elle.
Nisreen, une brunette toute timide, dit qu'elle veut être médecin plus tard. Vian, un peu plus bavarde, voudrait être danseuse.
"J'aimerais que leurs rêves se réalisent. En Syrie, ce ne serait pas possible", reconnaît Nada.
Pour l'instant, seule Vian se rappelle ses cauchemars : "Une nuit, quand
on était encore à Alep, j'ai rêvé que l'armée entrait dans la maison et
nous enlevait".
Il faudra longtemps à tous ces enfants pour retrouver le sens de la
normalité, estime l'association caritative Save the Children.
"Les enfants sont très résistants, et, avec des soins adaptés, ils
peuvent rebondir", explique à l'AFP sa porte-parole Sarah Tyler, "mais
ça peut prendre des mois".
Beaucoup de ces enfants syriens ne sont pas allés à l'école depuis
plusieurs années, et ont grandi trop vite, perdant leur enfance en
essayant de soutenir leurs parents.
Pour Sarah Tyler, "ils doivent retrouver un sentiment de normalité", avec des endroits pour jouer et apprendre.
"Ils ont aussi besoin de soutien psychologique", ajoute-t-elle, car
certains sont devenus agressifs, tandis que d'autres ont simplement
besoin de communiquer ce qu'ils ressentent.
Mais avec des familles qui ne cessent de changer de place, et un accueil
grec réduit au strict minimum, les enfants n'ont reçu que quelques
jouets, albums à colorier et crayons de couleurs donnés par les
touristes et les habitants.
Nisreen, 34 ans, qui est également arrivée d'Alep à Kos par la Turquie,
avec son mari et leurs deux enfants, dit que la guerre a eu un impact
psychologique massif sur ses petits garçons âgés de six et quatre ans.
"La guerre, ils l'ont dans le sang à présent, ils ne jouent qu'à ça. Il
fallait que je les sorte de Syrie, je suis venue en Europe pour eux",
remarque-t-elle. Elle s'inquiète de les voir s'affronter avec des
petites cuillères et des crayons, en imitant le bruit des mitraillettes
et des explosions.
Selon elle, "ils sont très agressifs et difficiles". "Et ils me demandent pourquoi on n'entend plus de bombardement...
Tout ce que souhaite Nisreen aujourd'hui est de la "stabilité". "Nous
n'avons pas pu dormir correctement pendant trois ans à Alep. Je veux que
mes enfants puissent se détendre, jouer, et aller à l'école comme tous
les enfants", dit-elle, ajoutant avoir "aussi besoin de se sentir en
sécurité pour leur donner ce dont ils ont besoin".
Selon le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR), la moitié
des quatre millions de personnes qui se sont enfuies de Syrie ces
dernières années sont des mineurs.
"Ce sont les plus vulnérables, parce que les plus sensibles, et ils
doivent recevoir la protection appropriée", affirme à l'AFP la
porte-parole Stella Nanou.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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