Le sol est encore fumant, les murs noircis par les flammes qui se sont
élevées de plusieurs mètres. La violence du sinistre a été telle qu’on
peine à distinguer ce qui fut le mobilier de maison de la famille
Dawabsha. Dans le village de Douma, situé au nord-est de Ramallah,
jamais les villageois n’auraient imaginé des événements comme ceux de ce
vendredi 31 juillet 2015.
C’est dans ce petit hameau palestinien de 2 500 âmes que vivaient Riham,
la mère, Saad, le père, et leurs deux enfants, Ahmad et Ali. L’aîné
était né peu de temps après l’installation du couple dans cette maison
légèrement excentrée. « C’est normal ici, quand un couple se marie, il
construit sa maison, donc le village s’agrandit », explique Anwar
Dawabsha, un cousin éloigné de Saad. L’homme a les traits fatigués. La
faute à cette trop courte nuit dont il se souviendra toute sa vie.
Anwar Dawabsha prend son temps pour raconter en détail les événements : «
Je venais juste de m’endormir lorsque j’ai entendu du bruit. Je me suis
levé quand j’ai compris que c’était la voisine qui criait. » Il sort
alors de chez lui et découvre une première maison, celle de Maamoun
Rashid, en feu. Prévenu par le frère de Maamoun que la maison est vide,
Anwar Dawabsha réalise alors que les cris proviennent de la maison
voisine, celle de Saad Dawabsha. Ce dernier sort de chez lui, le visage
et une partie du corps brûlé. Riham parvient à faire de même avant de
s’écouler sur le sol.
« Ils nous ont expliqué d’un filet de voix que leurs deux enfants
étaient à l’intérieur. Mais les flammes montaient jusqu’à 10 mètres,
c’était impossible d’entrer. » Un voisin réussit à pénétrer dans la
maison pour sauver le petit Ahmad, 4 ans. Son cadet, Ali, impossible à
atteindre à cause de la violence de l’incendie, périra brûlé vif.
L’enfant avait 18 mois.
« Perdre la maison qu’on a passé sa vie à construire, c’est triste,
mais on peut toujours la reconstruire. Les morts, eux, ne peuvent pas
renaître. »
Amin Rashid, à peine 30 ans, est assis sur un petit muret devant la
maison de son frère Maamoun. Le rez-de-chaussée de la demeure est
carbonisé. Les vitres ont explosé sous la chaleur. Il s’interroge à
haute voix : « Que voulaient ceux qui sont venus nous attaquer ? » Rien
ne distingue pourtant le village de Douma d’un autre. Des rues sinueuses
où les automobilistes doivent slalomer pour éviter les nids-de-poule,
des habitations de plain-pied et au milieu la mosquée. « Perdre la
maison qu’on a passé sa vie à construire, c’est triste, mais on peut
toujours la reconstruire », confie le jeune homme. « Les morts, eux, ne
peuvent pas renaître », ajoute-t-il.
Incursion de colons israéliens
Pour lui, l’implication des colons israéliens est une évidence. Des
témoins racontent avoir vu quatre hommes s’enfuir vers la colonie
voisine de Maale Efraim. La police israélienne confirme que la piste
d’extrémistes juifs est privilégiée. Des graffitis sont toujours
visibles à l’extérieur de la bâtisse. Sur un mur, on découvre une étoile
de David soulignée d’une inscription en hébreux : « Vengeance ».
D’autres tags identiques ont été laissés un peu plus loin. C’est la
signature du groupe « Le prix à payer », des colons israéliens
extrémistes qui dégradent mosquées et bâtiments palestiniens dès qu’ils
le peuvent en Cisjordanie ou à Jérusalem.
Cette dernière attaque est un « choc immense » pour Dina Hashash, une
travailleuse humanitaire palestinienne qui répertorie les violences des
colons dans la région de Naplouse. Mais elle n’est pas surprise : «
Depuis qu’un colon israélien a été tué par un Palestinien à la sortie de
la colonie Chvout Rachel [le 29 juin], les colons se faisaient de plus
en plus menaçants. » Elle confirme l’information donnée par les
habitants qu’une première tentative d’incursion de colons avait été
repoussée il y a quelques semaines à l’extérieur du village.
Tout le monde pensait que cette histoire, avec laquelle Douma n’a rien à
voir, s’arrêterait là. Depuis 2014, 11 000 incidents impliquant des
colons ont été documentés, assurent les autorités palestiniennes. Mais
les colons bénéficient d’une quasi-impunité. Selon l’ONG israélienne
Yesh Din, 85 % des plaintes de Palestiniens à propos de violences de
colons sont classées sans suite par la justice israélienne.
Ce qui n’a pas empêché l’armée israélienne de lancer cette fois-ci une
immense opération de recherche avec plusieurs milliers de soldats
quadrillant la partie nord de la Cisjordanie. La route qui mène au
village a été interdite aux voitures des colons. Mais ce déploiement est
aussi, ou surtout, un moyen pour tenter de prévenir d’éventuelles
représailles palestiniennes. Lors des funérailles du petit Ali Dawabsha,
plusieurs participants ont crié vengeance.
Ce vendredi 31 juillet, très peu de temps après l’attaque de Douma, les
points de contrôle de l’armée israélienne en Cisjordanie ont été
renforcés. Des barrages temporaires ont été mis en place sur plusieurs
axes, dont des routes fréquentées uniquement par les Palestiniens. Tout
est fait pour empêcher un embrasement général redouté par les autorités
israéliennes.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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